Question au Gouvernement n° 288 :
Iraq

12e Législature

Question de : M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 15 janvier 2003

IRAK

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, vous avez aujourd'hui un devoir de vérité.
La crise irakienne approche peut-être de son dénouement. Alors que vous ne cessez de dire que la guerre ne doit être que la dernière extrémité, le Président de la République semble s'y résigner en demandant à nos forces armées de se tenir prêtes à faire face à toute éventualité. Comment ne pas ressentir cette déclaration comme une mobilisation qui n'ose pas dire son nom ? Comment ne pas y voir une préparation des esprits à un engagement militaire de la France, évolution d'autant plus surprenante que la France préside le Conseil de sécurité de l'ONU et qu'à ce jour aucune preuve d'un réarmement de l'Irak n'a été apportée ? Il y a tout lieu de craindre que vos appels réitérés à une décision de l'ONU ne soient qu'un paravent légal pour un ralliement à l'équipée de M. Bush.
Insoutenable contradiction qu'il vous appartient, monsieur le Premier ministre, de dissiper !
Le pire frappe à la porte. L'armée américaine est massée aux frontières de l'Irak. La nôtre se prépare. Vous devez clarifier vos intentions.
Qu'attendez-vous pour annoncer que la France opposera son veto à tout recours à la force et refusera d'y prêter son concours militaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Monsieur le Premier ministre, vous avez dit, dans une de vos formules inimitables : « Nous restons déterminés pour être opposés à la guerre. » Je voudrais croire à votre sincérité mais, comme tous les Français, j'en demande des preuves. C'est pourquoi nous voulons que le débat parlementaire auquel vous vous êtes engagé se tienne après la remise du rapport des inspecteurs de l'ONU au Conseil de sécurité et que nous demandons que votre gouvernement engage, à l'issue de ce débat, sa responsabilité afin que le Parlement se prononce sur une base claire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Si vous refusez la guerre, la représentation nationale sera tout entière avec vous. Mais si, par malheur, vous faites le choix de la guerre, sachez qu'il n'y aura pas d'union sacrée et qu'une écrasante majorité du pays se détournera de vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Jacques Desallangre. Tout à fait !
M. François Goulard. Ces propos sont totalement déplacés !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, je vous remercie de vos bons voeux à l'adresse du Gouvernement. Permettez-moi, au nom de l'ensemble du Gouvernement, de présenter à mon tour à chacune et à chacun des membres de l'Assemblée des voeux très sincères pour l'année 2003.
Monsieur Ayrault, la question que vous avez posée est importante et, par vos propos, vous rejoignez le souhait du Président de la République qu'un débat se tienne au Parlement sur la crise irakienne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Avec un vote !
M. le Premier ministre. Il est en effet essentiel que, le moment venu, le Parlement soit informé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Nous sommes très attentifs (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs)...
M. André Gerin. Décidez !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !
M. le Premier ministre. Je souhaiterais que l'on puisse, sur ce sujet, s'exprimer dans la sérénité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. André Gerin. Il faut décider !
M. le Premier ministre. Très sincèrement, je me dois de vous dire que le Gouvernement est particulièrement attentif à ce que peut penser et dire le Parlement dans cette situation particulièrement difficile.
Mme Martine David. Encore heureux !
M. le Premier ministre. La position de la France n'a pas changé, et le Président de la République l'a exprimée a plusieurs reprises.
D'abord, nous souhaitons bien évidemment assurer le désarmement de l'Irak. Nous voulons le faire au niveau du droit, par le droit. Et, pour nous, le droit est construit par la communauté internationale au sein du Conseil de sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Par conséquent, s'il doit y avoir recours à la force, il faudra une autre résolution que la résolution 1441, car c'est à l'ONU et au Conseil de sécurité que se trouve la source du droit international, ce qui est pour nous essentiel dans cette démarche.
M. Robert Pandraud. Très bien !
M. le Premier ministre. La position de la France n'a donc pas changé.
Les inspecteurs de la commission de contrôle de l'ONU conduisent actuellement leurs travaux dans des conditions difficiles, qui font l'objet de notre particulière attention. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Nous avons relevé, comme vous tous, de nombreuses zones d'ombre dans les déclarations remises par l'Irak le 7 décembre dernier. C'est pourquoi, en accord avec le Président de la République, nous avons demandé au ministre des affaires étrangères, qui assure actuellement la présidence du Conseil de sécurité, de faire en sorte que tous les membres du Conseil puissent remettre aux inspecteurs les informations susceptibles d'éclairer leur jugement. M. de Villepin a donc écrit à l'ensemble des membres du Conseil de sécurité, qui est actuellement, je le répète, sous présidence française, afin que nous puissions disposer, notamment lors des prochaines réunions du Conseil de sécurité, de toutes les informations nécessaires permettant d'éclaircir une situation qui, comme je l'ai dit,...
M. Alain Néri. Vous n'avez encore rien dit !
M. le Premier ministre. ... comporte trop de zones d'ombre.
Dans ce contexte, nous sommes les uns et les autres très attentifs à ce que la résolution 1441 qui a été, ne l'oublions jamais, adoptée à l'unanimité, puisse en toutes circonstances s'imposer. Cela signifie que nous devrions organiser, ce que nous ferons volontiers, un débat dès lors qu'une autre délibération serait soumise au Conseil de sécurité et que celle-ci conduirait à engager une politique qui ne serait pas celle que nous avons approuvée.
M. Christian Bataille. Quelle est votre réponse ?
M. le Premier ministre. Notre réponse est particulièrement claire : nous sommes contre la guerre. Nous savons que la guerre est la dernière des extrémités, qu'il faut tout tenter contre la guerre et qu'il faut lutter contre elle non avec des slogans ou des utopies (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), mais avec une diplomatie efficace, comme celle que nous développons actuellement au Conseil de sécurité.
A l'issue de la présidence française du Conseil de sécurité, c'est-à-dire à la fin du mois de janvier, nous serons en possession de toutes les informations permettant ensemble de fixer la date pertinente du débat au Parlement comme l'a souhaité le Président de la République et comme vous-même le souhaitez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Marc Ayrault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 janvier 2003

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