lutte contre le racisme
Question de :
M. Jérôme Chartier
Val-d'Oise (7e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 8 mars 2006
AGRESSIONS ANTISÉMITES À SARCELLES
M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l'UMP.M. Jérôme Chartier. Monsieur le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, je souhaite revenir sur trois agressions qui ont eu lieu vendredi et samedi derniers et qui présentent deux points communs : le premier, c'est qu'elles se sont produites à l'encontre de trois personnes qui, au moment des faits, portaient une kippa ; le second, c'est qu'elles se sont produites à Sarcelles, qui est un haut lieu de la communauté israélite, laquelle vit en parfaite cohabitation avec les autres confessions depuis fort longtemps.
Ces agressions ont suscité un certain émoi au sein de la communauté israélite de Sarcelles. Vous en avez pris la mesure puisque, dès dimanche, vous avez bien voulu recevoir les familles des trois victimes ainsi que les responsables politiques de Sarcelles.
À cette occasion, vous avez délivré trois messages. (" La question ! " sur les bancs du groupe socialiste.)
Le premier, c'est la compassion du Gouvernement envers les victimes.
M. Jean-Marc Ayrault. Ce n'est pas de la compassion que les Français veulent, mais la sécurité !
M. Jérôme Chartier. Le deuxième message, c'est votre détermination à faire en sorte que tout acte ou toute agression raciste ou antisémite soit considéré comme une tache sur le drapeau de la République, et je vous en remercie.
Le troisième message,...
Plusieurs députés du groupe socialiste. Ne faites pas aussi la réponse !
M. Jérôme Chartier. ...c'est l'annonce de l'arrestation des quatre agresseurs présumés de M. Tomer Lavi, tous mineurs puisque âgés de quinze, seize et dix-sept ans.
Monsieur le ministre d'État, pouvez-vous nous donner des informations sur l'enquête en cours (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) et nous faire part des mesures que vous comptez prendre afin de réduire, d'une façon générale, la délinquance et, d'une façon plus particulière, les agressions à caractère raciste ou antisémite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, les trois agressions de vendredi et de samedi sont parfaitement inadmissibles,...
M. Jean-Marc Ayrault. Nous sommes unanimes là-dessus !
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. ...et je ne considère pas que donner un coup de poing à un jeune homme parce qu'il porte une kippa puisse être apparenté à une simple bousculade : c'est un acte antisémite, un acte de racisme, qui doit être puni avec une grande sévérité.
Dès dimanche, j'ai réuni les familles des victimes et les représentants de la communauté. Et je veux remercier à la fois le maire de Sarcelles, vous-même, monsieur le député Chartier, et le député Dominique Strauss-Kahn d'avoir bien voulu participer à cette réunion, en comprenant que la gravité des événements commandait de dépasser les oppositions entre gauche et droite, entre majorité et opposition, et imposait une mobilisation de la communauté nationale contre la résurgence de faits inadmissibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
À Sarcelles, nous avons prévu de renforcer les effectifs et de développer la vidéosurveillance. Et je sais gré aux élus de toutes tendances d'avoir bien voulu considérer qu'il n'y avait pas lieu de faire de l'usage de celle-ci un problème idéologique, compte tenu de la contribution de cette technique à l'identification des auteurs d'agression. Merci d'avoir compris qu'il fallait avant tout faire preuve de pragmatisme, pour que, dans une ville comme Sarcelles, on puisse aller à la Synagogue et en revenir sans être inquiété, ce qui est le moins que l'on puisse attendre d'une République digne de ce nom.
Je ferai deux remarques.
La première, c'est que je trouve inadmissible que l'on ait pu ces jours derniers donner la parole à un barbare et un assassin présumé sur une grande chaîne de télévision. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Pourquoi ? Parce que je ne peux imaginer que donner la parole à une personne accusée de crime et d'actes de barbarie soit sans conséquence : certains individus peuvent y voir des éléments positifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Nos chaînes de télévision ont mieux à faire que de donner la parole à un assassin présumé. (Mêmes mouvements.)
Nombreux sont du reste les Français qui ont été choqués, et mes propos ne remettent aucunement en cause la liberté de la presse.
Ma seconde remarque, c'est que, sur les trois agressions, nous n'avons malheureusement retrouvé les auteurs présumés que de la plus grave - même si toutes sont graves - perpétrée contre un jeune homme de vingt-huit ans qui a été roué de coups par quatre individus pour le seul fait de porter une kippa alors qu'il mettait des bagages dans un véhicule. C'est dire la bêtise monumentale et la sauvagerie de cette agression ! On se demande d'ailleurs ce qu'il serait advenu si une patrouille de police n'était pas arrivée.
Comme vous l'avez dit, monsieur Chartier, les agresseurs présumés sont quatre mineurs âgés de quinze à dix-sept ans. Ils ont été placés sous contrôle judiciaire, c'est-à-dire qu'ils sont aujourd'hui en liberté et que l'on se demande bien quand ils vont être convoqués pour rendre compte de leurs actes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Ayrault. Qui dirige le pays ?
M. François Hollande. Qui est au gouvernement ?
M. Daniel Vaillant. Où est le garde des sceaux ?
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Le sujet est suffisamment important, me semble-t-il, pour que nous y réfléchissions ensemble, messieurs !
Cela m'amène à redire ma conviction de la nécessité de réformer l'ordonnance de 1945 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française)
M. Jean-Marie Le Guen. Cela n'a rien à voir !
M. Julien Dray. Où en sont les centres fermés ?
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. ...pour que des mineurs qui se comportent comme des majeurs aient à rendre compte rapidement de la gravité de faits que la communauté nationale ne tolère plus. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Plutôt que de se lancer des invectives sur le problème des ordonnances des mineurs, nous ferions mieux de réfléchir ensemble pour faire en sorte qu'aucun acte commis par un mineur ne reste sans réponse et que les délits soient punis avec toute la sévérité requise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. -Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Arnaud Montebourg. Ces pressions sur la justice sont scandaleuses !
Auteur : M. Jérôme Chartier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Droits de l'homme et libertés publiques
Ministère interrogé : intérieur et aménagement du territoire
Ministère répondant : intérieur et aménagement du territoire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 mars 2006