Question au Gouvernement n° 70 :
décentralisation

12e Législature

Question de : M. Victorin Lurel
Guadeloupe (4e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 17 octobre 2002

DÉCENTRALISATION ET SOLIDARITÉ

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour le groupe socialiste.
M. Victorin Lurel. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué aux libertés locales. Nous venons d'entendre M. le Premier ministre affirmer, ici, dans cette enceinte, sa volonté de conduire un projet « ambitieux » en matière de décentralisation. Mais cela commence bien mal ! Le budget 2003 sera très dur pour les collectivités locales, et donc pour les Français.
La dotation globale de fonctionnement augmente moins vite que l'inflation,...
M. François Goulard. Ce n'est pas vrai !
M. Victorin Lurel. ... le fonds de péréquation baisse, dramatiquement, de 18 %. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), les dotations de solidarité urbaine et de solidarité rurale ne demeurent stables que grâce à des tours de passe-passe budgétaires, la dotation intercommunalité connaît une baisse importante pour de nombreuses communautés (Exclamations sur les mêmes bancs), la dotation de compensation de la taxe professionnelle est elle aussi en baisse de 5,16 %.
Mme Ségolène Royal. Eh oui !
M. Victorin Lurel. A cela s'ajoutent l'augmentation pour trois ans, et sans concertation aucune, des cotisations patronales des collectivités territoriales à la CNRACL, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la baisse de budgets pourtant fondamentaux pour les collectivités locales, comme celui du logement, de la ville, mais également la baisse importante des contrats aidés, ainsi que la suppression des emplois-jeunes, suppression particulièrement dramatique pour les jeunes, notamment dans l'outre-mer.
M. Richard Mallié. Quelle est la question ?
M. le président. Elle va arriver.
M. Victorin Lurel. Jacques Chirac, dans son discours de Troyes, affirmait : « La solidarité nationale devra continuer de s'exercer entre les territoires, à travers une équation financière entre les collectivités locales. »
M. Roland Chassain. La question !
M. Victorin Lurel. Mais de quelle équation financière s'agit-il ? Celle qui tire les territoires vers le bas, en les laissant assumer seuls les compétences dont l'Etat se déleste ! Celle qui préfère baisser les impôts nationaux pour les plus riches, et provoque une hausse spectaculaire des impôts locaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) L'équation financière qui est proposée, c'est en vérité la baisse des ressources, les charges nouvelles, l'accroissement massif des inégalités, la hausse des impôts locaux, et la décentralisation des déficits.
M. Philippe Briand. La question !
M. le président. Monsieur Briand, laissez parler votre collègue.
M. Victorin Lurel. Ma question est donc simple : comment comptez-vous faire pour que l'Etat assure ses missions et garantisse l'égalité entre les citoyens et entre les territoires ?
M. le président. Merci, cher collègue.
M. Victorin Lurel. En un mot, comment comptez-vous faire pour que la décentralisation soit républicaine et solidaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et entre du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Lurel, je vous le dis sans passion, vos chiffres sont inexacts. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Ségolène Royal. Ce sont les chiffres officiels !
M. le ministre délégué aux libertés locales. L'augmentation de la dotation globale de fonctionnement est très nettement supérieure à l'inflation, puisqu'elle sera de 2,3 % alors que l'inflation se situera entre 1,2 % et 1,5 % suivant les estimations.
Quant au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, il ne baisse pas de 18 %. Mais je ne vous en veux pas, la tuyauterie des finances locales est suffisamment compliquée pour qu'on s'y perde. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Albert Facon. C'est vous qui dites ça ?
M. le ministre délégué aux libertés locales. Sans doute, monsieur Lurel, voulez-vous parler de la dotation de majoration du fonds national de péréquation, ce qui n'est pas le fonds lui-même. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Augustin Bonrepaux. C'est le résultat qui compte !
M. le ministre délégué aux libertés locales. J'y viens, si du moins vous me laissez une petite chance de m'exprimer. En réalité, même cette dotation de majoration ne baissera pas, car l'année dernière elle avait fait l'objet d'un abondement exceptionnel par le gouvernement Jospin (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) et la commission des finances de l'Assemblée nationale a proposé de reconduire purement et simplement cette mesure. Par conséquent, le fonds national de péréquation sera stable.
Il en est de même, si vous me le permettez, pour ce qui concerne la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale. Le Gouvernement fait la même chose que le gouvernement Jospin précédemment. (Exclamations sur les même bancs.)
M. Augustin Bonrepaux. Ça, ce n'est pas vrai !
M. le ministre délégué aux libertés locales. Ce qui était vérité avec M. Jospin ne devient pas erreur avec M. Raffarin.
De même, en ce qui concerne la CNRACL, la politique du Gouvernement consiste à atteindre un parfait équilibre entre l'effort des employeurs, celui des collectivités locales et celui de l'Etat. Or, nous avons hérité d'un déficit de la CNRACL, qu'il faut bien combler d'une manière ou d'une autre.
Voyez-vous, monsieur le député, la décentralisation est une chose trop sérieuse pour qu'elle fasse l'objet de vaines polémiques, comme celles auxquelles on se livre trop souvent. Le Premier ministre vous a dit tout à l'heure avec beaucoup de loyauté et d'honnêteté intellectuelle...
M. le président. Monsieur le ministre...
M. le ministre délégué aux libertés locales. ... que la décentralisation décidée par Gaston Defferre a été une bonne chose.
M. Alain Néri. Vous ne l'aviez pas votée !
M. le ministre délégué aux libertés locales. Oui, nous avons voté contre et nous avons eu tort,...
M. le président. Monsieur le ministre, vous avez répondu. Ne nous lançons pas dans une polémique.
M. le ministre délégué aux libertés locales. ... comme vous avez eu tort de voter contre la décentralisation proposée par le général de Gaulle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

Données clés

Auteur : M. Victorin Lurel

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : État

Ministère interrogé : libertés locales

Ministère répondant : libertés locales

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 octobre 2002

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