sécurité des biens et des personnes
Question de :
M. Éric Raoult
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 3 novembre 2005
VIOLENCES EN SEINE-SAINT-DENIS
M. le président. La parole est à M. Éric Raoult.M. Éric Raoult. Monsieur le Premier ministre, vous avez rencontré hier soir, avec le ministre de l'intérieur, les parents des jeunes Zyed et Bouna de Clichy-sous-Bois. Avec tact et émotion, vous avez, avec Nicolas Sarkozy, partagé la douleur des familles de ces deux ados " bien ", morts accidentellement, morts pour rien.
Le deuil a encore touché ce même département, par une violence aveugle aussi dramatique. À Épinay-sur-Seine, un technicien a été frappé à mort devant sa femme et son enfant. Ces derniers ont également été reçus place Beauvau.
Notre émotion et notre indignation sont les mêmes. Elles ne sont pas à géométrie ou à origine variable.
La Seine-Saint-Denis, ce département populaire, ne veut pas être caricaturée comme une poudrière. Brûler une voiture n'est pas un jeu, c'est un crime. Incendier les voitures des postiers, caillasser les pompiers, ce n'est pas un jeu, c'est un grave danger. Mais lancer une grenade dans un lieu de culte, c'est soit une provocation, soit une stupidité, c'est de toute façon une indignité.
Cette actualité, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre d'État, ne peut se banaliser. Nos quartiers ne veulent pas être sous la coupe de minorités de hors-la-loi qui ne veulent pas que l'on entre dans leurs zones de non droit. C'est un bras de fer qui y est engagé avec ceux qui veulent garder leurs quartiers de haute dangerosité.
Pour obtenir l'apaisement souhaité par tous et par le chef de l'État, trois priorités doivent orienter l'action : le dialogue retrouvé entre les policiers et les adolescents, car l'ordre républicain protège plus que la peur et le silence des dealers ; le respect réaffirmé à l'égard des autorités, des familles et des cités, qui sont pauvres mais fières ; la responsabilité de toute une société, qui doit assumer ses quartiers, mais aussi de tous ses dirigeants, qui ne peuvent s'en exonérer, des lenteurs de réalisation à leurs propres échecs dans des banlieues souvent issues des années Mitterrand. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Ces violences sont en fait une autodestruction, ce n'est pas une révolution. Ce n'est pas devant une voiture calcinée que l'on fait avancer la citoyenneté. Les gens des cités réclament simplement de la dignité, et d'abord de la sécurité, comme les autres, pas plus, pas moins.
Ce week-end, la France entière a regardé Clichy-sous-Bois s'embraser mais, aujourd'hui, tous les quartiers veulent vous écouter. Monsieur le Premier ministre, comment peuvent-ils garder confiance en la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Lamentable !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le député, au cours des événements de ces derniers jours, deux enfants sont morts, un père de famille a été lâchement assassiné. Alors permettez-moi tout d'abord d'avoir une pensée pour leurs familles et leurs amis. Je veux qu'ils sachent que le Gouvernement et la représentation nationale rassemblés ici pensent à eux, car il n'y a qu'un territoire national, sur lequel les lois de la République s'appliquent, il n'y a que des Français égaux en droit, qui aspirent tous à la sécurité et à la justice.
Oui, les violences dans les quartiers sont un défi pour nous tous. Cela fait des années que les habitants de certains quartiers urbains sont confrontés aux incivilités, aux dégradations, aux voitures brûlées,...
Mme Jacqueline Fraysse. À la misère ! Au chômage !
M. le Premier ministre. ...mais aussi à des actes plus graves : racket sur les mineurs à la sortie des écoles, violences envers les femmes ou les personnes âgées, trafics de drogue.
Je veux conduire notre action avec volonté et humanité, avec détermination et discernement. Évitons de stigmatiser des quartiers auxquels les habitants sont attachés.
M. André Gerin. Absolument !
M. le Premier ministre. Traitons différemment la petite délinquance et la grande criminalité. Luttons avec fermeté contre toutes les discriminations. Prévenons tout amalgame entre une minorité qui sème le désordre et l'immense majorité des jeunes, qui souhaitent s'intégrer dans la société et réussir dans la vie.
Le Gouvernement tout entier est à la tâche...
Un député du groupe socialiste. Sarkozy aussi ?
M. le Premier ministre. ...avec une priorité immédiate, rétablir l'ordre public, et le rétablir sans délai.
Les incendies volontaires et les affrontements sont inacceptables et seront sanctionnés par la justice comme il se doit. Le Président de la République l'a rappelé ce matin,...
M. Julien Dray. Il existe encore ?
M. le Premier ministre. ...il ne peut pas y avoir, il n'y aura pas de zone de non-droit en France. Nicolas Sarkozy a pris les mesures nécessaires en ce sens, et je sais que je peux compter sur lui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Par ailleurs, l'ensemble du Gouvernement agit pour faire de l'égalité des chances une réalité dans notre pays.
Cela passe d'abord par la prévention des violences. État, collectivités locales, associations doivent rassembler leurs forces et leurs compétences autour des maires.
M. Julien Dray. Quel discours nouveau !
M. le Premier ministre. Un projet de loi sera élaboré sous ma coordination dans les prochaines semaines.
M. Julien Dray. Cela fait six mois qu'on l'attend !
M. le Premier ministre. Cela passe aussi par des logements plus décents. Le programme de rénovation urbaine de Jean-Louis Borloo va changer durablement les conditions de vie dans les quartiers. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Cela passe surtout par un emploi pour tous. Des jeunes qui n'ont pas de perspective de travail, qui ne savent pas comment obtenir un stage ou une formation, n'ont pas d'espoir et doutent de notre société. C'est à eux que je veux répondre avec le plan d'urgence pour l'emploi. L'accompagnement personnalisé par les services de l'ANPE, le dispositif " défense deuxième chance ", les contrats d'accompagnement vers l'emploi leur sont destinés.
Ce matin, avec les ministres concernés, nous avons étudié les mesures d'urgence, en particulier pour l'emploi des jeunes en Seine-Saint-Denis et pour l'éducation. Le Gouvernement adoptera un plan d'action avant la fin du mois de novembre.
M. Bernard Roman. Avec moins de postes !
M. le Premier ministre. De la fermeté, de la justice, c'est la ligne du Gouvernement, c'est notre seule ligne.
M. Patrick Lemasle. C'est du pipeau !
M. le Premier ministre. Le Gouvernement est entièrement mobilisé, et c'est pour cela que j'ai informé le Premier ministre canadien et le Premier ministre du Québec du report de ma visite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Auteur : M. Éric Raoult
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 novembre 2005