Question au Gouvernement n° 604 :
réforme

12e Législature

Question de : M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 14 mai 2003

RÉFORME DES RETRAITES

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, la France est aujourd'hui paralysée et vous en êtes... (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Richard Mallié. Démago !
M. Yves Nicolin. On croit rêver !
M. le président. Je vous en prie, laissez M. Ayrault s'exprimer !
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, vous en êtes le seul responsable. (Mêmes mouvements.)
M. Yves Nicolin. La faute à qui !
M. le président. Continuez, monsieur Ayrault ! M. Nicolin va se taire !
M. Jean-Marc Ayrault. Les millions de Français qui se lèvent ne sont pas contre la réforme, mais contre votre réforme. Ils ne défendent pas des privilèges, comme vous le faites en épargnant la rente, le patrimoine, le portefeuille boursier. Ils veulent préserver leur niveau de pension et la retraite à soixante ans.
M. Yves Nicolin. Qu'avez-vous fait ?
M. Jean-Marc Ayrault. Ils n'opposent pas le public et le privé, comme vous le faites. Ils veulent que chacun puisse cesser son activité dans des conditions décentes.
M. Yves Nicolin. Que proposez-vous ?
M. Jean-Marc Ayrault. Mais ce qu'ils ne supportent plus, c'est que vous les preniez pour des naïfs, en faisant croire que travailler plus longtemps pour gagner une retraite inférieure est un progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Yves Nicolin. Mensonge !
M. Jean-Marc Ayrault. Ils ne supportent plus de constater que les sacrifices que vous exigez pèsent toujours sur les mêmes, les salariés, les retraités, les fonctionnaires, puisque vous refusez de rechercher d'autres financements. Ils ne supportent plus de voir que vous ignorez les métiers pénibles, la précarité, le chômage qui jalonnent une carrière. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Guy Teissier. Arrêtez !
M. Richard Mallié. C'est lamentable !
M. Jean-Marc Ayrault. Ils ne supportent plus que vous demandiez aux jeunes de porter une double charge...
M. Yves Nicolin. C'est nul !
M. Jean-Marc Ayrault. ... celle de financer la retraite de leurs aînés et celle de voir la leur diminuer.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Démago !
M. Jean-Marc Ayrault. Ils ne supportent plus de savoir que vous ne les écoutez pas et que vous ne les comprenez pas.
M. Guy Teissier. Nanti ! Faux cul ! Vous n'êtes pas leur porte-parole !
M. Jean-Marc Ayrault. Cet après-midi, une fois de plus, vous en faites la démonstration. Quand on sait que l'Assemblée nationale, tout à l'heure, par la volonté du Gouvernement et de l'UMP, va débattre non pas des retraites mais de la chasse, il y a de quoi se poser des questions. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Démago !
M. Richard Mallié. La chasse, c'est très important !
M. le président. Calmez-vous ! Laissez M. Ayrault terminer !
M. Jean-Marc Ayrault. Ce n'est pas facile, monsieur le président.
Monsieur le Premier ministre, ce qui s'exprime aujourd'hui, ce n'est pas « la rue », comme vous le dites avec mépris, c'est le peuple de France. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Robert Lecou. Démago !
M. Jean-Marc Ayrault. Oui, le peuple de France refuse que votre réforme brise une certaine idée de la solidarité et du pacte entre les générations. Comme en 1995, monsieur le Premier ministre, il n'y aura pas de consensus sur le recul social comme vous le proposez.
M. Yves Nicolin. Jospin, au secours !
M. Thierry Mariani. Qu'est-ce que vous avez fait, pendant cinq ans ? Rien !
M. le président. Monsieur Mariani !
M. Jean-Marc Ayrault. Vous pouvez, comme Alain Juppé, dire que ceux qui sont en grève ont tort et que les victimes sont les salariés usagers des services publics. Vous pouvez, monsieur le Premier ministre, passer en force en vous faisant applaudir, comme M. Juppé en 1995, par une écrasante majorité...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ayrault, zéro !
M. Jean-Marc Ayrault. Je me souviens de cette majorité, debout dans l'hémicycle, acclamant M. Juppé. Si vous tombez dans ce piège, votre propre piège, vous aggraverez la fracture, car les Français ne demandent pas un petit marchandage, une concession ou un ajout : ils veulent une autre réforme, une vraie réforme. Etes-vous prêts à les écouter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous allons écouter dans le calme, chers collègues, la réponse de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Mme Martine David. Il fallait demander le silence avant !
