construction aéronautique
Question de :
M. François Hollande
Corrèze (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 21 juin 2006
RESPONSABILITES DE L'ETAT ACTIONNAIRE
M. le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste.M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, en politique comme en toute chose, rien ne peut se construire sans la confiance. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Or la confiance, vous l'avez perdue auprès des Français (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et vous l'avez également perdue au sein de votre majorité. (Vives protestations sur les mêmes bancs.) Sinon vous auriez d'ores et déjà privatisé Gaz-de-France.
Cette confiance, vous ne la retrouverez pas grâce aux procédures judiciaires que vous intentez contre des journalistes. Jamais un Premier ministre n'y avait eu recours sous la Ve République ! (" Très juste ! " sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Marsaudon. Et Mitterrand ?
M. François Hollande. Pas de confiance dans le pays ; pas de confiance dans la majorité ; pas de confiance dans la presse : dans une démocratie digne de ce nom, le chef de l'État ou le Parlement aurait mis fin à cette situation. Mais nous sommes dans le régime de l'irresponsabilité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Guy Teissier. Ridicule !
M. François Hollande. Cette irresponsabilité ne doit pas se propager aux affaires industrielles et économiques. Or EADS, un des fleurons de notre industrie aéronautique, en France comme en Europe, est aujourd'hui ébranlé par le comportement de l'un de ses dirigeants. En effet, au moment même où la société Airbus annonce des retards de livraison pour le gros porteur A 380 et où le cours de l'action s'effondre de plus de 25 %, on révèle que, trois mois plus tôt, le coprésident de cette entreprise avait levé ses stock-options afin de réaliser une plus-value de 2,5 millions euros.
Sans préjuger des enquêtes diligentées par les autorités de marché, lesquelles concluront ou non à un délit d'initié, cette attitude est d'ores et déjà doublement condamnable et, je suppose, condamnée dans notre hémicycle.
Elle confirme en effet que des dirigeants d'entreprise n'hésitent pas à s'octroyer des rémunérations considérables, au moment même où la pression des marchés fait que les salariés sont réduits à la portion congrue. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cette attitude est également condamnable sur le plan moral, puisqu'elle survient au moment où le groupe EADS annonce des suppressions d'emplois concernant un millier de personnes près de Bordeaux, à Mérignac, dans la filiale Sogerma.
M. le président. Posez votre question, monsieur Hollande.
M. François Hollande. J'y viens.
Elle est toute simple : monsieur le Premier ministre, dès lors que l'État français détient 15 % du capital de l'entreprise et que le Président de la République et vous-même avez joué un rôle dans la nomination du co-président d'EADS, en l'occurrence M. Forgeard, lui maintenez-vous, au nom du Gouvernement, votre confiance ?
Si tel était le cas,...
M. le président. Merci, monsieur Hollande.
M. François Hollande. Attendez, monsieur le président ! (Vives protestations puis huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Non, monsieur Hollande ! Chacun a droit au même temps de parole !
M. François Hollande. ...cela signifierait que nous sommes dans l'irresponsabilité générale, oui, dans l'irresponsabilité générale, puisqu'un président d'entreprise peut se comporter ainsi sans avoir été rappelé à l'ordre par l'État ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur Hollande, il est des moments dans la démocratie où l'on ne peut pas dire n'importe quoi. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) En 2000, c'est vous qui avez défini, avec Lionel Jospin, le pacte d'actionnaires. C'est votre responsabilité et nous remettrons les choses à plat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Il est des moments, monsieur Hollande, dans une démocratie, où l'on ne peut pas mélanger les carottes et les choux-fleurs, l'exigence de vérité et l'exigence de bonne gestion.
Je dénonce, monsieur Hollande, la facilité, et je dirais même, en vous regardant, la lâcheté (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste), la lâcheté (Huées sur les bancs du groupe socialiste dont de nombreux députés se lèvent et commencent à descendre vers le banc du Gouvernement.)
M. le président. Asseyez-vous, je vous en prie !
M. le Premier ministre. ...de votre attitude. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Les députés du groupe socialiste descendent de leurs travées et se massent au pied de la tribune, devant le banc du Gouvernement, où ils sont contenus par les huissiers.)
Je le redis : la lâcheté ! (Protestations et bruits continus dans les rangs des députés du groupe socialiste.)
