politique de la ville
Question de :
M. Manuel Valls
Essonne (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 3 novembre 2005
VIOLENCES URBAINES
M. le président. La parole est à M. Manuel Valls, pour le groupe socialiste.M. Manuel Valls. Je veux, monsieur le Premier ministre, reprendre à mon compte les interrogations exprimées par mon collègue Bruno Le Roux.
Nous qui, sur tous ces bancs, sommes des élus de ces communes et de ces quartiers qui concentrent toutes les difficultés de la France moderne, nous savons ce qu'ils vivent. Nous avons, nous aussi, la conviction que la lutte contre la délinquance doit être une priorité.
M. Claude Goasguen. Alors pourquoi n'avez-vous rien fait ?
M. Manuel Valls. C'est pourquoi nous considérons que l'abandon de la police de proximité est une faute. Celle-ci permettait en effet d'établir entre la police et la population les rapports de confiance indispensables pour bâtir une véritable police de sécurité.
C'est à l'État républicain d'assurer l'ordre et la tranquillité - c'est une exigence minimale, monsieur le Premier ministre - au plus près des citoyens, et non aux associations caritatives et religieuses, comme nous le voyons depuis plusieurs jours.
S'il faut faire preuve de fermeté, car nos sociétés ont besoin d'ordre, de repères, d'autorité, il faut aussi redonner espoir. À l'inverse, monsieur le Premier ministre, votre politique renforce le désespoir de ces populations. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Claude Goasguen. C'est votre politique qui nous a valu Le Pen au second tour en 2002 !
M. Manuel Valls. Elle accroît les injustices et les inégalités ; elle approfondit la ségrégation territoriale, sociale et ethnique qui mine depuis des années notre pacte républicain.
Les politiques de sécurité et de rénovation urbaines, auxquelles nous participons évidemment en tant qu'élus locaux, ne sauraient masquer la situation de nos villes, ravagées par le chômage, la précarité, la détresse sociale.
Le Gouvernement et votre majorité, monsieur le Premier ministre, ont coupé les crédits aux associations qui oeuvrent sur le terrain (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), abandonné les emplois jeunes, la priorité donnée à l'éducation, mis en cause les services publics indispensables à la solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Richard Cazenave. C'est lamentable !
M. Manuel Valls. Cela fait trois ans que vous nous annoncez une politique de prévention : nous l'attendons toujours.
Comment la situation pourrait-elle s'améliorer, monsieur le Premier ministre ? L'ascenseur social reste désespérément bloqué.
M. Georges Tron. Pourquoi ne l'avez-vous pas débloqué ?
M. Manuel Valls. L'objectif de mixité sociale est bafoué. La loi SRU n'est pas appliquée, car votre majorité n'en veut pas. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Si l'égalité des chances est un débat qui enflamme la majorité, elle ne trouve pas même un début de réalisation concrète. Je le répète, monsieur le Premier ministre : comment la situation pourrait-elle s'améliorer dans de telles conditions ?
Alors que nos concitoyens attendent des avancées en matière d'emploi et de pouvoir d'achat, votre politique fiscale s'adresse d'abord aux beaux quartiers, et non à ceux qui souffrent et qui veulent s'en sortir. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bien !
M. Richard Cazenave. C'est nul !
M. Manuel Valls. On ne pourra résoudre les problèmes des quartiers qu'en s'attaquant à l'ensemble des difficultés que rencontre notre société. C'est toute votre politique, sociale, fiscale, éducative, qui est aujourd'hui en cause. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous qui parlez si souvent de la France, monsieur le Premier ministre, quand allez-vous mesurer l'ampleur de ses difficultés, et la profondeur des angoisses et des aspirations des Français ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Où est Sarkozy ?
M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, vous qui êtes le maire d'Évry, vous savez mieux que quiconque dans quelle situation se trouvaient certaines de nos communes, qui concentrent les plus grandes difficultés de notre pays. Vous savez qu'il s'agit de villes extrêmement pauvres, qui ont besoin d'un soutien massif, direct ou par l'entremise des associations.
M. Patrick Lemasle. Pourquoi alors les crédits sont-ils en baisse ?
M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. La réforme de la DSU que nous avons mise en place se traduira par une augmentation de 150 % sur cinq ans de la dotation destinée à la ville d'Évry, afin que vous puissiez intervenir directement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Nous avons mis en place un plan de rénovation urbaine très ambitieux, que d'ailleurs vous soutenez, afin de refonder globalement l'habitat et son environnement. C'est une entreprise complexe et de longue haleine ; du moins est-elle désormais engagée.
M. Christian Bataille. Vous ne répondez pas à la question !
M. Richard Cazenave. Les socialistes n'avaient rien fait !
M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Nous avons en outre mis en place un programme de réussite éducative, mobilisant tous les acteurs de ce domaine, afin d'accompagner les petits dès la maternelle.
À cela s'ajoutent les contrats d'accompagnement dans l'emploi destinés aux jeunes, qui ont remporté un plein succès, et un nouveau programme que, ce matin, le Premier ministre nous a demandé de présenter avant un mois.
Sincèrement, ce sujet rassemble tous les républicains que nous sommes. Ce pays a entamé sa mutation : je ne parle pas là d'intégration, qui concerne les nouveaux entrants, mais simplement d'égalité des chances.
Sur ce dossier complexe, nous tendons la main tout autant que nous essayons de faire respecter l'ordre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Pierre Brard. Vous parlez de la main qui tient le kärcher ?
Auteur : M. Manuel Valls
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Aménagement du territoire
Ministère interrogé : emploi, cohésion sociale et logement
Ministère répondant : emploi, cohésion sociale et logement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 novembre 2005