M. le président. Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, comme je viens de l'indiquer à deux reprises, le Gouvernement est ouvert à la discussion, avec les partenaires sociaux comme avec vous-mêmes.
M. Maxime Gremetz. On le voit !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais, contrairement à ce que vous venez de dire, monsieur Ayrault, il n'y a pas d'alternative à la réforme que nous proposons.
M. François Liberti et M. Pascal Terrasse. Si !
M. Richard Mallié. Alors pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il n'y a pas d'autre solution qu'un effort partagé et équitable, réparti entre tous les Français, pour se préparer de manière responsable au retournement démographique qui pèse sur le financement des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Mme Martine David. Vous appliquez la réforme du MEDEF !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Et vous le savez bien, monsieur Ayrault, car, avant 2002, M. Jospin, M. Hollande, M. Fabius, Mme Guigou, M. Rocard...
Mme Martine David. Et M. Juppé ? Et M. Balladur ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... ont défendu tour à tour - je tiens les documents à votre disposition - l'allongement de la durée de cotisation pour financer les régimes des retraites,...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. Eh oui !
M. Jacques Myard. Ils ont capitulé !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... ainsi que l'harmonisation entre le public et le privé.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. Eh oui !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La majorité que vous représentiez alors a mis en application, pendant cinq ans, la réforme d'Edouard Balladur, tandis qu'elle avait abrogé la loi Thomas sur les pensions. Vous avez donc assumé la responsabilité qui avait été prise par le gouvernement précédent et qui a effectivement conduit à une baisse du taux de remplacement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Pierre Hellier. Absolument !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette même majorité a créé le Conseil d'orientation des retraites - excellente initiative, d'ailleurs, dont je vous félicite -, dont les conclusions sont exactement celles dont s'inspire aujourd'hui le Gouvernement pour proposer sa réforme des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Monsieur Ayrault, à l'époque, vous aviez raison,...
M. Maxime Gremetz. Non, ils avaient tort !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... car il n'y a pas d'alternative à cette réforme.
D'ailleurs, quelles sont les propositions qui sont faites ?
M. Pascal Terrasse. Nous vous les présenterons !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il y avait, d'abord, l'alternative de la capitalisation, qui n'est pas le choix que nous avons fait...
Mme Martine David. Mais si, bien sûr que si !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et qui, aujourd'hui, est impraticable, car il faudrait sacrifier deux générations pour faire monter en pression un tel système.
Il y a ensuite la proposition de la retraite par points, moyen habile de dissimuler en réalité un système permettant de baisser de manière drastique le niveau des pensions,...
M. Bernard Accoyer. Tout à fait !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... en fixant chaque année la valeur du point, comme le font d'ailleurs les partenaires sociaux dans la gestion des régimes complémentaires.
Il y a enfin la fameuse solution de l'élargissement de l'assiette des cotisations (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), et ceux qui veulent taxer les bénéfices non-réinvestis des entreprises. (« Oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Monsieur Ayrault, outre le fait que ce serait irresponsable par rapport à la situation de l'économie et de l'emploi de notre pays, quelle serait la sécurité d'un système de retraite qui serait fondé sur des recettes aussi fluctuantes et aussi mobiles que les bénéfices des entreprises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Monsieur Ayrault, je crois que, pour le parti socialiste, il n'est pas trop tard, pour revenir à un peu plus de cohérence sur cette question des retraites, voire à un peu plus de décence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Richard Cazenave. Ayrault, zéro !

Données clés

Auteur : M. Jean-Marc Ayrault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Retraites : généralités

Ministère interrogé : affaires sociales, travail et solidarité

Ministère répondant : affaires sociales, travail et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 mai 2003

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