Question au Gouvernement n° 1859 :
services publics

12e Législature

Question de : M. Pierre Cohen
Haute-Garonne (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 3 février 2005

DIRECTIVE BOLKESTEIN

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.
M. Pierre Cohen. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Depuis plusieurs mois se concocte une directive relative aux services dans le marché intérieur européen, dite directive Bolkestein. Elle a la prétention de favoriser la libre circulation des salariés et des services, et permettrait, nous dit-on, une simplification administrative et une concurrence facilitée, le tout au bénéfice des consommateurs.
La directive repose sur le principe du pays d'origine, qui implique qu'un prestataire de services est uniquement soumis à la loi de son pays d'origine et n'a plus à se conformer aux règlements et exigences administratives des pays d'accueil. Ainsi, une entreprise de bâtiment originaire d'un des pays membres de l'Union pourrait, en France, emporter un marché et appliquer, en toute légalité, une fiscalité différente de celle à laquelle sont soumises nos entreprises, une réglementation plus laxiste et non conforme à la nôtre, notamment en matière de sécurité, et surtout un droit du travail et des salaires au rabais.
Ce projet est particulièrement grave, et ce à plusieurs titres. Tout d'abord, il s'agit d'une concurrence tout à fait déloyale. On retrouve là les stigmates d'un libéralisme qui oeuvre en permanence en faveur de la dérégulation. Ensuite, la directive aura pour effet de tirer la réglementation par le bas et de mettre à mal toutes les avancées en matière fiscale ou sociale, et en particulier les acquis sociaux et la protection du code du travail. Enfin, la directive Bolkestein porte atteinte à nos services publics en les assimilant à des services marchands.
Le parti socialiste, comme un grand nombre d'organisations syndicales, associatives et politiques en France et en Europe, s'oppose à cette directive et refuse même tout amendement.
Aussi, monsieur le Premier ministre, nous vous demandons, dans le cadre de la conférence intergouvernementale, de vous opposer fermement à cette proposition de directive, d'en demander le rejet, en particulier s'agissant du principe du pays d'origine, qui organiserait le dumping juridique et social au sein de l'Union, et enfin de vous assurer qu'aucune directive sur les services ne soit débattue tant qu'une loi-cadre sur les services publics ne sera pas adoptée par l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Compte tenu de l'importance de cette question, je tiens à préciser moi-même la position du Gouvernement sur ce projet, qui est inacceptable. Ce n'est pas la conception que nous avons du service public, et ce n'est pas non plus celle que nous avons de l'organisation européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Si nous voulons un nouveau traité, c'est parce que nous voulons que notre modèle politique puisse peser dans les institutions européennes. Nous voulons une autre Europe, plus politique, grâce au traité instituant une Constitution européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Cette directive est inacceptable. Nous utiliserons tous les moyens dont nous disposons pour nous y opposer : tel est le message donné par M. le Président de la République ce matin au conseil des ministres. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Données clés

Auteur : M. Pierre Cohen

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politiques communautaires

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 février 2005

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