croissance
Question de :
M. Éric Besson
Drôme (2e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 15 novembre 2006
CROISSANCE FRANÇAISE
M. le président. La parole est à M. Éric Besson, pour le groupe socialiste.M. Éric Besson. Monsieur le président, ma question s'adressait à M. le Premier ministre, mais, en l'absence de celui-ci, je laisserai bien volontiers M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie y répondre puisqu'il est directement concerné par le sujet.
Depuis la fin du mois d'août, votre gouvernement se livre à une opération de communication menée à grands renforts de tambours et trompettes. Pour reprendre votre slogan, monsieur le ministre, vous vouliez faire croire aux Français que " tous les clignotants sont au vert ".
Les députés socialistes n'ont cessé de vous alerter sur l'erreur de diagnostic que vous commettiez : l'état de la dette, la faiblesse du pouvoir d'achat et la gravité de la situation de notre commerce extérieur indiquent que les fondamentaux de notre économie ne sont pas bons. Ici même, monsieur le ministre, il y a quelques jours, vous nous avez expliqué que " tous les moteurs de la croissance sont allumés et que " tout porte à croire que notre économie continuera de progresser aux troisième et quatrième trimestres ".
Mais les faits sont têtus ! L'INSEE prévoit au troisième trimestre une croissance zéro - je le répète : une croissance zéro -, et, ce matin, Eurostat a confirmé ce sombre pronostic. La croissance française sera de nouveau en 2006 bien inférieure à ce qu'elle était de 1997 à 2002,...
M. Paul Giacobbi. C'est vrai !
M. Éric Besson. ...et à ce que seront la croissance mondiale et celle de la zone euro. Je le répète parce que M. le Premier ministre comme vous-même affirmez régulièrement le contraire : la performance de la France sera inférieure à celle de la zone euro, notre pays allant, pour la première fois depuis 1994, jusqu'à faire moins bien que l'Allemagne.
M. Lucien Degauchy. C'est la faute aux 35 heures !
M. Henri Emmanuelli. C'est la vôtre ! Voilà cinq ans que vous êtes au pouvoir !
M. Éric Besson. L'heure n'est donc plus à la propagande mais à la lucidité.
Monsieur le ministre, allez-vous reconnaître que vous vous trompez et de diagnostic et de remèdes ? Allez-vous enfin réorienter une politique économique et fiscale qui, non seulement, est injuste - chacun le sait -, mais dont, de plus, l'inefficacité est aujourd'hui prouvée ? Allez-vous modifier de façon concrète votre projet de budget pour tenir compte de la gravité de la situation, désormais inscrite dans les chiffres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je vous invite tout d'abord à un peu de réserve avant de commenter un chiffre dont chacun sait qu'il est encore précoce. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Michel Lefait. Il ne l'est pas !
M. le président. Monsieur Lefait, veuillez laisser le ministre s'exprimer.
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je l'ai dit moi-même : j'aurais préféré que ce chiffre soit conforme à ce que l'ensemble - je le répète : l'ensemble - des instituts de conjoncture avaient prévu pour le troisième trimestre, à savoir de l'ordre de 0,5 % à 0,6 %. Toutefois, je vous invite à la plus grande prudence, car, vous ne l'ignorez pas, et je le répète : il s'agit d'un chiffre précoce, qui, semaine après semaine, est sujet à réévaluation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Vers la baisse !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Toutefois, il nous permet de tirer deux enseignements, que je souhaiterais vous faire partager.
Tout d'abord, pour la troisième fois consécutive, l'INSEE a confirmé la croissance française au premier semestre, la fixant même à 0,5 % et non plus à 0,4 %, ce qui donne en rythme annualisé une croissance de 3,4 % pour le premier semestre et démontre...
M. François Hollande. Que tout va bien !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...que, en matière de croissance, que vous le vouliez ou non, la France peut faire la course en tête. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Paul Giacobbi et M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas vrai !
M. le président. Monsieur Giacobbi et monsieur Emmanuelli, laissez M. le ministre conclure.
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le second enseignement est qu'il ne faut pas relâcher l'effort, car l'héritage continue de peser. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Henri Emmanuelli. Voilà cinq ans que vous êtes au pouvoir !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous avez peut-être oublié le poids des 35 heures : les Français, eux, ne l'ont pas oublié. Oui, mesdames et messieurs les députés, il faut aller de l'avant...
M. Jean Le Garrec. Cela suffit ! C'est insupportable !
M. le président. Monsieur Le Garrec, laissez le ministre conclure.
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...parce que - les chiffres nous le rappellent - les Français ont payé trois fois les 35 heures : elles ont ponctionné leur pouvoir d'achat, limité leurs salaires et augmenté la dette. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Telle est la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous avons fait beaucoup. Nous avons également démontré que nous pouvions aller de l'avant. C'est vrai, la croissance connaît une pause au troisième trimestre, mais les indicateurs qui sont à la disposition de tous les conjoncturistes permettent cependant de prévoir que le quatrième trimestre sera bon.
Je tiens à ajouter que, lorsque nous avons enregistré au deuxième trimestre la plus forte croissance de la zone euro, nombreux ont été ceux qui m'ont demandé d'augmenter la prévision pour la France : je l'ai maintenue dans une fourchette allant de 2 % à 2,5 %. Aujourd'hui, d'aucuns me demandent de la baisser : je refuse tout autant de la modifier !
M. le président. Monsieur le ministre, je vous prie de bien vouloir conclure.
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vous confirme aujourd'hui que la croissance de la France se situera bien entre 2 % et 2,5 % !
Monsieur Besson, un peu de pudeur ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Le budget que vous nous avez légué en 2002 reposait sur une prévision de croissance de plus de 2,5 % : la croissance n'a été que d'1 % ! Alors, de la pudeur, encore de la pudeur, et du respect pour les chiffres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Éric Besson
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique économique
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 novembre 2006