Dans ce contexte, monsieur Hollande, j'ai relevé trois contradictions dans vos propos. (Les députés du groupe socialiste scandent : " Villepin, démission ! ")
M. le président. Calmez-vous et asseyez-vous !
M. le Premier ministre. Premièrement, vous n'avez jamais assumé de véritable politique industrielle dans notre pays ! Jamais ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire dont certains députés se lèvent. - Les députés du groupe socialiste, toujours massés devant le banc du Gouvernement, continuent de scander : " Villepin, démission ! ")
M. le président. Je vous le demande : calmez-vous !
M. le Premier ministre. En matière de politique énergétique, sujet qui rassemble aujourd'hui tous les Français, vous n'avez cessé de préconiser, là encore, la facilité. (Interjections continues dans les rangs des députés du groupe socialiste, toujours debout devant le banc du Gouvernement.)
Nous, nous avons posé l'exigence d'une politique énergétique au meilleur coût ; nous avons posé l'exigence d'une politique énergétique de pointe ; nous avons posé l'exigence d'une politique énergétique respectueuse de l'environnement. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Les députés du groupe socialiste scandent : " Sortez ! Sortez ! ")
Monsieur Hollande (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...,
M. le président. Arrêtez, cela ne sert à rien, calmez-vous !
M. le Premier ministre. ...en matière industrielle comme en matière énergétique et en matière politique, le principe de responsabilité compte. (Les députés du groupe socialiste recommencent à scander : " Démission ! Démission ! ")
M. le président. Quel triste spectacle vous donnez, mes chers collègues.
M. le Premier ministre. Deuxièmement, monsieur Hollande, nous avons défendu le service public alors que vous n'avez jamais cessé de le brader. (Rires et exclamations parmi les députés du groupe socialiste. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous n'avez jamais été au rendez-vous de la politique de la nation, alors même que nous voulons en redéfinir l'exigence et avancer dans cette voie. (Huées et sifflets dans les rangs des députés du groupe socialiste.)
Enfin, monsieur Hollande, vous n'avez pas fait le nécessaire pour les entreprises publiques. Nous voulons leur donner les moyens d'avancer, de se moderniser et de relever les défis. (De nombreux députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent pour applaudir le Premier ministre. - Huées continues des députés du groupe socialiste, toujours massés devant le banc du Gouvernement.)
M. le président. Nous en venons à la question de M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Union pour la démocratie française. (Protestations des députés du groupe socialiste.)
Si vous voulez sortir, sortez !
M. François Hollande. C'est inadmissible ! (Il essaie de s'approcher du banc du Premier ministre.)
M. le président. Monsieur Hollande, je vous en prie ! (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Marc Ayrault. Nous ne pouvons accepter les propos de M. le Premier ministre.
(M. Cambadélis essaie d'atteindre le banc du Gouvernement par les travées de l'UMP. - M. Perben, ministre des transports, s'interpose.)
M. le président. Monsieur Ayrault, montrez l'exemple en sortant calmement. Monsieur Cambadélis, monsieur Dray, on se comporte correctement dans l'hémicycle !
N'oubliez pas que la télévision vous filme ! (Protestations et bruits continus parmi les députés du groupe socialiste.)
La parole est à M. Nicolas Perruchot. (" Non ! Non ! " sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
M. François Rochebloine. Ce n'est pas possible !
M. Jean-Christophe Lagarde. Il faut suspendre !
M. le président. Nous écoutons votre question, monsieur Perruchot.
M. Nicolas Perruchot. J'attends le retour au calme, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Perruchot, allez-vous poser votre question ? (Protestations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, je le répète, j'attends le retour au calme.
M. le président. Monsieur Perruchot, si vous ne voulez pas vous exprimer, je vais donner la parole à l'orateur suivant. (Vives protestations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Les députés du groupe socialiste, toujours massés devant le banc du Gouvernement, scandent de nouveau : " Villepin, démission ! ")
M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, les questions au Gouvernement supposent, dans l'hémicycle, un minimum de calme et de respect. Or je constate que c'est loin d'être le cas. C'est pourquoi j'attends que vous remettiez de l'ordre dans l'hémicycle.
M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !
M. le président. Dans ces conditions, j'en viens à la question suivante. (Vives protestations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. François Hollande
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 juin 2006