jugements
Question de :
M. Patrick Lemasle
Haute-Garonne (7e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 25 juin 2003
ARRESTATION DE JOSÉ BOVÉ
M. le président. La parole est à M. Patrick Lemasle, pour le groupe socialiste.
M. Patrick Lemasle. Monsieur le président, mon collègue Kléber Mesquida s'associe à ma question.
Monsieur le Premier ministre, vous avez beau déclarer que vous avez la volonté d'apaiser le climat social, vous venez de vous livrer à une véritable provocation. Dimanche matin, à l'aube (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française), les grands moyens ont été déployés : hélicoptère, escadron de gendarmerie, chiens policiers, portes défoncées. Pour arrêter qui ? Un terroriste ? Un bandit de grand chemin ?
Plusieurs députés du groupe Union pour un mouvement populaire. Oui !
M. Richard Mallié. Un délinquant !
M. Patrick Lemasle. Non. Tout simplement un syndicaliste agricole, connu et reconnu internationalement.
José Bové est condamné pour des actes commis collectivement dans un cadre syndical et sans violence envers les personnes. Monsieur le Premier ministre, on a vu justice plus clémente pour des actes autrement plus graves perpétrés par d'autres organisations agricoles :...
M. Jacques Desallangre. Tout à fait !
M. Noël Mamère. Et la FNSEA ?
M. Patrick Lemasle. ... destruction de biens publics et même saccage de bureaux ministériels. Rappelez-vous.
Pour des actes répréhensibles, d'autres peines que la prison existent.
M. François Goulard. La séparation des pouvoirs, vous connaissez ?
M. Patrick Lemasle. José Bové et ses amis mènent un combat qui ne menace pas nos concitoyens mais qui pose, fût-ce de façon contestable, les problèmes des expérimentations d'OGM et le rôle de la recherche publique.
Depuis plusieurs mois, la chancellerie et la présidence de la République sont saisies de demandes de grâce présidentielle. Pourquoi celle-ci n'est-elle pas intervenue ? Cela aurait évité cette pitoyable comédie où vous jouez la force et l'ordre pour complaire à la partie la plus à droite de votre électorat (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), tout en laissant penser aux autres citoyens que la mansuétude du Président de la République pourrait éventuellement s'exercer.
M. Guy Teissier. Pitoyable !
M. Patrick Lemasle. Il n'est pas trop tard pour vous ressaisir, monsieur le ministre (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), afin de donner une autre image de notre pays. Laissez vivre la démocratie et faites libérer José Bové ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, permettez-moi une citation : « Les Français ne comprennent pas que des choses interdites puissent se faire sans que personne n'y fasse rien. »
M. François Hollande. Vous pensez à qui ?
M. le garde des sceaux. C'est Jean Glavany qui parlait ainsi, le 1er septembre 2001. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Jean Glavany. Je parlais de Chirac !
M. le garde des sceaux. Monsieur le député, c'est bien de cela qu'il s'agit.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Chirac !
M. le garde des sceaux. J'ai répondu à M. Lefort en expliquant clairement que M. José Bové avait récidivé, qu'il avait absolument refusé de collaborer avec la justice...
M. François Hollande. Comme Chirac !
M. le garde des sceaux. ... et de se rendre à la convocation du juge de l'application des peines. Il est aujourd'hui en prison : il faut qu'il se demande s'il n'en est pas lui-même responsable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Les raisons de la condamnation relèvent d'une décision de justice, monsieur le député, indépendante, je me permets de le rappeler, du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Mon rôle est d'exécuter les décisions de justice...
M. François Hollande. Avec quels moyens ?
M. le garde des sceaux. ... et je les exécuterai.
Pour ce qui est du jour et de l'heure auxquels cette arrestation a eu lieu, je vous demanderai, monsieur le député, à quoi nous jouons aujourd'hui. Je vous conseille, à ce propos, la lecture de l'article du Figaro de samedi matin dans lequel M. Bové annonçait lui-même très clairement que ses amis s'opposeraient à son transfert en prison.
M. François Hollande. C'est en lisant Le Figaro que vous prenez vos décisions ?
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ces poursuites ont été engagées sous la gauche !
M. le garde des sceaux. Bien sûr, il ne s'attendait pas à ce qu'on vienne l'arrêter vingt-quatre heures plus tôt, mais c'est pourtant ce que nous avons fait. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. Patrick Lemasle
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 juin 2003