Question au Gouvernement n° 2083 :
magistrats

12e Législature

Question de : M. André Vallini
Isère (9e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 5 mai 2005

INDEPENDANCE DE LA JUSTICE

M. le président. La parole est à M. André Vallini, pour le groupe socialiste.
M. André Vallini. Monsieur le ministre de la justice, je pourrais vous interroger sur la colère légitime des avocats devant la remise en cause grave des droits de la défense que provoque votre loi dite " loi Perben II " ; mais j'aurai d'autres occasions de le faire. Je veux aujourd'hui vous interroger sur un sujet tout aussi important qui est l'indépendance de la justice.
Que souhaitent les Français ? Nous le savons tous ici : une justice impartiale et indépendante des pressions politiques. Que faites-vous depuis 2002 ? Exactement le contraire. (" Eh oui ! " sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Arnaud Montebourg et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !
M. André Vallini. Dès votre nomination, monsieur le ministre, vous avez commencé par rétablir les instructions individuelles dans les affaires judiciaires en cours. Vous avez ensuite décidé de ne plus suivre les avis du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination des magistrats : en 2004, dans 60 % des cas, vous avez ignoré les avis négatifs du CSM pour la nomination des magistrats. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous en avez profité pour nommer aux plus hauts postes de la hiérarchie judiciaire des juges de " proximité " - au sens, bien sûr, de leur proximité avec le pouvoir. (Nouvelles protestations sur les mêmes bancs.)
M. Arnaud Montebourg. Très juste !
M. André Vallini. Vous avez même, monsieur le ministre, nommé votre propre directeur adjoint de cabinet au Conseil supérieur de la magistrature. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'ajoute que vous avez instauré, dans la rémunération des magistrats, une prime au rendement qui permet tous les favoritismes.
Voulez-vous deux exemples encore plus précis ?
Dans l'affaire du financement occulte du RPR, vous avez remis en cause (" URBA ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) le jugement de première instance rendu à Nanterre en déclenchant trois enquêtes - une enquête administrative, une enquête judiciaire, une enquête disciplinaire - qui n'ont abouti à rien ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Autre exemple, monsieur le ministre : vous avez tenté, il y a quelques mois, nous nous en souvenons tous, de déstabiliser le procureur de Nice qui mène une action courageuse contre la corruption politico-financière.
M. Arnaud Montebourg. Très juste !
M. André Vallini. Enfin, nous apprenons ces jours-ci que vous essayez par tous les moyens de faire dessaisir la juge d'instruction d'Albertville, qui instruit une affaire grave de pollution d'origine industrielle, affaire dans laquelle pourraient être mises en examen des personnalités politiques importantes appartenant à votre famille politique. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, ma question est simple. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quand allez-vous en finir avec ces manipulations partisanes de la justice,...
M. Lucien Degauchy. Vous voulez un miroir ?
M. André Vallini. ...qui renvoient à des pratiques d'un autre âge ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Lucien Degauchy. Mitterrand !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Vallini, je trouve votre question et son contenu bien tristes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est à se demander si vous avez compris quoi que ce soit au message que nous ont envoyé les Français.
En 2002, ils nous ont adressé deux demandes principales : restaurer l'autorité de l'État et assurer leur sécurité quotidienne.
M. Arnaud Montebourg. Répondez à la question !
M. le garde des sceaux. C'est la mission que le Président de la République nous a confiée, au ministre de l'intérieur et à moi-même. Je l'assume en respectant très clairement le rôle des parquets et celui des juges indépendants du siège.
M. Christian Bataille. Vous ne répondez pas à la question !
M. le garde des sceaux. Je revendique le rôle du ministre politiquement responsable de l'action publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est de cette manière que l'on mène une politique de sécurité et de restauration des libertés individuelles. D'ailleurs, au sein de votre mouvement, monsieur Vallini, vous n'êtes pas tous d'accord sur ce point, et je connais d'anciens ministres de M. Jospin qui partagent mon opinion à cet égard. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je poursuivrai cette action au profit des Français.
Quant au juge d'Albertville, vous devriez savoir, vous qui êtes juriste, monsieur Vallini, qu'il s'agit d'une affaire en cours, soumise à la Cour de cassation. Respectons l'indépendance de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Arnaud Montebourg. L'esquive !
M. Christian Bataille. Et la question ?

Données clés

Auteur : M. André Vallini

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 mai 2005

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