Russie
Question de :
M. Pierre Bourguignon
Seine-Maritime (3e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 9 octobre 2003
TCHÉTCHÉNIE
M. le président. La parole est à M. Pierre Bourguignon, pour le groupe socialiste.
M. Pierre Bourguignon. Même à Moscou pour affaires, on ne peut oublier que la défense des droits de l'homme dépasse les frontières de l'Union européenne, surtout quand on est en Russie, pays membre du Conseil de l'Europe. Or, de Moscou, M. le Premier ministre a fait la leçon aux Français en déclarant qu'ils ne travaillaient pas assez et que les 35 heures étaient un grand malheur ! (« C'est vrai ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le Premier ministre nous a même rappelé hier que, à Moscou, il était surtout préoccupé par les marchés des entreprises. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pour le reste, monsieur le Premier ministre, vous avez souligné la stabilité politique en Russie et vous avez botté en touche sur ce qui continue de se dérouler en Tchétchénie. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Yves Fromion. Vous, vous étiez communiste autrefois !
M. Pierre Bourguignon. Pas un mot sur les atrocités commises dans la région ; pas un mot sur la mascarade des élections présidentielles qui venaient de s'y dérouler. Face aux questions répétées de la presse sur ce sujet, vous vous êtes réfugié derrière un communiqué vieux de dix jours, rédigé par la présidence italienne de l'Union européenne, qui se disait « préoccupée » par les risques d'élection faussée en Tchétchénie.
En tant qu'Européen, en tant que représentant éminent de la France, nous aurions aimé vous entendre...
M. Pierre Lellouche. On n'a pas entendu Jospin !
M. Pierre Bourguignon. ... à propos de ces élections inacceptables et antidémocratiques qui ont porté au pouvoir Akhmad Kadyrov, l'homme de Moscou, plus connu pour ses exactions contre la population tchétchène et les opposants à son pouvoir que pour son intégrité morale et ses vertus démocratiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Les nécessités économiques et diplomatiques ne vous empêchaient pas de rappeler à Vladimir Poutine que la France souhaite une solution politique, dans le respect du droit et en protégeant les populations civiles.
M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !
M. Pierre Bourguignon. Etait-ce le voyage d'un Premier ministre de la France ou le déplacement d'un commis voyageur ? (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
En tout cas, ce voyage aura été celui de la honte pour nous tous ! (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Expliquez-vous, monsieur le Premier ministre ! Expliquez-nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations puis huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, croyez-vous que vous grandissez la fonction parlementaire en caricaturant la réalité de la sorte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Etiez-vous à mes côtés quand j'ai eu, une heure durant, M. Poutine en face de moi ? En tout cas je vous remercie de me donner l'occasion de dire la vérité, seule façon de répondre à des caricatures mesquines et partisanes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vous sais, monsieur le député, suffisamment attentif aux classes populaires...
Mme Martine David. Contrairement à vous !
M. le Premier ministre. ... pour ne mépriser ni les commis ni les voyageurs, qui, dans ce pays, ont autant besoin de respect que les autres (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), Monseigneur ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. S'il vous plaît, arrêtez !
M. le Premier ministre. Quand je représente les intérêts de la France en compagnie de dirigeants d'entreprises françaises, ceux qui font la qualité France, qui se battent pour les travailleurs de France et pour l'emploi en France, j'ai l'impression d'assumer mon devoir et je m'y donne autant que je le peux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Et je ne me laisserai pas faire par ceux qui n'ont une vision des problèmes internationaux que mondaine et bien loin des réalités qui concernent la France et les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Martine David. Et la Tchéchénie ?
M. le Premier ministre. En ce qui concerne la Tchétchénie (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), personne ne peut être indifférent au drame qu'elle vit. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. François Hollande. Qui est responsable ?
M. le Premier ministre. Personne ne peut être indifférent aux violences exercées contre des femmes, contre des enfants...
Mme Martine David. Bla-bla-bla !
M. le Premier ministre. ... violences aveugles dans un terreau où se développe le terrorisme.
Nous sommes tous conscients, ici, de cette réalité qui porte atteinte aux droits de l'homme. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. François Hollande. La faute à qui ?
M. le Premier ministre. Reçu plus d'une heure durant par M. Poutine, je lui ai donc fait part avec détermination des convictions de la France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) d'abord en soulignant qu'il ne saurait y avoir d'autre solution au problème tchétchène que politique à l'issue d'un processus.
Mme Martine David. Bla-bla-bla !
M. le Premier ministre. J'ai rappelé l'existence d'une constitution et la nécessité d'organiser des élections démocratiques tant pour les représentants régionaux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) que pour les parlementaires !
J'ai aussi rappelé les engagements du 16 mars auxquels nous sommes attachés car ils sont, pour nous, la seule façon de réconcilier l'ensemble des territoires de la Fédération de Russie...
Mme Martine David. Rien de tout cela n'a été publié !
M. le Premier ministre. ... dans le respect des droits de l'homme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Je l'ai dit avec la force qui est la nôtre, celle de la France qui s'est engagée.
Je lui ai dit aussi, avec attachement, en lui demandant très précisément que les organisations non gouvernementales - les ONG - et la presse puissent avoir accès au pays.
Un député du groupe socialiste. Qu'a répondu Poutine ?
M. le Premier ministre. Je lui ai demandé que les débats sur ce projet politique puissent être démocratiquement ouverts...
Mme Martine David. On en voit le résultat !
M. le Premier ministre. ... et que les représentants internationaux puissent assister à l'ensemble de ces processus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Enfin, je lui ai exposé clairement les positions de l'Union européenne...
Mme Martine David. Rien n'a été publié !
M. le Premier ministre. ... en lui expliquant que la France y avait adhéré pour faire respecter nos convictions et les processus démocratiques.
Je reste attaché aux droits de l'homme. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous sommes engagés pour veiller à ce que le droit s'impose dans le monde.
N'oublions pas que vous avez soutenu notre démarche quand nous avons défendu aux Nations unies le droit et la paix. Et le président Poutine, dans ce combat, était à côté de vous !
N'oublions pas que vous avez défilé pour la paix...
M. François Loncle. C'est un naufrage !
M. le Premier ministre. ... parce qu'il nous faut un droit international ! La France, c'est son honneur, défend ce droit ! Je l'ai fait de toute ma force ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Je regrette que l'opposition, aujourd'hui, cherche, sur ce terrain, les messages qu'elle ne trouve pas ailleurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) La Russie et la France sont deux nations amies qui se sont quelquefois retrouvées pour le bien de leurs peuples, ce qui nous permet aujourd'hui de nous parler en toute franchise !
Mme Martine David. Pourquoi tout cela n'a-t-il pas été rendu public ?
M. le Premier ministre. C'est ce que j'ai fait ! Cela me permet d'affirmer que je défends l'honneur de la France et ses valeurs, monsieur le député ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Pierre Bourguignon
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 octobre 2003