Question au Gouvernement n° 556 :
surendettement

12e Législature

Question de : M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - Union pour la Démocratie Française

Question posée en séance, et publiée le 30 avril 2003

SURENDETTEMENT

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe UDF.
M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, vous avez annoncé hier l'intention du Gouvernement de créer une procédure de redressement personnel, à l'instar de ce qui existe en droit local d'Alsace-Moselle. C'est une mesure urgente, économiquement et socialement indispensable quand on connaît la situation du surendettement en France.
La progression du nombre de personnes surendettées est dramatique. Ces Français sont pris dans une spirale infernale : spirale de la peur et de l'humiliation face aux poursuites, spirale de l'échec d'une vie sans perspective, spirale financière où les agios et les pénalités s'ajoutent sans fin aux dettes auxquelles ces familles ne parviennent déjà plus à faire face, les poussant à prendre un crédit pour rembourser les intérêts d'un crédit précédent.
Dans mon département de Seine-Saint-Denis, plusieurs dizaines de milliers de familles se retrouvent ainsi privées de dignité. Leur vie familiale est détruite. Elles se retrouvent hors du circuit économique, ce qui pénalise la croissance, incapables qu'elles sont de consommer, même au quotidien.
Certains créanciers s'émeuvent de cette réforme juste et indispensable, sous prétexte qu'elle aboutira à la déresponsabilisation des emprunteurs. Or ces créanciers sont, dans une grande majorité, premiers responsables de ces situations de surendettement : pour gonfler leur chiffre d'affaires, ils prêtent à tour de bras à des familles dont ils ne regardent même pas la capacité réelle de remboursement. Pire encore : ces familles sont l'objet d'un matraquage publicitaire qui leur fait apparaître le crédit à la consommation comme la seule planche de salut pour régler le problème du mois en cours. Or c'est une planche pourrie qui les précipite dans l'abîme, lorsqu'elles étaient déjà sur la corde raide.
Pour répondre aux inquiétudes avancées par ces créanciers, je vous propose, monsieur le ministre, un moyen simple qui viendrait utilement compléter votre réforme courageuse, qui a été appuyée par le Premier ministre : rendre les organismes de prêt responsables des crédits qu'ils accordent. C'est ce qu'a proposé récemment le groupe UDF du Sénat dans un amendement qui fut, hélas ! repoussé.
Est-il envisagé d'évoluer sur ce sujet, ainsi que sur les tarifications bancaires appliquées aux personnes surendettées, qui n'ont pourtant pas besoin d'être pénalisées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.
M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le député, il est exact qu'un million de familles environ sont dans la spirale du surendettement.
M. Jean-Louis Idiart. L'Etat aussi !
M. Richard Mallié. La faute à qui ?
M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Ce ne sont pas, comme je l'ai entendu dire, des gens irresponsables. Pour la plupart d'entre eux, ce sont des retraités, des travailleurs, des ouvriers, des cadres ou des fonctionnaires qui, en raison d'un accident de la vie - santé, chômage, dépression, éclatement du couple, la femme se retrouvant seule avec deux enfants -, ne peuvent pas « faire le point » et assurer le paiement de la cantine scolaire, du crédit ou du loyer.
Dix mille de ces familles surendettées nous ont écrit. Elles sont de bonne foi. Elles veulent rembourser leurs dettes. Simplement, la spirale infernale des indemnités, des pénalités, des procédures - dix, quinze ou vingt - ou la guerre entre créanciers - qui tentent de passer les uns devant les autres - les met dans des situations impossibles. Ces familles veulent le calme, la paix. Elles veulent qu'après la commission de surendettement, sous autorité de justice, soit élaboré un plan en fonction de leurs possibilités. Quand la grande détresse est là et qu'il n'y a plus rien, elles veulent simplement qu'on constate cette situation.
Le but de ce complément de loi est de reconstruire les familles, de ne pas les laisser aller d'assistance en assistance, de FSL en CCAS, pour rebâtir, retrouver un emploi. C'est d'ailleurs un des meilleurs gages du redémarrage du développement économique de notre pays.
Je le dis tout clair, cette loi n'est ni pour les frimeurs, ni pour les fraudeurs, avec lesquels nous seront intransigeants. Ce n'est pas une loi de l'irresponsabilité. C'est une loi généreuse, transparente, qui protègera aussi le petit créancier face aux grandes machines.
Monsieur le député, j'ai bien compris vos remarques sur les organismes de crédit. Mais évitons de désigner des boucs émissaires et de trop restreindre le crédit, qui est par ailleurs nécessaire aux personnes modestes. C'est un débat d'équilibre qui doit avoir lieu.
Je vous rappelle que cette loi de la deuxième chance qui va donner un espoir à un million de familles dès que vous la voterez avait déjà été votée, sur proposition de Mme Neiertz, par l'Assemblée, en 1997. Je n'ai qu'un regret, c'est qu'on ait attendu cinq ans. Car cinq ans dans la détresse, c'est très long ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique sociale

Ministère interrogé : ville

Ministère répondant : ville

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 avril 2003

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