Question au Gouvernement n° 3202 :
renseignements généraux

12e Législature

Question de : M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 31 janvier 2007

IMPARTIALITE DE L'ÉTAT

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, la direction centrale des renseignements généraux (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) a reconnu avoir diligenté une enquête sur des membres de l'entourage de la candidate Ségolène Royal. (Mêmes mouvements.)
M. Pierre Lellouche. Écrivez plutôt votre programme !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !
M. Jean-Marc Ayrault. Cette surveillance viole la loi, qui interdit à ce service du ministère de l'intérieur de contrôler les activités des formations démocratiques et, a fortiori, de leurs candidats aux élections.
M. Alain Gest. Cinéma !
M. Jean-Marc Ayrault. C'est une faute d'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.- Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Pierre Lellouche. Vous n'avez rien d'autre en magasin ? Où est votre programme ?
M. Jean-Marc Ayrault. Cette faute d'État est d'autant plus grave qu'elle met en cause le ministre de l'intérieur, ministre des élections, qui dirige les préfets et la police et qui est lui-même candidat à l'élection présidentielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.- Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cette confusion de fonctions porte gravement atteinte à l'impartialité de l'État.
M. François Grosdidier. Et Jospin ?
M. Jean-Marc Ayrault. Elle jette le trouble sur la neutralité des agents publics. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les députés, est-il moral qu'un candidat puisse utiliser les moyens techniques de transport ou de surveillance de son ministère lors de sa campagne électorale ? (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Un peu de calme, s'il vous plaît !
M. Jean-Marc Ayrault. Lors des trois dernières élections présidentielles, la cohabitation avait empêché que l'État soit mis au service d'un candidat. (Protestations continues sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Qu'advient-il donc de l'engagement du ministre de l'intérieur de quitter sa fonction ? (Mêmes mouvements.)
Monsieur le Premier ministre, je sais que vous êtes préoccupé par cette situation (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qui altère l'impartialité des pouvoirs publics.
M. Alain Gest. Cinéma !
M. Jean-Marc Ayrault. C'est pourquoi je veux vous poser trois questions. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Allez-vous demander au ministre de l'intérieur de quitter ses fonctions afin de lever le doute sur le rôle de l'État et de ses services ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Êtes-vous prêt à demander à votre majorité d'appuyer la demande des parlementaires socialistes d'une commission d'enquête sur le rôle des services de renseignement dans cette campagne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.- Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Enfin, êtes-vous disposé à saisir, comme nous venons de le faire, le Conseil constitutionnel, qui, selon notre droit, doit juger de la régularité du processus électoral ?
Il faut que les Français aient confiance dans l'État. C'est une question d'exemplarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.- Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Brard. Un ami de Nicolas va parler !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault (" Zéro ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous me permettrez de prendre un peu de hauteur.
M. Lucien Degauchy. Ce n'est pas un héros !
M. le Premier ministre. L'impartialité de l'État s'impose à tous et peut-être davantage encore au chef du Gouvernement.
M. Jean-Marie Le Guen. Oh ! Que c'est bien !
M. le Premier ministre. C'est mon exigence d'une République irréprochable...
M. Michel Delebarre. Faites-la partager !
M. le Premier ministre. ...et exemplaire.
M. Jean-Pierre Brard. Tout ça, c'est du discours !
M. le Premier ministre. Une telle exigence doit interpeller chacun d'entre nous dans cette période électorale où nous avons des devoirs - faut-il le rappeler ? - vis-à-vis des Français.
M. Jean-Marie Le Guen. C'est clair !
M. le Premier ministre. Ces devoirs nous conduisent à aborder les questions et les difficultés de la vie politique...
