lutte contre le racisme
Question de :
M. Louis-Joseph Manscour
Martinique (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 10 février 2005
RACISME SUR LES TERRAINS DE SPORT
M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour, pour le groupe socialiste.M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le Premier ministre, la semaine dernière, dans cet hémicycle, un député de votre majorité interpellait le ministre de l'intérieur sur les actes antisémites qui se développent sur le territoire national. Après les avoir condamnés avec fermeté, le ministre indiqua les mesures qu'il envisageait de prendre pour éradiquer ce fléau. La représentation nationale, dans son ensemble, approuva sa démarche. Mais force est de constater que la haine de l'autre et les préjugés raciaux ne transparaissent pas seulement dans les propos et actes de quelques milliers de néo-nazis. Le mal est beaucoup plus profond.
Nos terrains de sport, qui devraient être des sanctuaires de tolérance, sont hélas de plus en plus souvent le théâtre de spectacles bien désolants ! Nombre de sportifs portant dignement les valeurs du sport français au-delà même de nos frontières se font traiter de " singes ", de " mangeurs de bananes " ou de " sales nègres ". (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le 22 janvier dernier, à Strasbourg, lors d'un match de la Ligue nationale de basket, Nathalie Lesdema, joueuse émérite de l'équipe de France, se fait traiter de " sale noire " par des individus assis à quelques mètres de l'aire de jeu et contrefaisant des gestes de singes. Très choquée, Nathalie Lesdema porta plainte.
Ces propos imbéciles ne sont pas tenus par quelques individus isolés. Le phénomène gagne nos stades, la rue, notre société tout entière. Il est dangereux de laisser évoluer les consciences dans ce prisme odieux qui va du racisme le plus radical aux préjugés les plus stupides, en passant par toutes les formes de discrimination.
Face à ce mal pernicieux, les fédérations nationales et de nombreux sportifs de renom - Thierry Henry, Claude Makélélé, Lilian Thuram, pour ne citer qu'eux - se mobilisent pour mener une campagne médiatique de sensibilisation destinée à enrayer le phénomène. Quel merveilleux symbole, samedi dernier, au Parc des Princes, que cet échange de maillots noirs et blancs entre les joueurs du Paris Saint-Germain et ceux du Racing Club de Lens !
La mise en place de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ne suffit pas. Des actes forts et significatifs sont nécessaires. Nos compatriotes attendent légitimement le soutien et la solidarité de votre gouvernement. Monsieur le Premier ministre, quelles réponses concrètes proposez-vous pour lutter contre ces imitateurs de singes et ces sauvages de gradins ? Quelles mesures plus globales et générales comptez-vous prendre pour qu'enfin, au sein de notre communauté nationale, le ventre de la bête immonde ne soit plus fécond ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains ainsi que sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je veux saluer avec vous les initiatives qui ont été prises par des joueurs, des clubs de supporters, des organisateurs de manifestations sportives pour lutter contre le racisme. En effet, celui-ci est inacceptable partout sur notre territoire, dans tous nos stades. Aucun slogan, aucune banderole, aucune manifestation de racisme ne peuvent être tolérés sur nos terrains de sport. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe socialiste.) C'est pourquoi, avec Jean-François Lamour et Dominique Perben, nous avons décidé de renforcer les mesures de sécurité par des contrôles systématiques aux abords et à l'entrée des stades, par des fouilles, par la multiplication des caméras de vidéo surveillance, par la présence d'équipes de policiers en civil prêtes à intervenir à tout moment. Et j'entends prochainement autoriser les préfets à prononcer des interdictions administratives et à demander aux interdits de stade d'être présents dans un commissariat ou une gendarmerie pendant le déroulement des matchs.
M. François Rochebloine. C'est déjà le cas !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. En outre, j'entends prochainement autoriser les préfets à prononcer des interdictions administratives, qui imposeront aux interdits de stade d'être présents dans les commissariats ou les brigades de gendarmerie pendant les matchs.
M. Yves Bur. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais nous voulons aller plus loin et, au-delà des stades, éliminer l'ensemble des groupes qui prônent le racisme et la violence.
C'est pourquoi, au terme de rapports circonstanciés de mes services, je serai amené à proposer en Conseil des ministres la dissolution des groupes concernés. Je veux croire que l'ensemble de ces dispositifs permettra d'éliminer le racisme des stades et des terrains de sport.
Vous savez que les Britanniques ont été amenés à prendre des décisions draconiennes, comme celle d'avancer l'heure des matchs en les déplaçant de la soirée vers la fin de la matinée ou le début de l'après-midi.
M. Pierre-Christophe Baguet. Cela n'a jamais été fait !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'espère que nous n'aurons pas à recourir à de telles mesures. Mais le racisme est contraire à l'esprit du sport et à l'esprit de la République, et notre détermination à le combattre est totale. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française ainsi que sur plusieurs autres bancs.)
Auteur : M. Louis-Joseph Manscour
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Droits de l'homme et libertés publiques
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 février 2005