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Question de :
Mme Catherine Génisson
Pas-de-Calais (2e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 30 mars 2005
INTERDICTION D'UNE AFFICHE PUBLICITAIRE
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe socialiste.Mme Catherine Génisson. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, je veux vous faire part de mes interrogations et de mon inquiétude après l'interdiction par le tribunal de grande instance de Paris de l'affiche publicitaire inspirée de " la Cène " de Léonard de Vinci, suite à la demande de l'association Croyances et libertés.
Les attendus du jugement qui parlent, entre autres, d'" injure visant un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion déterminée, en l'occurrence le catholicisme ", sont pour le moins surprenants. Veut-on réintroduire le délit de blasphème dans le code pénal ?
Cette jurisprudence, si elle venait à se confirmer, ne permettrait-elle pas aux religions quelles qu'elles soient de restreindre nos libertés, toutes nos libertés ? Je suis particulièrement choquée par cet acte de censure touchant le cliché de la talentueuse photographe italienne, Mme Brigitte Niedermair. J'ai vu cette affiche et, permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, je n'ai pas ressenti une insulte faite aux femmes. Cette oeuvre est simplement belle. C'est un bel hommage à l'esthétique.
Je souhaite connaître votre sentiment sur cette regrettable affaire de censure et d'atteinte à la liberté d'expression tout en rappelant que Léonard de Vinci, dont l'une des oeuvres inspire le cliché, a lui aussi, en son temps, subi la censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Madame la députée, à propos d'une récente décision du tribunal de grande instance de Paris qui interdit une affiche publicitaire pour des vêtements, vous parlez de censure et d'atteinte à la liberté de création. (" Oui ! " sur les bancs du groupe socialiste.) Je pourrais aisément me réfugier derrière une décision de justice qui vient en appel très prochainement, mais je ne le ferai pas, parce que la manière dont la liberté de création doit être assurée dans notre pays est évidemment une question très sensible. Je trouve excessif de parler aujourd'hui d'un retour à la censure.
M. Jean Glavany. Qu'est-ce que c'est alors !
M. le ministre de la culture et de la communication. Notre pays est beaucoup plus libéral que bien d'autres (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) en ce qui concerne le spectacle vivant, le cinéma, la presse et même la publicité. Je vous invite à m'accompagner à certains spectacles ; vous verrez que la liberté de création est respectée et que la censure n'existe pas !(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cependant, beaucoup de nos concitoyens, quelles que soient leurs convictions, se sentent choqués ou bouleversés par la violence de notre temps et par certaines manifestations d'intolérance. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste.) Le dire n'est pas contraire au bon sens. C'est la vérité. C'est pour cela que notre jurisprudence est attachée à l'équilibre, qu'il n'est pas facile de trouver, entre la liberté d'expression, la liberté de création et la protection légitime de la liberté religieuse et des convictions de chacun. Sans cet équilibre, il n'y a plus de démocratie. Sans cet équilibre, la liberté de création trouve ses limites. Il est difficile à préserver. Je souhaite donc que chacun ait à coeur, lorsqu'il crée, de penser à l'ensemble de ses concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Auteur : Mme Catherine Génisson
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Publicité
Ministère interrogé : culture et communication
Ministère répondant : culture et communication
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 30 mars 2005