Question au Gouvernement n° 2815 :
GDF

12e Législature

Question de : M. Henri Emmanuelli
Landes (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 15 juin 2006

GAZ DE FRANCE

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour le groupe socialiste. (Huées et protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je vous en prie, M. Emmanuelli n'a encore rien dit !
Vous avez la parole, monsieur Emmanuelli.
M. Henri Emmanuelli. Monsieur Copé, Marx est peut-être mort, mais nous avons tous pu constater que, fort heureusement, M. Édouard Balladur se portait bien. (Sourires.)
Monsieur le Premier ministre, il est un principe élémentaire de la démocratie - la responsabilité politique - que vous vous acharnez à fouler aux pieds puisque, à l'évidence, vous ne vous sentez responsable que devant le Président de la République, qui, lui-même, ne se sent responsable devant personne. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Aussi, à défaut de pouvoir vérifier votre légitimité dans cette assemblée, ce que je vous mets au défi de faire, vous accumulez les aventures.
M. Richard Mallié. Pour qui vous prenez-vous ?
M. Henri Emmanuelli. Après le CNE, dont on apprend aujourd'hui, malgré vos affirmations répétées, qu'il n'a créé qu'un emploi sur dix, après le CPE, vous vous apprêtez à une nouvelle aventure : la privatisation de Gaz de France.
Je ne vais pas répéter ce qu'a dit M. Habib. J'affirme néanmoins avec une certaine gravité que nous n'accepterons pas une situation où le pouvoir d'achat des Français, qu'il s'agisse des ménages ou des entreprises, sera pris en otage par des actionnaires privés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il s'agirait en effet d'une situation inacceptable.
Demandez aux Français, monsieur Breton, puisque vous parlez de sondages, s'ils sont satisfaits des 30 % d'augmentation du gaz constatés depuis 2002, et s'ils veulent que ce soient des actionnaires privés qui décident de ces hausses ; le résultat de vos sondages sera différent. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je souhaite savoir, monsieur le Premier ministre, si vous allez renoncer à cette nouvelle aventure et nous épargner, une fois de plus, d'avoir à mener des combats dont nous nous passerions bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur Emmanuelli, une nouvelle fois, vous vous illustrez par votre sens de la nuance (" Oh ! " sur les bancs du groupe socialiste) et par votre sens des réalités. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Vous parlez d'aventure. Parlons donc de la bataille pour l'emploi : 210 000 chômeurs en moins en quelques mois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Est-ce cela, une belle aventure ?
M. Bernard Roman. Et les 20 % de RMIstes en plus ?
M. le Premier ministre. Et le contrat nouvelle embauche, dont l'INSEE dit clairement qu'il a créé entre 40 000 et 80 000 emplois nouveaux, même s'il est vrai qu'une étude ne fait pas plus le printemps qu'une hirondelle ! (Sourires.)
Alors oui, nous traversons une crise énergétique majeure. Le prix de toutes les matières premières augmente : le gaz, le pétrole, l'électricité.
M. Jacques Desallangre. Et l'énergie nucléaire ?
M. le Premier ministre. La sécurité des approvisionnements doit être consolidée. Toutes les grandes entreprises du secteur de l'énergie dans le monde cherchent à nouer des alliances pour être plus fortes. Et que dites-vous ? Vous dites : " Et alors ? " Que proposez-vous ? (" Rien ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Rien ! On ne touche à rien, on ne change rien et, même, on revient en arrière en renationalisant EDF ! (" Oui ! " sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà la belle aventure que vous nous proposez !
Nous avons une autre conception de la politique énergétique : garantir aux Français un approvisionnement sûr au meilleur coût. Cela, monsieur Emmanuelli, je le fais sans complexe, en fidèle du général de Gaulle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), qui a donné à la France l'indépendance et la sécurité énergétique, remises en cause par toutes les politiques de la gauche depuis trente ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous avons un champion mondial pour le pétrole avec Total, un champion mondial pour l'électricité avec EDF, un champion mondial pour le nucléaire avec Areva.
M. François Hollande. Et vous, vous n'êtes pas le champion des Français en tout cas !
M. le Premier ministre. Nous avons pris toutes les mesures nécessaires pour développer les énergies renouvelables et celles du futur. Ce n'est pas vous qui l'avez fait, ce ne sont pas les Verts, c'est nous ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Reste la question difficile du gaz, je dis " difficile " parce que, parfois, en politique, il faut un peu de courage. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Henri Emmanuelli. Ah bon ?
M. le Premier ministre. Nous avons une échéance inéluctable en juillet 2007 avec l'ouverture complète des marchés de l'énergie.
M. Jean-Pierre Brard. Vous ne serez plus là !
M. le Premier ministre. Cette échéance implique que l'on soit prêt. C'est pourquoi nous avons besoin d'un texte législatif pour transposer la directive européenne en protégeant les tarifs et les prérogatives de l'État.
La France a aujourd'hui une opportunité. Faut-il la saisir, monsieur Emmanuelli ? Cette opportunité est de créer un nouveau champion mondial dans le domaine du gaz,...
M. François Hollande. Encore des champions !
M. Jean-Pierre Blazy. Ribéry ! (Sourires.)
M. le Premier ministre. ...capable de diversifier et de renforcer notre approvisionnement et capable de peser sur les prix. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Henri Emmanuelli. Ah bon ?
M. le Premier ministre. C'est tout le sens du rapprochement entre Gaz de France et Suez.
M. François Hollande. Dans l'enthousiasme !
M. le Premier ministre. Je sais bien que des questions se posent. Rien de plus normal ! Le Gouvernement prendra le temps de répondre à chaque interrogation,...
M. François Hollande. En un an !
M. le Premier ministre. ...comme il l'a fait pendant plusieurs mois avec les organisations syndicales ; Thierry Breton les a reçues à trente-sept reprises. (Signes de dénégation sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Une inquiétude légitime concerne les prix du gaz. Nous y répondrons. Le tarif réglementé tel qu'il existe aujourd'hui sera maintenu au-delà du 1er juillet 2007. Il est hors de question que les ménages français soient exposés à des hausses brutales de tarifs dont l'État n'aurait pas la maîtrise.
Il existe aussi une inquiétude à propos des statuts des personnels. Il n'a jamais été question de les modifier.
M. Julien Dray. Comme pour France Télécom !
M. le Premier ministre. Tout cela figurera dans le projet de texte.
Nous sommes aujourd'hui dans le temps de l'explication. Thierry Breton et François Loos répondront cet après-midi même à vos questions. Ce débat essentiel permettra d'éclairer les choix de chacun. Le Gouvernement sera très attentif aux différentes propositions qui seront formulées par l'Assemblée.
Je souhaite qu'ensemble, nous puissions faire entrer la France dans une nouvelle ère énergétique, celle de l'après-pétrole, où notre pays a pris plusieurs longueurs d'avance.
M. Henri Emmanuelli. En servant les intérêts des actionnaires privés ?
M. le Premier ministre. Et, je l'affirme solennellement devant vous : le Gouvernement se prononcera sur ce dossier en fonction du seul intérêt général (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
M. Jean-Marc Ayrault. Comme ce fut le cas pour le CPE ?
M. le Premier ministre. ...qui reste mon unique préoccupation depuis le premier jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : M. Henri Emmanuelli

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 juin 2006

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