Question au Gouvernement n° 2129 :
perspectives

12e Législature

Question de : M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 22 juin 2005

CONSEIL EUROPEEN DE BRUXELLES

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, l'histoire jugera sévèrement les dirigeants européens qui ont provoqué l'échec du sommet de Bruxelles. (" Fabius ! " et exclamations prolongées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Là où le choc du référendum appelait une vision solidaire, le Président de la République s'est enfermé dans un combat de coqs avec Tony Blair à propos du chèque britannique et de la PAC. (" Fabius ! Fabius ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Christophe Cambadélis. Chirac n'est pas Président de la République ?
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, quel contraste avec le geste noble des pays nouveaux adhérents, prêts à sacrifier une partie de leurs avantages financiers pour sauver un compromis. Ces nations plus pauvres que nous ont démontré plus de grandeur que les grands pays de l'Union.
À aucun moment, Jacques Chirac n'a cherché à sortir de la crise par le haut. (Protestations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) À aucun moment, il n'a tenu compte des recommandations que nous avions faites, notamment ici dans cet hémicycle, pour réorienter les priorités de l'Union sur la nécessité d'augmenter son budget pour faire face aux défis de la mondialisation, je pense bien sûr aux crédits pour une politique industrielle ambitieuse, pour la recherche, pour la formation, pour les infrastructures de transports.
Monsieur le Premier ministre, malgré les efforts pathétiques de votre ministre des affaires étrangères, la France est arrivée à Bruxelles affaiblie, et elle en est hélas ! repartie abaissée. Voilà la réalité ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Aux termes de nos institutions, le Président de la République n'a de comptes à rendre à personne. Mais la crise est grave. Aujourd'hui, l'Europe ne dispose ni du budget ni des institutions pour faire face à ses responsabilités historiques. Elle est politiquement paralysée.
Ma question est très simple : monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous nous sortir de l'ornière ? Allez-vous enfin accepter une remise à plat claire, ambitieuse, et franche avec nos partenaires, des politiques de l'Europe pour redonner confiance à la France, à l'Europe et à ses peuples ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le député, le Conseil européen de Bruxelles était un rendez-vous difficile. Revenons sur terre un instant, ceci n'est une surprise pour aucun d'entre nous ici.
M. Henri Emmanuelli. Pour moi, si !
M. le Premier ministre. La France, les Pays-Bas ont rejeté le traité constitutionnel.
M. Didier Migaud. Cela n'a rien à voir !
M. Maxime Gremetz. El le Luxembourg va en faire autant !
M. le Premier ministre. D'autres pays s'interrogent. Dès lors, nous savions que le chemin serait long et difficile.
M. Maxime Gremetz. Mais bénéfique !
M. le Premier ministre. Faut-il, comme vous le faites, monsieur Ayrault, chercher des boucs émissaires ? Ce serait injuste et, surtout, inefficace.
Le Conseil européen de Bruxelles a été un échec. Pourquoi ? D'abord, parce que les Britanniques se sont opposés à toute négociation sur le budget de l'Europe.
M. Jean-Marie Le Guen. Et nous, qu'avons-nous fait ?
M. le Premier ministre. Comme tous nos partenaires européens, nous avions accepté la proposition du président de l'Union européenne, M. Juncker, de relever la part du budget de l'Europe de 1 à 1,06 %. Cela peut paraître infime. Cela représente pour notre pays une contribution supplémentaire de 1,5 milliard d'euros par an, soit 10 milliards sur la période 2007-2013.
M. Julien Dray. Moins que les privatisations !
M. le Premier ministre. Eh bien, les Britanniques ont refusé cette proposition.
M. Jean-Pierre Brard. Perfide Albion !
M. le Premier ministre. La deuxième raison de l'échec, c'est que les Britanniques ont refusé le compromis sur la PAC qui avait été accepté en 2002 par tous les pays, y compris les Britanniques. Par un tour de passe-passe, ils ont voulu mettre sur le même plan la politique agricole commune et le chèque britannique.
M. Jean-Pierre Brard. Les fourbes !
M. le Premier ministre. Ces deux dépenses n'ont pourtant rien, mais strictement rien à voir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
D'un côté, il s'agit de dépenses nécessaires, indispensables pour répondre à nos besoins européens et nationaux, nos besoins alimentaires.
M. Jean Dionis du Séjour. Absolument !
M. le Premier ministre. De l'autre, il s'agit du chèque britannique, un héritage du passé, un héritage désuet, aujourd'hui sans objet.
M. Jean-Pierre Brard. Laissé par Margaret !
M. le Premier ministre. Ce chèque britannique, je le dis ici avec toute l'amitié que je porte au peuple britannique, constitue une véritable dépense d'Ancien Régime. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jacques Desallangre. Les Montagnards sont là !
M. le Premier ministre. Que nous prenions en compte le problème britannique de manière graduée pour éviter un choc trop brutal, bien sûr ! Que l'on accepte de préserver des avantages acquis aujourd'hui injustifiés, certainement pas !
Pour moi, aujourd'hui, monsieur Ayrault, la seule véritable question que nous devons nous poser, c'est de savoir comment on reconstruit l'Europe.
Nous avions choisi de mener de front l'élargissement et l'approfondissement avec la Constitution européenne.
M. Henri Emmanuelli. On n'a pas construit !
M. le Premier ministre. Mais, force est de le constater, les Européens et les Français ont eu le sentiment que l'Europe s'éloignait d'eux, s'éloignait de leurs préoccupations quotidiennes.
M. Jean-Christophe Cambadélis. La faute à qui ? C'est vous qui avez négocié !
M. le Premier ministre. Aujourd'hui, nous avons besoin, et nous devons le faire ensemble parce que l'intérêt national le commande, d'appliquer une nouvelle méthode. Il faut avancer projet par projet, avec, à l'esprit, un mot qui nous rassemble et qui nous est cher : le pragmatisme. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe socialiste.)
Avançons dans la voie d'une gouvernance économique européenne, avançons dans la voie d'une véritable politique de recherche. À ce propos, je vous rappelle que le projet de budget européen que nous avions accepté, comme tous les autres européens à l'exception des Britanniques, prévoyait une hausse de 30 % des dépenses pour la recherche en Europe.
M. Xavier de Roux. Très bien !
M. le Premier ministre. Avançons également dans une véritable politique dans le domaine de la sécurité et de la défense, et nous serons au rendez-vous de l'Europe et de nos peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Marc Ayrault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Union européenne

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 juin 2005

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