Question au Gouvernement n° 626 :
décentralisation

12e Législature

Question de : M. Yves Durand
Nord (11e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 21 mai 2003

GRÈVES À L'ÉDUCATION NATIONALE

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.
M. Yves Durand. Monsieur le Premier ministre, c'est à vous que je souhaite poser ma question puisque vous avez été contraint, en urgence, de suppléer votre ministre de l'éducation nationale (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), incapable d'établir un véritable dialogue avec les personnels dont il a la responsabilité.
Votre gouvernement est à l'origine de la grave crise de confiance que les personnels de l'éducation nationale vivent en ce moment. (Protestations sur les mêmes bancs.) C'est le double langage permanent de votre gouvernement (Même mouvement), notamment de votre ministre de l'éducation nationale, qui les plonge aujourd'hui dans le désarroi, la révolte et les contraint à l'action. Car ils en ont assez des proclamations systématiquement démenties par les faits.
M. Jean-Claude Abrioux. Nous aussi !
M. Yves Durand. Vous ne cessez de clamer que l'éducation doit être la priorité de la nation. Mais ses crédits subissent une véritable saignée...
M. Jean Marsaudon. C'est faux !
M. Yves Durand. ... que viennent encore aggraver les dernières annulations budgétaires, l'annonce du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, la suppression de plus de trente mille postes de jeunes adultes dans les collèges et les lycées et la remise en cause des retraites des fonctionnaires.
Vous proclamez la main sur le coeur votre attachement à l'école et à ceux qui la servent mais, au détour d'un déplacement en province, vous excluez de l'éducation nationale 110 000 de ses agents. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce que vous disent aujourd'hui les enseignants, soutenus par de nombreux parents,...
M. Jean Marsaudon. FCPE !
M. Yves Durand. ... c'est qu'ils ne vous croient plus parce qu'ils savent bien que cette décision prise d'en haut, sans aucune concertation, n'a rien à voir avec la décentralisation.
M. Charles Cova. La question !
M. Yves Durand. Ils savent bien que, derrière ce mot que vous dévoyez, vous préparez en fait le démantèlement du service public de l'éducation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés-e-s communistes et républicains), comme vous vous apprêtez à le faire pour la santé et pour la protection sociale.
Ce que vous demandent tous ceux qui aiment vraiment l'école, ce n'est pas un comité interministériel ou une vague réunion décidée à la hâte, encore moins des menaces ou des intimidations.
M. le président. Monsieur Durand, posez votre question !
M. Yves Durand. Ce qu'ils vous demandent, et nous avec eux, c'est, pour ramener la sérénité, de retirer immédiatement votre projet de décentralisation (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), prétexte au démantèlement du service public d'éducation.
Monsieur le Premier ministre, vous pouvez en faire l'annonce ici, devant nous (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : la représentation nationale attend votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. Luc Ferry. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française. - De nombreux députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et continuent d'applaudir.)
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Merci !
Monsieur le député, vous avez choisi la polémique ; je me permettrai, par égard pour tous ceux qui nous écoutent, de vous répondre sur le fond.
Enseignant moi-même, j'ai commencé ma carrière au lycée des Mureaux et je sais parfaitement quel est le malaise des enseignants aujourd'hui. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je sais à quel point leur métier a changé en trente ans et à quel point, dans certains établissements, il est devenu difficile.
Voilà pourquoi nous avons, avec le Premier ministre, décidé de rouvrir la concertation avec les syndicats (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) et de les recevoir toute cette semaine pour préparer un comité interministériel qui aura lieu le 27 mai.
M. Alain Néri. Quel aveu !
Mme Martine David. La rue parle !
M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Sur le fond, j'aimerais vous dire, si vous le permettez, le sentiment que j'ai : nous donnons ensemble une image désastreuse de l'éducation nationale (Protestations sur les bancs du groupe socialiste - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vous !
M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... l'image d'un système qui est incapable de se réformer lui-même. A tort ou à raison - je ne veux pas polémiquer -, il y a, dans une large partie de l'opinion publique, d'un côté, le sentiment que les syndicats sont arc-boutés contre toute espèce de réforme, qu'ils sont dans l'immobilisme et le corporatisme (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et, de l'autre côté, le sentiment que les ministres, de grèves en manifestations, de manifestations en conflits sociaux, sont obligés de choisir soit de retirer leur réforme,...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Non !
Plusieurs députés du groupe socialiste. Oui !
M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... soit de la maintenir au risque du blocage. Voilà ce que je veux éviter, voilà pourquoi nous ouvrons la concertation.
J'ajouterai que si les enseignants, aujourd'hui, sont malheureux, c'est parce que, pendant des années, vous avez nié la réalité de l'illettrisme (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), parce que, pendant des années, vous avez nié la réalité de la violence dans les établissements, parce que, pendant des années, vous avez nié les problèmes posés aux enseignants par le collège unique. (« Nul ! Zéro ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Voilà pourquoi il faut ouvrir la négociation, mais il ne faut pas retirer les réformes. Ne comptez pas sur moi pour le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Yves Durand

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : État

Ministère interrogé : jeunesse et éducation nationale

Ministère répondant : jeunesse et éducation nationale

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mai 2003

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