Question au Gouvernement n° 467 :
décentralisation

12e Législature

Question de : M. Yves Durand
Nord (11e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 19 mars 2003

ÉDUCATION NATIONALE

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste.
M. Yves Durand. Monsieur le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, c'est la troisième fois depuis que vous êtes au ministère que vous contraignez enseignants et parents à faire grève (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) contre ce qui est devenu une véritable hémorragie des crédits pour l'école. (« Pas vous ! » sur les mêmes bancs.)
Après un mauvais budget est paru ce matin un décret d'annulation de crédits.
M. Jean Auclair. Provocateur !
M. Yves Durand. Les choses sont maintenant claires : l'éducation est sacrifiée ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Auclair. Et vous, qu'avez-vous fait ?
M. Yves Durand. Pour certains secteurs, la situation est catastrophique. Par exemple, pour ce qui est des crédits pédagogiques, ce sont plus de 90 % des crédits supplémentaires que vous aviez promis qui sont supprimés.
Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est honteux !
M. Yves Durand. Il y a plus d'annulations de crédits qu'il n'y avait eu d'annonces de gel !
Face à la colère du monde de l'éducation, monsieur le ministre, vous pratiquez un dialogue social qui s'apparente davantage à d'aimables discussions de salon...
M. Lucien Degauchy. Une spécialité de la gauche caviar !
M. Yves Durand. ... qu'à une concertation sérieuse et responsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
S'agissant en particulier de la décentralisation il faut bien noter que votre désinvolture se double de votre duplicité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, aux représentants de toutes les catégories venus vous confier leur inquiétude quant à leur maintien au sein de l'éducation nationale, vous aviez assuré - je vous cite : « Je ne suis pas demandeur, le sujet n'est pas à l'ordre du jour et, de toute façon, rien ne sera fait sans votre avis, sinon votre accord. »
Or c'est par la presse qu'ils ont appris la décision du Premier ministre d'exclure de l'éducation nationale plus de 110 000 d'entre eux !
M. Jean Auclair. Et de ceux qui sont planqués, que faites-vous ?
M. le président. Monsieur Auclair, n'en faites pas trop aujourd'hui !
M. Yves Durand. Alors, monsieur le ministre, ou vous connaissiez les intentions du Premier ministre, et vous avez dupé vos interlocuteurs, ou vous les ignoriez, et c'est votre rôle à la tête de l'éducation nationale qui est en cause. (Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe Union pour un mouvement populaire et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. Monsieur Durand, posez votre question.
M. Yves Durand. Monsieur le ministre, ma question est simple.
M. le président. Posez-la, si elle est simple !
M. Yves Durand. Entre la duplicité et l'inutilité, que choisissez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Jean Auclair. Provocateur !
M. le président. Monsieur Auclair, c'est terminé !
La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le député, s'agissant des manifestations et des grèves, il va de soi que mon ami Xavier Darcos et moi-même nous les écoutons, nous les entendons et nous les comprenons. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Cela dit, entre écouter, comprendre et renoncer à exercer ses responsabilités, il y a une limite que vous me permettrez de ne pas franchir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
J'ajoute que vous aurez beaucoup de mal à expliquer la position qui est la vôtre aujourd'hui. A qui ferez-vous croire sérieusement qu'un système centralisé, qui gère aujourd'hui, si je prends l'ensemble du périmètre de mon ministère du 110 de la rue de Grenelle, près d'un million et demi de personnes ne peut pas bénéficier avec profit d'une petite dose de décentralisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

A qui ferez-vous croire que la participation de nouveaux acteurs - je pense aux collectivités territoriales - ne sera pas bénéfique à notre système éducatif, comme ce fut le cas, d'une façon prodigieuse, dans les années 80 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) A mon avis, à personne ! En tout cas, pas à Pierre Mauroy, qui écrivait le 17 octobre 2000 à Lionel Jospin - je cite : « Après la première vague de décentralisation, la logique implique maintenant que les 95 000 personnels affectés aux tâches d'entretien et de maintenance soient mis à disposition des collectivités territoriales. » (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je poursuis ma citation : « Les collectivités gèrent et entretiennent ces bâtiments, alors que les personnels compétents ne sont pas placés sous leur autorité. Cette situation est incohérente. »
On peut aimer l'incohérence et l'absence de courage, mais ne me demandez pas de cultiver cette absence de vertu sur le plan politique !
Il faut maintenant ouvrir la négociation. J'ai évidemment reçu les partenaires sociaux à plusieurs reprises depuis trois jours, je l'ai fait encore ce matin et je les recevrai de nouveau tout à l'heure.
M. Jérôme Lambert. Les décisions sont déjà prises !
M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Ils savent parfaitement que rien de ce qui touche au service public ne sera abandonné : ni la définition des diplômes nationaux, ni celle des voies de formation, ni le recrutement national des professeurs et des cadres du système éducatif.
Il faut les rassurer, car leur inquiétude est réelle, et je ne la sous-estime pas. C'est pourquoi nous allons les recevoir à nouveau avec mes collègues Xavier Darcos, Patrick Devedjian et Jean-Paul Delevoye. Aucun sujet ne sera tabou, tous seront abordés, y compris, évidemment, la définition, par la loi, et non plus par des circulaires ministérielles, des missions des personnels éducatifs. Cela sera, je pense, un grand progrès, pas seulement pour le service public de l'éducation nationale, mais aussi pour ces derniers. De toute façon, je le rappelle, ils auront le choix entre rester en position de détachement au sein de la fonction publique d'Etat ou intégrer tout de suite la fonction publique territoriale.
La seule raison de ne pas réaliser cette réforme, ce progrès que Pierre Mauroy appelait de ses voeux, serait le manque de courage. Ne comptez pas sur moi pour y céder ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

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Données clés

Auteur : M. Yves Durand

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : État

Ministère interrogé : jeunesse et éducation nationale

Ministère répondant : jeunesse et éducation nationale

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mars 2003

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