carte électorale et modes de scrutin
Question de :
M. Bruno Le Roux
Seine-Saint-Denis (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 19 décembre 2002
MODES DE SCRUTIN
ET DÉCOUPAGE ÉLECTORAL
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste.
M. Bruno Le Roux. Voilà quelques semaines, monsieur le Premier ministre, vous avez souhaité recevoir les différents représentants des formations politiques pour dialoguer avec eux sur la réforme des modes de scrutin. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
La semaine dernière, nous avons eu le sentiment que vous n'aviez pas répondu clairement à la question que vous avait posée M. Albertini.
Aujourd'hui, nous nous interrogeons sur le caractère factice de cette consultation, qui semble, selon les informations que vous avez laissées filtrer, n'être qu'un leurre ou un prétexte à des petits arrangements entre amis de l'UMP. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples. Le premier concerne la réforme du scrutin européen. A la différence de ce qu'affirmait la semaine dernière votre ministre de l'intérieur, tous les partis politiques, sauf un, l'UMP, sont opposés à un projet de redécoupage sur les vingt-deux régions actuelles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française), lequel ferait perdre tout caractère proportionnel aux élections dans la moitié des régions de notre pays. Cela n'est pas acceptable. Toutefois, M. Juppé veut, exige un découpage refusé par toutes les autres forces politiques, et vous semblez ne pas avoir la capacité à lui faire entendre qu'il s'agirait là d'un coup de force au profit unique de l'Etat UMP ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Deuxième exemple. Personne ne conteste ici qu'il est nécessaire de procéder régulièrement à des redécoupages des cantons pour adapter leurs limites à l'évolution démographique et à l'urbanisation. Mais, bien sûr, cela doit se faire en toute transparence et hors de toute pression particulière. Vous semblez vouloir renvoyer cette réflexion générale à après 2004, ce qui lui donnera donc le temps de se dérouler sereinement. Toutefois, il existe un département, et un seul, pour lequel vous souhaitez procéder dès maintenant à un redécoupage. Est-ce celui où les écarts de population sont les plus forts ?
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Oui !
M. Bruno Le Roux. Non !
Est-ce celui où les disparités entre les cantons sont les plus fortes ?
M. Jean Glavany. Non !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Oui !
M. Bruno Le Roux. Non ! Mais il s'agit du département des Bouches-du-Rhône, celui de M. Gaudin, vice-président de l'UMP (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...
Plusieurs députés du groupe socialiste. Et voilà !
M. Bruno Le Roux. ... qui a déposé sur votre bureau son projet,...
M. le président. Monsieur Le Roux, posez votre question.
M. Bruno Le Roux. ... son oukase en vous enjoignant de le mettre en oeuvre le plus rapidement possible.
Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est scandaleux !
M. le président. Posez votre question, monsieur Le Roux.
M. Bruno Le Roux. Ma question est simple, monsieur le président.
M. le président. Eh bien, posez-la !
M. Bruno Le Roux. Monsieur le Premier ministre, serez-vous donc ce tripatouilleur (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...
M. François Grosdidier. Et le découpage de Marseille en 1983 !
M. Bruno Le Roux. ... qui, à la demande de ses deux marmitons chefs, Juppé et Gaudin, veut remplir la corbeille de l'UMP au détriment de la transparence, de l'éthique et de la démocratie ? (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. Merci, monsieur Le Roux !
M. Bruno Le Roux. Sans doute est-ce cela que vous appelez « l'esprit de mai » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Le Roux, je vais délibérément laisser de côté les aspects diffamatoires de votre question, qui n'intéressent personne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Mais je vais aller vous chercher sur votre terrain ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
C'est sans doute parce que vous êtes un expert que vous avez choisi l'exemple de Marseille, seule ville de France où, en 1983, le maire socialiste a été élu avec moins de voix que le candidat de droite, M. Gaudin ! (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Et vous venez poser de telles questions ? Pas ça ! Pas vous ! Et pas maintenant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Mais il y a mieux ! Et, puisque vous cherchez les leçons, je vais bien volontiers vous en donner une. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Jean-Christophe Cambadélis. Pour qui vous prenez-vous ?
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je m'apprête à faire à Marseille ce que vous-même, avec le gouvernement de M. Jospin, avez fait à Lyon. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste...)
M. le président. Calmez-vous, mes chers collègues !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ecoutez, mesdames, messieurs de l'opposition ! Vous protesterez ensuite.
En 2000 - l'histoire mérite d'être contée -, le gouvernement de M. Jospin a revu entièrement la carte électorale des cantons de Lyon, et créé un nouveau canton, parce qu'il a été mis en demeure par le Conseil d'Etat de redessiner ces cantons pour corriger des inégalités démographiques. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Or, je ferai la même chose à Marseille, parce que les inégalités démographiques y sont pires que celles que connaissait Lyon en l'an 2000. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
Peut-on m'expliquer à quel titre ce qui était démocratie à Lyon en 2000 serait tripatouillage à Marseille en 2002 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Vous voyez, monsieur Le Roux, quand on ne veut pas recevoir de leçons, mieux vaut être pudique et discret ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Bruno Le Roux
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Élections et référendums
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 décembre 2002