Question au Gouvernement n° 2691 :
gouvernement

12e Législature

Question de : M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - Union pour la Démocratie Française

Question posée en séance, et publiée le 3 mai 2006

AFFAIRE CLEARSTREAM

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union pour la démocratie française.
M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre, même si je doute qu'il m'honore d'une réponse.
Après trois mois de crise sociale qui ont abouti au retrait du CPE, la France est désormais plongée dans les méandres nauséabonds de l'affaire Clearstream. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Elle découvre avec effarement et révolte comment on peut, au sommet de l'État, fomenter des coups tordus entre membres d'un même gouvernement en se servant, comme d'un instrument de luttes personnelles, des services de l'État les plus secrets et des militaires et fonctionnaires les plus dévoués à la défense du pays, à l'intérêt national.
Cette nouvelle affaire vient s'ajouter à bien d'autres que la Ve République a fait subir à notre pays. On se souvient des écoutes téléphoniques commandées par l'Élysée sous François Mitterrand (" Ah ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ou de l'affaire des dossiers fiscaux. À l'époque, ceux qui vous applaudissent aujourd'hui criaient au scandale. Et certains de ceux qui donnent désormais de royales leçons de morale étaient conseillers techniques à l'Élysée.
Monsieur le Premier ministre, peu importent vos dénégations d'aujourd'hui, qui seront peut-être contredites la semaine prochaine. Vous l'avez dit vous-même il y a quelque temps, il ne s'agit pas de votre personne, mais il ne s'agit pas non plus, comme vous l'affirmez, d'une question de déontologie, et pas seulement des travers d'une fin de règne qui n'en finit pas de finir. C'est le pouvoir absolu et sans véritable contrôle, que la Ve République confère au Président et au gouvernement, qui a mécaniquement entraîné ce type d'affaires sous toutes les majorités.
Dans le cas présent, les services secrets sont soumis au risque d'instrumentalisation politique, car ils ne connaissent aucun autre contrôle que celui du gouvernement. Contrairement à ce qui se passe chez tous nos voisins, il n'existe, sur ces services, aucun contrôle parlementaire. Aucun pays occidental n'est à ce point privé des institutions d'une démocratie moderne.
Oui, monsieur le Premier ministre, c'est bien d'une crise de régime qu'il s'agit, car nos institutions n'empêchent pas les gouvernants successifs de céder à la tentation trop naturelle d'abuser de leurs fonctions. Oui, c'est bien d'une crise de régime qu'il s'agit, quand, depuis des décennies, la succession des affaires ruine la confiance que les Français devraient avoir dans ceux qui les dirigent.
De cette crise de régime, il faudra bien sortir. À défaut du grand changement de nos institutions dont notre pays a besoin et que vous avez récusé ce matin, nous voulons vous demander si vous envisagez au moins, comme tout le monde vous le demande, de mettre en place un vrai contrôle parlementaire sur nos services secrets. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député Lagarde, j'avoue que je suis un peu surpris : comment vous, membre du groupe UDF, pouvez-vous bâtir tout un raisonnement et toute une question sur des indiscrétions, sur des informations tronquées, sur une instruction qui, jusqu'à preuve du contraire, doit être tenue secrète, et comment vous permettez-vous ensuite d'attaquer le Gouvernement en vous fondant sur des éléments aussi faibles ? De votre part, c'est choquant. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ça l'est d'autant plus que, vous l'aurez noté, il n'a pas fallu attendre longtemps après la révélation de ces indiscrétions pour que deux démentis soient publiés par la personne concernée. C'est dire la solidité des bases sur lesquelles vous vous appuyez pour porter vos attaques contre le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Quant à votre question, je vous remercie de l'avoir posée, car la réponse est bonne. Je m'honore en effet d'appartenir au gouvernement qui, le premier, vient de déposer un projet de loi visant à créer une délégation de contrôle pour le renseignement. Cela n'a jamais existé auparavant. Merci de me donner l'occasion de le dire. C'est heureux pour nous.
Quant aux institutions, monsieur Lagarde, si vous êtes, comme vous semblez le dire, tellement intéressé par leur respect, commencez donc par respecter le secret de l'instruction et l'indépendance de la justice. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : État

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 mai 2006

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