M. Jean-Marie Le Guen. Oh ! Très bien !
M. le Premier ministre. ...avec expérience,...
Mme Martine David. Mais encore ?
M. le Premier ministre. ...avec mesure et, toujours, avec le souci de l'équité.
M. Jean-Pierre Brard. C'est un exposé philosophique !
M. Noël Mamère. Pourrait-on en revenir au sujet ?
M. le Premier ministre. L'impartialité de l'État, monsieur Ayrault, c'est d'abord l'indépendance.
Mme Chantal Robin-Rodrigo. En l'occurrence, ce n'est pas le cas !
M. le Premier ministre. J'ai fait le choix de défendre cette indépendance dans une période difficile. C'est le choix de la sérénité et de la transparence.
M. Jean-Pierre Brard. Une transparence opaque !
M. le Premier ministre. Sur l'affaire que vous avez évoquée, tout a été dit.
M. Jean-Marie Le Guen. Par qui ?
M. le Premier ministre. Tout a été dit par le Gouvernement,...
M. Paul Giacobbi. Sauf la vérité ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le Premier ministre. ...et, comme chacun sait, on peut soulever les pierres dans le désert, on n'est jamais sûr de trouver ce que l'on cherche, monsieur Ayrault !
M. Jean-Pierre Brard. On tombe parfois sur des scorpions ! Nicolas ?
M. le Premier ministre. La deuxième exigence de l'impartialité de l'État, au-delà de l'indépendance, c'est le travail. Or jamais, dans l'histoire de la Ve République, un gouvernement n'a eu à coeur d'en faire autant preuve. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés socialistes. Répondez à la question !
M. le Premier ministre. J'ai tiré les leçons du gouvernement Balladur, du gouvernement Jospin, et j'en suis arrivé à la conclusion que la bataille contre le chômage méritait d'être menée jusqu'au bout ; les résultats d'aujourd'hui en témoignent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste)
M. François Lamy. Ce n'est pas la question !
M. le Premier ministre. Les batailles de la croissance et du désendettement méritaient d'être menées jusqu'au bout, les résultats obtenus par le Gouvernement en témoignent. C'est l'intérêt des Français. (" La question ! " sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Augustin Bonrepaux. Vous ne répondez pas à la question !
M. le Premier ministre. La question est si petite qu'il faut bien que je lui donne un contenu ; voyez d'ailleurs les efforts que je consens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
L'impartialité de l'État - qui a des exigences que votre question ne prend pas tout à fait en compte, monsieur Jean-Marc Ayrault -, c'est aussi le respect de la règle de droit.
M. Bernard Roman. Justement ! Elle n'est pas respectée !
M. le Premier ministre. Je l'ai dit dans une circulaire et je l'ai rappelé hier lors d'un séminaire gouvernemental :...
M. Bernard Roman. Vous êtes obligé de les rappeler à l'ordre !
M. François Hollande. Il est où Sarkozy ?
M. le Premier ministre. ...je suis soucieux que ce gouvernement, chacun à sa place, remplisse sa mission, conformément à l'intérêt national.
Enfin, l'impartialité de l'État - et je suis bien placé pour vous en parler, monsieur Ayrault, parce que j'en ai souffert personnellement -...
Un député socialiste. Des noms !
M. le Premier ministre. ...c'est le refus des polémiques stériles, qui diminuent ceux-là mêmes qui les lancent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet les polémiques sont un peu comme les boomerangs : elles vous reviennent en pleine figure ! Les polémiques ne sont pas à la mesure de la démocratie. (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Marie Le Guen. Grotesque !
M. le Premier ministre. Dans une élection dont je souhaite qu'elle soit marquée de part et d'autre, au cours de la campagne électorale qui s'annonce, par la dignité, par l'honneur, par la responsabilité, par l'engagement (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste), je demande que chacun se tienne debout, et non dans les coins, sous les portes, dans les endroits les plus humides de la République, où personne ne se grandit !
M. François Hollande. Sarkozy !
M. le Premier ministre. Croyez-moi : la République se tient droit, les membres du Gouvernement sont debout, et nous ferons notre travail jusqu'au bout ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Marc Ayrault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Police

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 janvier 2007

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