Question au Gouvernement n° 1889 :
délocalisations

12e Législature

Question de : M. Henri Emmanuelli
Landes (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 10 février 2005

DÉCLARATIONS DE COMMISSAIRES EUROPÉENS
SUR LES DÉLOCALISATIONS

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour le groupe socialiste. (" Ah ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Henri Emmanuelli. Monsieur le Premier ministre, le chômage, qui frappe près de 3 millions de personnes, reste, comme vous le savez, la préoccupation des Français et, je l'espère, du Gouvernement.
M. Charles Cova. Et le grand échec de Jospin !
M. Henri Emmanuelli. Les délocalisations représentent un des aspects les plus sensibles de ce problème. (" Oui ! " sur les bancs du groupe socialiste.) C'est si vrai que, à l'automne dernier, votre précédent ministre des finances, M. Sarkozy, s'en était saisi et avait annoncé des propositions. Je ne sais pas si elles se sont concrétisées, mais l'intention y était.
M. Michel Bouvard. En effet !
M. Henri Emmanuelli. Or hier, Mme Danuta Hübner, commissaire européen en charge des politiques régionales, a fait des déclarations publiées simultanément dans deux quotidiens, l'un français, l'autre allemand, qui me paraissent poser un problème sérieux.
Je la cite : " Prévenir les délocalisations, en France ou en Allemagne par exemple, les stopper par des règles artificielles travaillerait contre la compétitivité des entreprises. Ce que nous devons faire, au contraire, c'est faciliter les délocalisations au sein de l'Europe. Ainsi, les sociétés européennes seront globalement plus fortes, car elles pourront abaisser leurs coûts. "
Ces déclarations font suite à celles de Mme Kroes, commissaire à la concurrence, qui, la semaine dernière, condamnait par avance toute forme d'aide publique régionale, et donc toute possibilité de politique industrielle telle que préconisée par le rapport Beffa.
Ma question est donc simple, monsieur le Premier ministre : quelle va être la réaction du gouvernement français ? Votre majorité tolérera-t-elle longtemps que des commissaires européens piétinent les orientations politiques qu'elle annonce dans l'Hexagone ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, nous avons été surpris et choqués (" Ah ! " sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) par les propos de Danuta Hübner tels que les rapportait hier le quotidien La Tribune. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Il n'est pas concevable qu'un membre de la Commission, en particulier chargé de la politique régionale, fasse un plaidoyer en faveur des délocalisations. Nous avons dit très clairement à Mme Danuta Hübner que nous désapprouvions ses propos, qui ne servent ni la Commission ni l'Europe. (" Très bien ! " sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le Premier ministre aura l'occasion de le redire à M. Barroso, président de la Commission, qu'il rencontre demain.
M. Jean-Pierre Brard. Ça va l'impressionner !
Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Il est normal que les entreprises cherchent à conquérir de nouveaux marchés, notamment dans les nouveaux États membres, mais nous devons combattre les délocalisations, qui sont des transferts d'emplois, où qu'elles se fassent, par une politique active et déterminée au niveau national et européen.
Au plan national, nous devons augmenter l'attractivité de notre pays. C'est ce que nous tentons de faire en développant des pôles de compétitivité : le Premier ministre et le Gouvernement ont pris des mesures importantes en ce sens. Nous devons également avoir une politique industrielle et de recherche ambitieuse. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est l'objectif de l'Agence pour l'innovation industrielle que soutient le Président de la République.
Au plan européen, il nous faut avancer sur l'harmonisation fiscale, tant au niveau de l'assiette que des taux, et lutter contre le dumping fiscal. La France a fait des propositions, dont certaines ont déjà été retenues par la Commission. Ensuite, nous devons durcir les conditions d'attribution des fonds structurels, et Jacques Barrot, le vice-président de la Commission, a obtenu de lier ces subventions européennes au maintien de l'emploi. Enfin, il faut développer une politique de recherche ambitieuse au niveau européen. La France est déterminée et elle fait des propositions dans le cadre de la révision de la stratégie de Lisbonne.
Comme vous le voyez, monsieur le député, il n'y a pas de double langage du Gouvernement. Nous désapprouvons les propos de Danuta Hübner, et je dirai avec vous : oui à la solidarité, oui à l'emploi en Europe (" Non à cette Europe-là ! " sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), et non aux délocalisations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Données clés

Auteur : M. Henri Emmanuelli

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Entreprises

Ministère interrogé : affaires européennes

Ministère répondant : affaires européennes

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 février 2005

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