jeunes
Question de :
M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 18 janvier 2006
PRÉCARITÉ
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, je vous ai écouté attentivement, mais comment vous croire ? (" Oh ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le contrat à durée indéterminée est mort : vous l'avez tué !
Après le contrat nouvelles embauches, le contrat première embauche pour les jeunes et le contrat de dix-huit mois pour les seniors institutionnalisent, pour une majorité de salariés, l'insécurité généralisée. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plus de droit du travail, plus de garantie contre les licenciements. Désormais, les salariés sont à l'essai permanent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quel incroyable bond en arrière !
Vous qui vous présentez comme le troubadour du modèle social français (" Oh ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous êtes en train de le jeter aux orties. Le parcours d'embauches que vous dites vouloir impulser n'est en réalité qu'un chemin de croix pour toutes celles et tous ceux qui vont être obligés de l'emprunter.
Où est le dialogue social ? Où est la négociation ? Les organisations syndicales sont, une nouvelle fois, placées devant le fait du prince. Vous imposez dans l'improvisation et unilatéralement une nouvelle mesure empruntée au bréviaire libéral.
Que cesse cette hypocrisie du double langage que vous ne cessez de pratiquer, comme nous l'avons entendu pendant une semaine avec le Président de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Vos mots, vos discours flamboyants ne sont que le paravent d'un démantèlement du code du travail, d'un alignement sur le modèle anglo-saxon...
M. Yves Bur et M. Pierre Lellouche. Et alors ?
M. Jean-Marc Ayrault. ...le plus rétrograde. Votre modernité, monsieur le Premier ministre, a tout simplement le goût de la Restauration. (" Oh ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le Premier ministre, croyez-vous que votre période d'essai de deux ans à Matignon soit transposable à tous les salariés français ? Jusqu'où allez-vous conduire le pays dans l'insécurité sociale ? N'avez-vous pas encore tiré les leçons de ce qui s'est passé en novembre dernier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, tout à l'heure, répondant à une question de la majorité, j'ai parlé de la première étape de la bataille pour l'emploi. Et j'ai aussi parlé de quelques résultats. Parce que je n'aime pas l'autosatisfaction en politique ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Ayrault. Ce n'est pas très gentil pour M. Raffarin !
M. le Premier ministre. 280 000 contrats nouvelles embauches signés d'ici à la fin de l'année.
Plusieurs députés du groupe socialiste. À la place de quoi ?
M. le Premier ministre. Nous sommes passés de 10,2 % de chômeurs dans notre pays à 9,6 % (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Truqueur !
M. François Liberti. Et les radiés ?
M. le Premier ministre. Ces résultats parlent d'eux-mêmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et je ne m'en satisfais pas, monsieur Ayrault !
Monsieur le président Ayrault, je crois que nous devons éviter, dans notre démocratie, les critiques injustes et stériles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je souhaite qu'ensemble - je dis bien ensemble -, nous nous posions deux questions.
Oui ou non, y a-t-il un problème spécifique du chômage des jeunes dans notre pays ? (" Oui ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La réponse est : oui ! (" Non ! " sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Seconde question : face à un tel problème, pouvons-nous ne rien faire ? (" Non ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous sommes tous d'accord : non ! Progressons pas à pas, c'est important, et je suis sûr que nous arriverons à la même conclusion. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Un député du groupe socialiste. Autant dire que, quand il pleut, ça mouille !
M. le Premier ministre. Troisième étape du raisonnement : partons maintenant du constat.
Nous avons donné les chiffres : 23 % de jeunes chômeurs dans notre pays, mais 40 % de jeunes chômeurs dès lors qu'on parle de jeunes sans qualification ; entre huit et onze ans pour obtenir un emploi stable. C'est ça la précarité, monsieur le président Ayrault, et cela fait vingt-cinq ans que ça dure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
L'honneur du Gouvernement est de relever le défi et d'agir ! Alors, que faire ?
M. François Liberti. Empêcher les délocalisations ! Empêcher les licenciements préventifs !
M. le Premier ministre. On peut choisir l'idéologie, l'ironie, la dérision, la comparaison historique par défaut. On peut, au contraire, choisir l'action. L'action s'impose à nous parce que les Français nous le demandent.
M. Maxime Gremetz. Il ne faut pas faire n'importe quoi !
M. le Premier ministre. Et c'est ce que nous entendons faire avec le soutien des Français et des Françaises.
M. Maxime Gremetz. Sans les syndicats !
M. le Premier ministre. La réponse du Gouvernement est d'offrir un véritable parcours d'embauche : les formations en alternance, les stages encadrés et un véritable contrat à durée indéterminée. Monsieur Ayrault, une fois de plus, cela n'existait pas. J'ai parlé de huit à onze ans pour entrer sur le marché de l'emploi. Pour ceux qui seraient soumis à l'enchaînement des CDD, des stages et du chômage, nous consolidons cette période sur deux ans et déduisons les stages, les CDD, les périodes d'alternance sur cette période de deux ans.
M. Alain Néri. Et vous augmentez le nombre de RMIstes !
M. le Premier ministre. Monsieur Ayrault, pouvez-vous me dire en me regardant dans les yeux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) que cela ne constitue pas un progrès ? Vos yeux n'arrivent pas à dire ce que dit votre bouche ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Par ailleurs, monsieur Ayrault, des garanties importantes sont apportées dans ce contrat.
Première garantie pour les jeunes : nous leur offrons un droit à l'indemnisation du chômage - cela n'avait jamais été prévu - : deux mois au bout de quatre mois. Il faut le dire aux jeunes car ils vous le rappelleront dans un an et demi et ne vous pardonneront pas de leur avoir menti ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Deuxième garantie : un droit à la formation au bout d'un mois. Il faut le dire aux jeunes car ils ne nous pardonneront pas de ne pas leur avoir dit !
M. François Lamy. Ils vont vous le dire !
M. le Premier ministre. En outre, nous leur offrons un accès au crédit et au logement auxquels ils n'ont pas accès aujourd'hui. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Là encore, c'est une ouverture, un changement, c'est véritablement une dynamique nouvelle pour les jeunes.
M. Henri Emmanuelli. C'est le XIXe siècle !
M. le Premier ministre. Par ailleurs, parce que nous souhaitons une impulsion forte, nous voulons exonérer de toutes charges les contrats à durée indéterminée signés au profit de jeunes au chômage depuis plus de six mois. Là encore, c'est un immense changement, dans le respect des engagements que nous avons pris, pour un coût de 50 millions, en utilisant les dispositifs existants et en maximisant leur portée. C'est aussi à cela qu'il nous faut recourir.
Il faut de l'imagination pour répondre aux problèmes des Français : entraînons-nous car nous en aurons besoin dans les prochaines années ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Auteur : M. Jean-Marc Ayrault
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Emploi
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 janvier 2006