perspectives
Question de :
M. Jacques Floch
Loire-Atlantique (4e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 5 juin 2003
LA FRANCE, L'EUROPE ET LE MONDE
M. le président. La parole est à M. Jacques Floch, pour le groupe socialiste.
M. Jacques Floch. Monsieur le Premier ministre, deux événements internationaux vont avoir de graves conséquences pour l'avenir de la France et de l'Europe.
Il s'agit d'abord de la réunion du G 8 à Evian, dont on a du mal à tirer quelques conclusions positives. On ne sait si la France est allée à Canossa ou si, en matière de paix et de sécurité, elle a su défendre et maintenir l'honorable position qu'ensemble nous avons ici soutenue.
Mais on sait que les pays les plus riches n'ont pas encore compris la nécessaire solidarité avec les pays en voie de développement. Par exemple, l'acquis obtenu lors de la réunion de l'OMC à Doha en 2001, lequel devait assurer la primauté du droit de la santé sur le droit du commerce, a disparu à Evian. Monsieur le Premier ministre, infirmerez-vous ou confirmerez-vous cette désastreuse décision ?
Il s'agit ensuite de la Convention sur l'avenir de l'Europe, qui patine, c'est le moins que l'on puisse dire. Actuellement, tous ceux qui veulent revenir en arrière font feu de tout bois, ils interdisent tout progrès. Pour eux, l'Europe n'est qu'un vaste marché, proie facile d'un capitalisme débridé.
Je rappelle qu'il est déjà plus facile de faire circuler à travers l'Europe des capitaux et des marchandises que des femmes ou des hommes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le Premier ministre, la France doit faire partie des volontaires du progrès. Elle doit être prête à dire, à proposer, à exiger qu'une politique économique forte s'équilibre avec une politique sociale avancée.
M. Pierre Lellouche. Creux !
M. Jacques Floch. La France doit être prête à dire, à proposer, à exiger qu'une politique de plein emploi soit un des objectifs majeurs de la Banque centrale européenne.
La France doit être prête à dire, à proposer, à exiger la reconnaissance des services publics, leur égal accès, leur continuité et leur universalité. (« C'est trop long ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
La France doit être prête à dire, à proposer, à exiger que la charte des droits fondamentaux soit introduite dans le traité constitutionnel comme élément du droit européen et non comme une simple recommandation. (« C'est trop long ! » sur les mêmes bancs.)
Monsieur le Premier ministre, il y a, pour la France, urgence à se montrer ferme et déterminée à quelques jours de l'échéance où tout peut arriver, le meilleur comme le pire.
A quoi êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, à la partie de votre question qui touche au G 8, je réponds que Canossa n'est pas français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Christian Paul. Quel talent !
M. Jean Glavany. C'est mieux que du Raffarin !
M. le ministre des affaires étrangères. Notre message est donc un message d'unité et de confiance. La France - et c'est sa responsabilité depuis plusieurs années - a mis le Sud, l'Afrique, au coeur de ses préoccupations. C'est elle qui, à Evian, a fait en sorte, une fois de plus, que les problèmes du Sud soient évoqués avant les problèmes du monde et que l'ensemble des grands responsables soient amenés à prendre leurs responsabilités. C'est un point de départ, le début d'un long chemin que nous voulons poursuivre.
La Convention quant à elle entame sa dernière ligne droite. Vous le savez, le débat est aujourd'hui engagé entre ceux qui privilégient le statu quo et ceux qui veulent relever le grand défi de l'Europe. Le Présidium a fait sur le plan institutionnel des propositions importantes que la France soutient : une présidence stable du Conseil européen, une Commission à la fois plus ramassée et plus collégiale, un ministre des affaires étrangères qui permette à l'Europe de parler d'une seule voix, l'extension de la majorité qualifiée dans la prise de décision, la pleine prise de responsabilités en matière économique et sociale, comme vous l'avez évoqué.
Bien entendu, nous souhaitons davantage de garanties en ce qui concerne la diversité culturelle et la prise en compte des besoins de nos agriculteurs. Mais je le redis avec force : nous voulons défendre une grande ambition pour l'Europe, dépassant les clivages entre les petits et les grands, entre la nouvelle et l'ancienne Europe.
Il y a aujourd'hui un vrai risque de blocage. Il reste deux semaines pour aboutir. La France veut multiplier les contacts et les initiatives avec l'Allemagne, avec l'ensemble de ses partenaires, pour réussir la métamorphose d'une Europe à quinze en une Europe à vingt-cinq et pour que l'Europe puisse assumer tout son rôle sur la scène mondiale.
Le mouvement s'est amorcé avec la relève de l'OTAN par l'Union européenne en Macédoine ; avec l'engagement courageux de la France au Congo, dans le cadre d'une opération de l'Union européenne - dans ce pays où le conflit a fait 50 000 morts depuis 1999, qui compte 500 000 personnes déplacées, la France et l'Europe répondent présentes. Au Proche-Orient enfin où nous ne manquons pas d'atouts, nous voulons faire en sorte de prendre toutes nos responsabilités, en liaison avec le réengagement européen.
En d'autres termes, le défi européen est effectivement à un tournant. Nous apporterons nos réponses, nos propositions, et nous ferons en sorte que les Français, comme les Européens, sortent victorieux de ce combat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. Jacques Floch
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Union européenne
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 5 juin 2003