Question au Gouvernement n° 2484 :
contrats première embauche

12e Législature

Question de : M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 8 février 2006

CONTRAT PREMIERE EMBAUCHE

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, l'honneur d'un Parlement est de voter des lois (" Bravo ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) justes et efficaces, équitables et protectrices.
Le contrat première embauche que vous avez décidé - seul - et sans négociation est à l'opposé de ces critères.
M. Richard Mallié. N'importe quoi ! Il est en débat à l'Assemblée !
M. Guy Geoffroy. Et les trente-cinq heures ?
M. Jean-Marc Ayrault. Toutes les protections qu'octroie le contrat de travail sont élaguées, rabotées, vidées de leur substance. Période d'essai de deux ans, résiliation du contrat sans justification,...
M. Jacques Myard. Baratin !
M. Jean-Marc Ayrault. ...préavis et indemnités de rupture limités, allocations chômage abaissées.
M. Richard Mallié. Cela fait des nuits qu'ils nous ennuient avec ça !
M. Jean-Marc Ayrault. Le " projet le plus social ", monsieur le Premier ministre, dont vous vous êtes encore gargarisé ces derniers jours, n'est rien d'autre qu'un nivellement de la jeunesse par le bas. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Il n'est rien d'autre que la mort du CDI pour tous les salariés. Et la précarité des uns ne justifiera jamais l'insécurité pour tous !
M. Lucien Degauchy. Et les emplois jeunes ?
M. Jean-Marc Ayrault. J'entends votre exaspération de non-élu devant l'examen minutieux du texte par les députés socialistes. Pas plus que vous ne pratiquez le dialogue social, vous n'aimez le Parlement.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oh là là !
M. Jean-Marc Ayrault. Après les ordonnances, après l'abus des procédures d'urgence, voilà brandie la menace du 49-3. Non, monsieur le Premier ministre, l'Assemblée nationale n'est pas votre chambre à coucher ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Un peu de calme, je vous en prie !
M. Jean-Marc Ayrault. Si nous ne faisions pas notre travail de parlementaire, qui saurait aujourd'hui que votre projet de loi sur l'égalité des chances abaisse l'âge de la scolarité à quatorze ans ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Qui saurait que le travail de nuit des adolescents de quinze ans est désormais légalisé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Qui saurait qu'un salarié de moins de vingt-six ans peut être licencié sans motif et remplacé par un autre dans la même entreprise ?
Pour nous, monsieur le Premier ministre, ce débat est une bataille d'information, de pédagogie, de vérité, mais c'est aussi un travail de conviction. C'est un choix de société entre la précarité et la sécurité.
Alors, monsieur le Premier ministre, il n'est pas encore trop tard pour retirer votre projet. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Non, il n'est pas trop tard pour écouter, entendre et négocier. Ce n'est pas d'un nouveau contrat de travail dont la France a besoin, c'est d'un nouveau contrat social, et c'est urgent ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault,...
M. Patrick Roy. C'est de la provocation !
M. le Premier ministre. ...par respect pour vous, par respect pour l'Assemblée nationale, par respect pour tous les Français, je ne me placerai pas sur le même registre que vous. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Glavany. C'est pour cela que vous n'avez jamais été élu !
M. le Premier ministre. Derrière votre question, se trouve une question qui nous concerne tous.
M. Jean Glavany. Allez voir les électeurs !
M. le Premier ministre. Face au chômage des jeunes, avons-nous tout tenté ?
Cela fait vingt ans qu'ils attendent des solutions et qu'ils espèrent des résultats. (" Quatre ans ! " sur les bancs du groupe socialiste.)
Tous les jeunes que j'ai rencontrés au cours des derniers mois attendent des décisions. Ils veulent que cela change.
M. François Hollande. Ils veulent changer de gouvernement !
M. le Premier ministre. Ils veulent que les choses bougent. Car pour des centaines de milliers d'entre eux, la précarité, c'est aujourd'hui.
