Question au Gouvernement n° 2529 :
DOM : Réunion

12e Législature

Question de : Mme Huguette Bello
Réunion (2e circonscription) - Députés n'appartenant à aucun groupe

Question posée en séance, et publiée le 23 février 2006

EPIDEMIE DE CHIKUNGUNYA

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.
Mme Huguette Bello. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé. Elle porte à nouveau sur l'épidémie de chikungunya qui frappe la Réunion pour la première fois mais avec une intensité rarement atteinte ailleurs.
Chaque semaine, on compte au moins 25 000 nouveaux malades. La population a déjà été touchée à plus de 15 %, alors même que le pic de l'épidémie ne semble pas avoir été atteint. Il y a eu en tout plus de cinquante décès et, hier encore, nous avons appris qu'une enfant de dix ans avait succombé.
Il est vrai que la Réunion souffre.
Elle souffre et ne comprend pas que, un an après l'apparition de la maladie dans l'île, l'accès aux répulsifs destinés à la protection individuelle soit encore si problématique. En l'absence de vaccin et de traitement préventif, ces anti-moustiques sont pourtant indispensables pour contenir l'épidémie.
S'ajoutent à cela plusieurs inquiétudes graves.
La première est créée par l'utilisation massive, pour la démoustication, de produits toxiques dont les effets sur la population et l'environnement sont très préoccupants. Le nouveau protocole de lutte anti-vectorielle fait davantage appel aux insecticides d'origine biologique ; mais, leur utilisation n'étant que partielle, les risques de toxicité ne sont pas écartés pour autant.
Une autre inquiétude est née après l'annonce d'une surmortalité dont le chikungunya pourrait être la cause. Les conclusions de l'analyse confiée à l'Institut national de veille sanitaire sont impatiemment attendues dans l'île.
Une dernière inquiétude est suscitée par les multiples pathologies atypiques développées par les malades, en particulier la transmission materno-foetale du virus. Une équipe de chercheurs vient d'être dépêchée pour étudier cet aspect de l'épidémie repéré à la Réunion depuis le mois d'octobre, qui n'a jamais été répertorié jusqu'ici dans la littérature médicale. Cette incertitude scientifique, les risques de séquelles pour les bébés ainsi que l'angoisse des futures mères doivent conduire, en vertu du principe de précaution, à offrir aux femmes enceintes qui travaillent à la Réunion la possibilité d'interrompre leur activité professionnelle durant l'épidémie sans que leurs employeurs en soient pénalisés.
Cette crise sanitaire, on le sait, a des conséquences dans bien des domaines. Tous les secteurs sont concernés. Des mesures d'urgence ont été prises pour faire face aux difficultés immédiatement repérables, mais c'est la vie de la société réunionnaise dans son ensemble qui s'en trouve affectée.
Ne devrait-on pas envisager, monsieur le ministre, de déclarer, au niveau national, le département de la Réunion " zone de catastrophe sanitaire " et de faire reconnaître par les instances européennes l'état de " catastrophe régionale hors du commun " prévu par les textes depuis 2002 ? Une réponse concertée et durable pourrait ainsi être apportée tant aux effets déjà visibles de cette épidémie qu'à ses conséquences lointaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Madame la députée, je commencerai par saluer la gravité et l'esprit de responsabilité qui animent toujours les questions posées par les parlementaires de la Réunion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Je tiens à le souligner parce que, sur ce sujet, c'est, avant toute logique européenne, la solidarité nationale qui doit s'exercer et s'exerce effectivement depuis de début de l'épidémie.
Je rappelle que la mobilisation de l'État est à la hauteur de celle des collectivités locales et du courage dont fait preuve la population réunionnaise.
Nous sommes engagés aujourd'hui sur trois actions prioritaires.
La première est préventive : il s'agit de la démoustication. De nouvelles équipes sont aujourd'hui sur le terrain. Nous veillons à ce que leur action respecte non seulement la santé humaine mais aussi l'environnement. Une mission de recherche, diligentée par François Goulard, va se mettre au travail pour apporter les garanties qu'attend la population réunionnaise.
La deuxième action porte sur la prise en charge des malades. Un pont aérien a été mis en place entre la métropole et la Réunion pour aider les professionnels de santé qui, depuis des semaines, accomplissent un travail remarquable. Il servira également à ce que, à Mayotte, on puisse agir face à l'épidémie de chikungunya qui s'étend de manière inquiétante.
La troisième action concerne la recherche. Il faut le reconnaître, bien que nous soyons au XXIe siècle, nous n'avons pas toutes les réponses face à cette épidémie, ni d'ailleurs face à la dengue, qu'elle soit tropicale ou se présente sous une de ses trois autres formes. On pourrait faire la même remarque sur le virus West Nile, qui sévit aux États-Unis. Nous n'avons pas suffisamment de connaissances pour comprendre ces maladies. Voilà pourquoi nous avons du mal à combattre l'épidémie.
Je vous annonce que le Premier ministre se rendra personnellement sur l'île de la Réunion en fin de semaine, pour mesurer les actions qui ont été engagées et surtout pour que soient mises en oeuvre sans délais, ce dont il m'a chargé en tant que ministre de la santé, toutes les recommandations de la mission d'experts envoyée avec François Goulard afin de protéger les personnes les plus fragiles. Je veux parler des femmes enceintes, que vous avez mentionnées, des personnes âgées, des nouveau-nés et des enfants. N'oublions pas, en effet, que, derrière des chiffres terribles, il y a avant tout une population qui souffre et qui mérite la solidarité nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Données clés

Auteur : Mme Huguette Bello

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : santé et solidarités

Ministère répondant : santé et solidarités

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 février 2006

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