Question au Gouvernement n° 2584 :
contrats première embauche

12e Législature

Question de : M. Roger-Gérard Schwartzenberg
Val-de-Marne (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 15 mars 2006

CONFORMITE DU CPE A LA CONSTITUTION

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe socialiste.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le Premier ministre, les Français rejettent massivement le CPE (" Non ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qui précarise les jeunes et les frappe d'une discrimination négative.
Vous avez voulu passer en force au Parlement, avec une sorte - la comparaison ne vous sera pas nécessairement désagréable - de bonapartisme législatif. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Claude Goasguen. C'est constitutionnel !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Mais, aujourd'hui, les députés socialistes et radicaux de gauche défèrent cette loi créant le CPE au Conseil constitutionnel en se fondant sur trois griefs principaux.
D'abord, établir une discrimination fondée sur l'âge transgresse le principe constitutionnel d'égalité des salariés. Un jeune de vingt-cinq ans, et un autre de vingt-six, occupant le même poste dans la même entreprise, seront traités différemment : le premier sera licencié sans motif...
M. Jean-Jacques Descamps. Et les emplois-jeunes, c'étaient quoi ?
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. ...et par simple lettre recommandée, le second sera convoqué à un entretien préalable et se verra indiquer le motif du licenciement envisagé.
Ensuite, même rebaptisée hâtivement " période de consolidation ", la période d'essai du CPE durera deux ans, au lieu d'un à trois mois pour les autres CDI. Cette longueur excessive contrevient manifestement à la convention 158 de l'OIT sur le licenciement et à la Charte sociale européenne, qui, étant des engagements internationaux, ont une autorité supérieure à celle des lois.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Baratin !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Certes, ces deux textes autorisent un État à déroger à leurs dispositions pour les travailleurs en période d'essai, mais à la condition que la durée de celle-ci soit raisonnable. Sur cette base, la Cour de cassation a jugé abusive une période d'essai de trois mois pour un coursier. Maintenant, avec le CPE - si votre texte est promulgué -, un directeur de Mc Do aura deux ans - 730 jours - pour apprécier si un jeune livreur de hamburgers donne satisfaction dans son travail. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Claude Goasguen. C'est ridicule de dire ça !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Enfin, la Constitution oblige le Gouvernement à consulter le Conseil d'État avant de soumettre un projet de loi au Parlement. Certes, vous avez pris son avis sur le projet relatif à l'égalité des chances, mais ce texte ne comportait pas alors l'article créant le CPE car celui-ci résulte d'un amendement gouvernemental déposé après coup, postérieurement à la consultation du Conseil d'État.
M. Maxime Gremetz. Très juste !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Pour créer le CPE, monsieur le Premier ministre, vous avez cru pouvoir vous exonérer de toutes les procédures démocratiques. (" La question ! " sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous avez exclu le dialogue social, esquivé le Conseil d'État, escamoté le débat à l'Assemblée nationale. Mais il reste sur votre route le Conseil constitutionnel. Je souhaite qu'il retienne nos arguments et qu'il censure votre texte (Mêmes mouvements) en le tenant pour ce qu'il est, c'est-à-dire injuste, inefficace et inconstitutionnel.
M. le président. Monsieur Schwartzenberg, posez votre question.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je la pose. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le problème n'est pas seulement juridique. Vous êtes face à une crise politique que vous avez vous-même créée. Notre pays est gagné par un malaise croissant. Dans l'intérêt national, êtes-vous donc prêt à retirer enfin ce texte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Schwartzenberg, je ne doute pas un seul instant que vos qualités éminentes vous amèneront peut-être un jour au Conseil constitutionnel. (" Ah ! " sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Mais, pour l'instant, vous l'avez saisi et c'est à lui de répondre. Je peux simplement vous indiquer l'opinion que le Gouvernement lui transmettra sur les deux points que vous soulevez.
Vous ne pouvez pas faire parler le Conseil constitutionnel. Il a dit, dans sa décision du 22 juillet 2005,...
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Non !
M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...à propos du principe d'égalité : " Aucun principe non plus qu'aucune règle constitutionnelle n'interdit au législateur de prendre des mesures propres à venir en aide à des catégories de personnes rencontrant des difficultés particulières. " Ce raisonnement s'applique au CPE.
M. Jérôme Lambert. Ce n'est pas vrai du tout !
M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Quant au droit d'amendement, vous savez que le Gouvernement a la capacité d'en déposer. Cette capacité est limitée en deuxième lecture, mais elle ne l'est pas en première lecture. L'amendement en question a été présenté en première lecture. En ce qui nous concerne, nous attendrons sereinement la décision du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Emploi

Ministère interrogé : emploi, cohésion sociale et logement

Ministère répondant : emploi, cohésion sociale et logement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 mars 2006

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