M. François Hollande. C'est vous qui l'avez créée !
M. le Premier ministre. C'est le chômage. C'est l'enchaînement des CDD (" C'est vous ! " sur les bancs du groupe socialiste.), des missions d'intérim et des périodes d'inactivité (" C'est vous ! " sur les bancs du groupe socialiste.), ce sont les discriminations (" C'est vous ! " sur les bancs du groupe socialiste.), c'est l'absence de perspective (" C'est vous ! " sur les bancs du groupe socialiste.) et, souvent, l'impossibilité d'avoir des projets avant l'âge de trente ans ! (" C'est vous ! " sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. On se croirait dans une classe de maternelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La maternelle, c'est mieux que ça, monsieur le président !
M. le Premier ministre. Cela, monsieur le président Ayrault, ni vous, ni moi, ni aucun des Français ne peut l'accepter.
Ce n'est pas une querelle d'idéologie - et je regrette vos paroles.
Ce n'est pas un problème de droite ou de gauche (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.), mais une source d'inquiétude pour tous les Français (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.), les plus jeunes de nos compatriotes, mais aussi leurs parents, leurs grands-parents. Cette inquiétude mine toute notre société.
Évidemment, j'écoute. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Un député du groupe socialiste. Le MEDEF !
M. Michel Lefait. J'écoute ceux qui manifestent (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.), mais j'écoute aussi ceux qui ne manifestent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'écoute ceux qui désespèrent de pouvoir trouver un emploi stable, tous ceux qui s'inquiètent pour leur avenir.
M. François Hollande. Et ils ont raison de s'inquiéter !
M. Christian Paul. Agissez maintenant !
M. le Premier ministre. Alors, on a le choix, monsieur le président Ayrault. On peut encore remettre les décisions à plus tard. (" Eh oui ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.), se réfugier dans l'immobilisme et faire croire aux Français que la sécurité, c'est ne pas changer, c'est le statu quo !
M. François Hollande. La sécurité, c'est ne pas casser, ne pas reculer !
M. Maxime Gremetz. Oui, ce n'est pas reculer !
M. le Premier ministre. Mais la vérité, c'est que la sécurité dans l'emploi pour les Français...
M. François Hollande. Ce n'est pas vous !
M. le Premier ministre. ...passe par des changements. Des changements justes.
M. François Hollande. De gouvernement !
Mme Martine David. Pas par la précarité !
M. le Premier ministre. Des changements adaptés aux réalités de l'emploi d'aujourd'hui. Des changements qui permettent de répondre concrètement...
M. Jean Glavany. Des changements de politique !
M. le Premier ministre. ...aux problèmes auxquels sont confrontés tous les jours les jeunes français.
La sécurité, ce n'est pas faire croire qu'on pourra proposer à chacun un emploi à vie dans la même entreprise.
M. François Hollande. On sait !
M. le Premier ministre. La sécurité, c'est bâtir un véritable parcours professionnel qui offre à chacun des garanties et des protections à toutes les étapes de la vie,...
Mme Martine David. Ça commence mal avec vous !
M. le Premier ministre. ...depuis les premiers stages jusqu'à la retraite. La sécurité, c'est avancer, comme le font tous les autres pays en Europe : l'Allemagne, les pays du Nord ou encore l'Espagne.
M. François Hollande. Rien à voir avec ce que vous mettez en place.
M. le Premier ministre. C'est même essayer de faire mieux : offrir plus de garanties, plus d'opportunités !
Aujourd'hui, monsieur le président Ayrault, je le dis ici avec gravité, nous avons tous, les uns et les autres, rendez-vous avec l'emploi. Le Gouvernement a obtenu de premiers résultats. Nous voulons plus pour notre pays. Vous pouvez compter sur ma détermination, celle de tout le Gouvernement, celle de toute la majorité pour défendre les intérêts des Françaises et des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Marc Ayrault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Emploi

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 février 2006

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