Question au Gouvernement n° 3239 :
CNIL

12e Législature

Question de : M. Christian Paul
Nièvre (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 8 février 2007

COMMISSION NATIONALE DE L'INFORMATIQUE
ET DES LIBERTES

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste.
M. Christian Paul. Ma question s'adresse par défaut au garde des sceaux, puisque, pour la seconde fois cette semaine, le ministre de l'intérieur se dérobe à son obligation de rendre des comptes devant le Parlement. (" Et Ségolène ? " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Oui, partout en Europe, les sociétés démocratiques ont besoin de sécurité et doivent se donner les moyens d'agir contre le terrorisme et la criminalité organisée. Non, nos concitoyens français et européens ne sont pas prêts à voir réduire et menacer le droit à la vie privée des personnes au gré de dérives sur lesquelles plus aucune autorité responsable n'exercerait de contrôle. Ailleurs en Europe, on renforce et on coordonne le contrôle démocratique quant à l'usage des fichiers informatiques et des nouvelles technologies. En France, on l'affaiblit.
Oui, les choix et les actes inspirés par le ministre de l'intérieur sont inquiétants, et ils s'accumulent : fichages à des fins politiques, dysfonctionnement des fichiers informatisés, contournement de l'autorité de contrôle, comme l'a récemment dénoncé le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, le sénateur de l'UMP Alex Türk.
M. Claude Goasguen. Et les écoutes téléphoniques ?
M. Christian Paul. Dans d'autres domaines comme la santé, avec le dossier médical personnel, naissent d'énormes applications informatiques bricolées sans contrôle citoyen.
Ces dérives sont aussi angoissantes qu'inutiles pour les Français. Une société plus sûre, ce n'est pas une société de surveillance omniprésente et envahissante. Dans notre République, la CNIL est le " gendarme des fichiers ".
M. Jean-Michel Ferrand. Qu'avez-vous à cacher pour avoir aussi peur ?
M. Christian Paul. Elle l'a rappelé samedi à la suite d'un enquête menée à des fins de déstabilisation contre l'équipe de Ségolène Royal. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Est-ce un hasard ? Un décret surprenant et inacceptable, que j'ai en main, est en préparation à la Chancellerie pour limiter les moyens d'action de la CNIL, dont l'indépendance et l'autorité sont désormais en danger.
M. Jean-Michel Ferrand. Et la question ?
M. Christian Paul. Après avoir étouffé la CNIL financièrement, vous vous apprêtez à la museler juridiquement.
Je ne vous poserai, monsieur le garde des sceaux, qu'une seule question, car je sais le Gouvernement expert dans l'art de répondre à toutes les questions sauf à celle qu'on lui pose : sauf à être montré du doigt dans l'Europe des libertés, ne croyez-vous pas qu'il est grand temps de renforcer les moyens d'action, de contrôle et de coopération européenne de la CNIL, plutôt que de les réduire ?
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Je vous remercie, monsieur Paul, pour cet hommage à la CNIL. Celle-ci, comme vous l'avez rappelé, a communiqué à un citoyen qui en avait fait la demande un dossier des renseignements généraux le concernant.
Mme Martine David. Heureusement !
M. Christian Paul. Trois cents dossiers concernant les renseignements généraux sont en cours d'instruction !
M. le garde des sceaux. Cette personne a ainsi pu vérifier, ce qui est une bonne nouvelle pour tous les Français, que le dossier ne contenait rien concernant la vie privée.
Mme Martine David. C'est qu'il a été expurgé !
M. le garde des sceaux. Ceux qui voudraient faire peur à nos concitoyens en évoquant une police qui fouillerait dans la vie privée peuvent, grâce à ce collaborateur récemment intégré dans l'équipe de Mme Royal, être rassurés. Qu'il en soit remercié !
Vous vous êtes également livré à une attaque en règle contre la transposition d'une directive européenne. Je ne comprends pas ce que vous avez voulu dire. Une loi d'août 2005 prévoit en effet la transposition de deux directives. L'une a déjà été transposée et l'autre va l'être. La question qui reste à trancher est la suivante : s'agissant des libertés publiques, doit-on rester au seul niveau du règlement intérieur de la CNIL ou procéder par le biais d'un décret du Premier ministre ? La Chancellerie, précisément parce qu'il s'agit des libertés publiques, recommande à ce dernier la seconde solution. Autrement dit, nous offrons une protection supplémentaire aux citoyens : c'est tout le contraire de ce que vous affirmez.
Mme Martine David. Où est le ministre de l'intérieur ?
M. le garde des sceaux. La France peut être fière d'avoir fondé la CNIL il y a trente ans, de s'être régulièrement adaptée aux directives européennes et de toujours protéger la liberté des citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : M. Christian Paul

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Droits de l'homme et libertés publiques

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 février 2007

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