Question au Gouvernement n° 602 :
réforme

12e Législature

Question de : M. Alain Bocquet
Nord (20e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains

Question posée en séance, et publiée le 14 mai 2003

RÉFORME DES RETRAITES

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.
M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, « ce n'est pas la rue qui gouverne », préveniez-vous la semaine dernière à la télévision.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui ! C'est vrai !
M. le président. Laissez M. Bocquet terminer !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il a fini ! (Sourires.)
M. Alain Bocquet. Certes, mais on a déjà vu la rue contester si fort les choix de certains gouvernements qu'elle les a fait chuter.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ça vous ferait plaisir, n'est-ce pas ?
M. Richard Cazenave. On peut rêver !
M. Alain Bocquet. Aujourd'hui, dans toute la France, le rejet de votre projet de réforme des retraites est massif, puissant et déterminé.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais non !
M. Alain Bocquet. La grève est largement suivie, autant dans le secteur public que dans le privé.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Pas tant que ça !
M. Alain Bocquet. On annonce plus de un million et demi de personnes...
M. Jean-Claude Abrioux. ... selon les organisateurs !
M. Alain Bocquet. ... dans les manifestations qui se déroulent dans plus d'une centaine de villes du pays. Depuis décembre 1995 - cela vous rappelle sans doute quelque chose -, on n'a jamais connu une telle mobilisation du monde du travail, des retraités et des jeunes, face à votre obstination rétrograde : d'après un sondage, 64 % des Françaises et des Français approuvent cette journée d'action.
M. Richard Cazenave. Si c'est un sondage !
M. Alain Bocquet. Les députés communistes et républicains sont naturellement aux côtés de ceux qui refusent le recul social,...
M. Yves Nicolin. Baratin !
M. Alain Bocquet. ... pire, le recul de civilisationqu'initie votre projet. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les salariés n'acceptent pas de travailler plus longtemps aujourd'hui...
M. Edouard Landrain. Et les jeunes ? Et vos enfants ?
M. Alain Bocquet. ... pour gagner moins demain en retraite, tout en étant les cibles privilégiées des licenciements, alors que leurs enfants ou petits-enfants resteront au chômage.
M. Yves Nicolin. Démago !
M. Alain Bocquet. Ils savent que les bénéfices financiers et boursiers des grandes sociétés (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), que l'accumulation des richesses et la spéculation pour les seuls privilégiés de la finance permettent d'envisager une autre réforme des retraites, avec une meilleure répartition et une solidarité plus large si d'autres choix économiques sont faits.
M. Edouard Landrain. Il fallait le faire !
M. Alain Bocquet. Ils veulent leur part du progrès, de l'accroissement de la productivité et des richesses auxquelles ils contribuent. La grande journée de grève et de manifestations de ce mardi n'est qu'un début.
M. le président. Monsieur Bocquet, veuillez poser votre question, M. Nicolin s'impatiente. (Sourires.)
M. Alain Bocquet. J'ai été constamment interrompu, monsieur le président, ce n'est pas acceptable.
M. le président. Vous avez cherché quelques interruptions.
M. Alain Bocquet. Non.
M. le président. Poursuivez, monsieur Bocquet.
M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, retirez donc purement et simplement ce projet dicté par le MEDEF (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), acceptez d'ouvrir le chantier d'une autre réforme plus moderne, plus équitable, plus progressiste, élaborée en accord avec les représentants du monde du travail. Ce n'est pas l'argent qui manque dans notre pays pour sauver les retraites d'aujourd'hui et de demain. Encore faut-il avoir le courage de le prélever là ou il est. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Alain Bocquet. Pas au Premier ministre ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président Bocquet, je suis d'accord avec vous sur un point : il y a un mouvement social important autour des retraites.
Mme Martine David. Vous pouvez le dire !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement le respecte et l'écoute. Mais ma première pensée ira, cet après-midi, à tous ceux qui en ont été les victimes (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qui n'ont pas pu rejoindre leur travail ce matin, faire garder leurs enfants, faire fonctionner leurs entreprises.
M. Alain Bocquet. Démago !
Mme Martine David. C'est facile !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Bien souvent, ceux-là sont les salariés des petites entreprises qui seraient les premières victimes si jamais nous ne faisions pas de réforme des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Nous allons continuer à discuter avec les organisations syndicales, comme nous le faisons depuis plus de trois mois. Nous écoutons les Français qui manifestent, nous écoutons aussi ceux qui ne manifestent pas, qui ne sont pas moins nombreux, et qui expriment néanmoins leur inquiétude sur l'avenir des retraites et souhaitent un effort partagé pour sauver nos régimes de retraite...
M. Pierre Hellier. Absolument, et ils sont nombreux !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui sont aujourd'hui menacés, d'abord, par les évolutions démographiques, mais aussi, il faut bien le dire, par l'immobilisme de ces dernières années.
M. Edouard Landrain. Eh oui !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Les Français souhaitent plus de justice sociale.
Mme Martine David. Pas la vôtre !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Qui peut encore, aujourd'hui, accepter qu'il y ait, face à la retraite, deux catégories de Français : ceux qui cotisent trente-sept ans et demi et ceux qui cotisent quarante ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Si nous sommes ouverts à la discussion sur beaucoup de sujets, il y a un point, monsieur le président, sur lequel nous n'entendons pas revenir, c'est l'harmonisation de la durée de cotisation entre le secteur public et le secteur privé à l'horizon 2008. Cette mesure de justice sociale permettra aux fonctionnaires de conserver intégralement le niveau de leur retraite d'aujourd'hui, à condition de travailler deux ans et demi de plus, soit aussi longtemps que tous les autres Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Edouard Landrain. Très bien !
Mme Martine David. C'est faux ! Mensonges !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il est un autre sujet sur lequel le Gouvernement est décidé à ne pas revenir : c'est celui des régimes spéciaux, dont j'ai vu qu'il suscite de nombreuses manifestations. En effet, ni aujourd'hui ni demain, ceux qui manifestent ne seront concernés par la réforme que nous proposons. Vous conviendrez avec moi que c'est une bonne raison pour ne pas ouvrir ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Edouard Landrain. Bien sûr !

Données clés

Auteur : M. Alain Bocquet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Retraites : généralités

Ministère interrogé : affaires sociales, travail et solidarité

Ministère répondant : affaires sociales, travail et solidarité

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 14 mai 2003

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