brevets
Question de :
M. Nicolas Dupont-Aignan
Essonne (8e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 30 janvier 2003
DÉFENSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour le groupe UMP.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à l'industrie et pourrait être posée de n'importe quel banc de cet hémicycle, car elle concerne l'avenir de la langue française.
En juin 2001, en dépit de la protestation de plus de 200 parlementaires issus de tous les groupes politiques, le gouvernement Jospin a signé le protocole dit de Londres sur le régime linguistique des brevets. En supprimant l'obligation de rédaction d'un brevet dans la langue du pays dans lequel il est déposé, ce protocole consacre la suprématie de l'anglais et représente un vrai danger pour notre pays.
M. Jacques Myard. Scandaleux !
M. Nicolas Dupont-Aignan. Ce danger est de nature économique, car les entreprises américaines et japonaises, qui déposent déjà la moitié des brevets en Europe, seront très avantagées.
M. Jacques Myard. C'est vrai !
M. le président. Monsieur Myard !
M. Jacques Myard. Il faut le dire !
M. Nicolas Dupont-Aignan. L'argument de la différence de coût du brevet entre les Etats-Unis et l'Europe ne tient pas. Le danger est également juridique, car, au mépris de notre Constitution et de l'égalité des Français devant la langue, sauf à considérer que l'anglais devient la seconde langue de notre pays, le texte anglais fera désormais foi devant les tribunaux. Enfin, le danger est aussi linguistique. En effet, comment demander aux pays francophones de promouvoir notre langue si nous ne sommes pas nous-mêmes capables de la défendre ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Jacques Myard. Gribouille !
M. Nicolas Dupont-Aignan. Il est encore temps de repousser la ratification de ce traité contraire aux engagements très forts pris par le Président de la République lors du sommet de Beyrouth et que l'Italie, la Belgique, l'Espagne, l'Autriche, le Portugal ont déjà refusé, considérant à juste titre qu'une langue qui ne peut plus porter des innovations technologiques est une langue qui va mourir. Le Gouvernement compte-t-il prendre un peu de temps pour reconsidérer ce dossier, pour réfléchir à la légitime diversité linguistique européenne, en un mot pour renégocier ce traité de Londres avec l'aide de nos partenaires européens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le député, le Gouvernement est particulièrement attentif à cette question. En effet, l'enjeu est d'importance. Il s'agit de savoir s'il est possible de concilier les intérêts industriels de la France avec sa présence culturelle internationale, notamment à travers la langue.
Comme vous l'avez dit, il s'agit de l'éventuelle ratification de l'accord de Londres, signé en 2001 par le gouvernement Jospin. Aujourd'hui, toute personne qui souhaite déposer un brevet doit en assurer la traduction intégrale dans chacune des langues des pays où elle souhaite le protéger.
M. Jacques Myard. C'est légitime !
Mme la ministre déléguée à l'industrie. C'est peut-être légitime, mais cela revient très cher : 40 % du coût total du dépôt du brevet !
M. Jacques Myard. C'est faux !
Mme la ministre déléguée à l'industrie. Beaucoup d'industriels considèrent que ce coût est dissuasif. Demain, si l'accord était ratifié, ces contraintes seraient allégées. Le détenteur du brevet pourrait, en effet, le traduire dans la langue qu'il souhaite, mais le corps du brevet, c'est-à-dire ce que l'on appelle dans le jargon les « revendications », serait obligatoirement traduit dans les trois langues reconnues par l'Office européen des brevets, à savoir le français, l'anglais et l'allemand.
Le Gouvernement est très attentif à deux impératifs. D'abord, dans une économie de la connaissance, la propriété industrielle, et notamment le brevet, est un outil stratégique. Ensuite, il importe de maintenir l'usage de la langue française dans les domaines scientifique et culturel (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Madame la ministre, veuillez conclure, s'il vous plaît !
Mme la ministre déléguée à l'industrie. Nous donnerons un peu de temps pour voir comment ces deux impératifs peuvent être conciliés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Auteur : M. Nicolas Dupont-Aignan
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Propriété intellectuelle
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 janvier 2003