Question au Gouvernement n° 2932 :
Soudan

12e Législature

Question de : M. Paul Quilès
Tarn (1re circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 19 octobre 2006

DARFOUR

M. le président. La parole est à M. Paul Quilès, pour le groupe socialiste.
M. Paul Quilès. Monsieur le Premier ministre, c'est l'honneur de la France de dénoncer les crimes contre l'humanité qui ensanglantent un pays. C'est aussi son honneur d'agir. C'est l'honneur de notre parlement de se saisir de ces questions et de ne pas rester silencieux devant un drame comme celui du Darfour qui dure depuis trois ans. Et je suis heureux qu'aujourd'hui même deux questions lui soient consacrées.
L'opinion publique française et internationale, peu sensibilisée à cette terrible situation, s'est malheureusement peu mobilisée. Certains parlent de génocide. Je ne sais pas si la qualification juridique est importante. Ce qui est certain, comme le dit Kofi Annan, c'est que " le Darfour, c'est l'enfer sur Terre ". Aujourd'hui, avec 300 000 morts, 2,5 millions de personnes déplacées, des viols et des massacres systématiques, le pays est totalement ravagé.
La situation est tellement grave que, pour la première fois, depuis longtemps le Conseil de sécurité des Nations unies demande l'envoi de 20 000 hommes, dont 17 000 Casques bleus. Mais le gouvernement de Khartoum refuse.
Comme l'a rappelé M. le ministre des affaires étrangères, la situation est complexe, du fait notamment des factions en présence, des ingérences étrangères et de la position ambiguë de certaines grandes puissances. On parle aujourd'hui d'une médiation possible de l'Erythrée, mais les massacres continuent.
Monsieur le Premier ministre, vous connaissez bien les questions internationales. Aussi, je veux vous interroger sur plusieurs points. Mme Louise Arbour, Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, vient de déclarer qu'il faudrait que la Cour pénale internationale soit présente au Darfour. Quelle est la position de la France sur cette question ?
Que peut faire concrètement notre pays pour trouver une issue à ce drame ? J'ai posé une question ici même, il y a deux ans, au ministre des affaires étrangères, alors qu'il y avait 10 000 morts. Il y en a 300 000 aujourd'hui. Faudra-t-il attendre qu'il y en ait 500 000, voire 800 000 comme au Rwanda, pour que la communauté internationale, dont c'est un peu trop l'habitude, fasse repentance ?
Monsieur le Premier ministre, la question n'est pas seulement diplomatique ou géopolitique, c'est aussi une question d'humanité. Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, nous avons là un devoir d'humanité. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur Quilès, vous connaissez trop les affaires internationales pour ne pas comprendre aujourd'hui que, lorsque le Conseil de sécurité des Nations unies vote à l'unanimité une résolution - la résolution 1706 - pour demander l'envoi de 17 000 Casques bleus et qu'il se heurte au refus du président al-Béchir, le rôle de la France est primordial.
Respecter la souveraineté d'un pays, son intégrité territoriale et son indépendance ne signifie pas que l'on ne fait rien. Je me rendrai moi-même dans quelques jours à Khartoum pour demander au président al-Béchir d'accepter qu'il y ait un passage de témoin efficace avec l'Union africaine, à laquelle je veux rendre aujourd'hui hommage puisque c'est elle qui a demandé, il y a trois mois, l'arrivée des Casques bleus au Soudan. Malheureusement, face au refus des autorités soudanaises, l'Union africaine ne peut pas faire plus, sauf rester au Soudan, ce qu'elle fait.
Le Président de la République a fixé trois caps. Premièrement, aider l'Union africaine à renforcer ses équipements en vue d'augmenter son efficacité. Deuxièmement, et vous l'avez dit, approfondir l'accord politique d'Abuja en vue d'y associer les autorités soudanaises d'un côté, et l'ensemble des groupes rebelles, de l'autre, et pas seulement l'un d'entre eux. Enfin, aller à Khartoum, à la suite des chefs d'État africains, comme je l'ai dit tout à l'heure en réponse à la question d'un député de la majorité. Car il est évident qu'après MM. Wade, Obasanjo et Bongo, nous devons tous aller à Khartoum.
Jan Egeland, le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires des Nations unies vient de publier une cartographie qui montre que près de 250 000 personnes n'ont pas droit aujourd'hui d'accéder à l'aide humanitaire. C'est vraiment l'honneur de la France d'agir, non pas en se contentant d'aller dans un camp du Darfour avec deux caméras, mais en faisant tout ce qui est possible pour parvenir à un accord politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Données clés

Auteur : M. Paul Quilès

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 octobre 2006

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