perspectives
Question de :
M. Jean-Yves Le Bouillonnec
Val-de-Marne (11e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 11 décembre 2002
DIALOGUE SOCIAL
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le Premier ministre, aux préoccupations des Français sur l'emploi, les salaires et les retraites, vous répondez concertation et négociation sociale.
M. Rudy Salles. Vous, vous n'avez rien fait !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais de quelle négociation s'agit-il ? Est-ce négocier que d'abandonner l'accord majoritaire sur les 35 heures dans la restauration ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Est-ce négocier que de supprimer le congé de fin d'activité avant même toute discussion sur l'avenir des retraites ? (Mêmes mouvements.)
M. Christian Bataille. C'est une honte !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Est-ce négocier que de supprimer, sous la pression de votre majorité, tout ce qui peut protéger les salariés contre les licenciements ? (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Certes non ! Vous avez suspendu l'amendement Michelin qui contraignait à négocier sur la réduction du temps de travail avant tout plan social. Vous avez suspendu l'obligation d'informer le comité d'entreprise avant toute annonce publique ayant des conséquences sur l'emploi.
M. François Goulard. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pensez-vous sérieusement favoriser ainsi la négociation ? Aujourd'hui, alors que l'Assemblée nationale va voter ce que vous appelez une « suspension » des principales dispositions de la loi de modernisation sociale, pas une organisation syndicale n'est dupe et ne se fait d'illusions sur les des vraies intentions qui vous animent.
La CFDT, par la voix de François Chérèque, déplore « un vrai problème de méthode avec le Gouvernement : il négocie avec nous et fait modifier le texte par le Parlement ». Alors que la CGT évoque une « offensive anti-sociale ». Force ouvrière s'interroge en ces termes : « On va négocier sur quoi ? Sur la manière dont on va mettre les gens à la porte ? » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Applaudissements sur des bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Manuel Valls. Très bien !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En définitive, seul le MEDEF se réjouira d'une démarche qui lui ouvre la possibilité de rompre à bon compte avec le dialogue social !
Monsieur le Premier ministre, vous affirmez être à l'écoute des Français, vous dites vouloir pratiquer la concertation, mais votre gouvernement, sous la pression de votre majorité, agit en sens contraire. Quand cesserez-vous de cacher derrière une fausse concertation votre politique de moins-disant social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, en citant, comme vous venez de le faire, le secrétaire général de la CFDT, vous avez validé la méthode du Gouvernement. Car M. Chérèque a bien dit qu'il avait négocié avec le Gouvernement, mais que plusieurs amendements votés entre-temps par l'Assemblée pouvaient poser question. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Autrement dit, le Gouvernement a bien négocié avec les partenaires sociaux, pour suspendre une loi qui est une mauvaise loi, une mauvaise réponse aux problèmes économiques et sociaux de notre pays, une loi qui vise à mentir aux salariés plutôt qu'à leur dire la vérité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Si le Gouvernement a décidé de suspendre cette loi, c'est justement pour renvoyer aux partenaires sociaux le soin de présenter des propositions pour faire évoluer le droit du licenciement, à l'image de ce qu'ils avaient fait en 1986, à la suite de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement.
M. Jean-Claude Bateux. Les partenaires sociaux ? Le MEDEF, oui !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Curieuse conception du dialogue social,...
Mme Martine David. On peut se poser la question, en effet !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... où les partenaires sociaux ne pourraient pas parler des questions difficiles, mais seulement des sujets qui ne fâchent pas ! S'ils veulent faire preuve de responsabilité vis-à-vis de l'opinion publique, les partenaires sociaux doivent aussi accepter de parler des sujets qui touchent à la vie de tous les jours des salariés, et en particulier répondre à la question de l'adaptation des entreprises aux réalités du marché.
M. François Hollande. Et vous, que faites-vous ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Or ils ont accepté de le faire, et c'est cela, au fond, qui vous blesse le plus (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) : qu'ils aient accepté de négocier sur un sujet où vous les aviez totalement ignorés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Jean-Yves Le Bouillonnec
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique sociale
Ministère interrogé : affaires sociales, travail et solidarité
Ministère répondant : affaires sociales, travail et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 décembre 2002