lutte contre l'exclusion
Question de :
Mme Janine Jambu
Hauts-de-Seine (11e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Question posée en séance, et publiée le 16 octobre 2003
MISÈRE
M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
Mme Janine Jambu. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, après-demain, le 17 octobre, de très nombreuses initiatives de solidarité auront lieu dans le cadre de la Journée mondiale du refus de la misère. Dans notre pays, la misère est de plus en plus présente et prégnante. Elle a le visage des cinq millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, des trois millions de chômeurs, des deux millions de personnes vivant du RMI.
M. Thierry Mariani. Vingt ans de socialisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Mariani, on n'entend que vous !
Mme Janine Jambu. Comme l'expriment si fortement les témoignages recueillis par ATD Quart-Monde, leur quotidien, c'est le recours à l'aide alimentaire, le mal-logement, les difficultés d'accès aux soins, l'illettrisme parfois, le mal-vivre et l'incertitude du lendemain toujours. Les plans sociaux, les délocalisations, la déréglementation impulsée par le MEDEF (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), relayée par le Gouvernement et la majorité, le démantèlement systématique des mécanismes de solidarité - retraites, sécurité sociale, droit du travail - auquel vous vous livrez sont directement responsables de l'extension de la précarité dans notre pays.
Quelles réponses avez-vous choisi d'apporter, ces derniers mois, aux privés d'emploi, aux plus démunis ? La suppression de l'allocation de solidarité spécifique, qui plongera les chômeurs de longue durée dans le plus total dénuement, la caution fournie à l'accord UNEDIC, qui va diminuer, voire supprimer les droits à indemnisation de 850 000 chômeurs, et la mise en place, avec le revenu minimum d'activité, d'un véritable sous-salariat sans droits. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous le disons avec gravité : la fracture sociale, si chère au Président et si galvaudée, est devenue un gouffre béant entre les riches et les pauvres. Les orientations fiscales et budgétaires dont nous débattons depuis hier l'élargissent encore. (« La question ! La question ! » sur les mêmes bancs.)
M. le président. Mes chers collègues, ces exclamations ne servent à rien ! Laissez Mme Jambu terminer !
Mais posez votre question, madame.
Mme Janine Jambu. Pourtant, d'autres choix sont possibles, pourvu qu'existe la volonté politique de taxer la spéculation, de contrôler les fonds publics, de mettre à contribution les revenus financiers (« La question ! » sur les mêmes bancs.). C'est en ce sens, parce que la résignation nous est insupportable (« La question ! » sur les mêmes bancs)...
M. François Goulard. On en a pour une heure, monsieur le président !
Mme Janine Jambu. ... que nous agissons dans cet hémicycle et dans le pays, avec toutes celles et tous ceux qui se mobilisent pour refuser la misère.
Je pose ma question... (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Merci, madame Jambu. Reconnaissez que vous ne me facilitez pas la tâche !
Mme Janine Jambu. Monsieur le ministre, allez-vous entendre leurs attentes et leurs signaux de détresse et engager une politique en leur faveur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Maxime Gremetz. Ils ne savent pas ce que c'est que la misère, les barons !
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, Mme Jambu a raison de dénoncer, à la veille de la Journée mondiale de refus de la misère, la montée de la pauvreté. Comme tous les acteurs de terrain, comme Dominique Versini, elle sait que, depuis le début des années 80, le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté n'a cessé d'augmenter dans notre pays. Comme tous les acteurs de terrain, elle sait que la loi de lutte contre l'exclusion de 1998, qui est en cours d'évaluation, a besoin d'être largement améliorée, notamment dans ses modalités d'application. Elle sait également que les slogans ne sont pas à la hauteur d'un enjeu complexe et douloureux.
Le Gouvernement, madame Jambu, est engagé dans la lutte contre l'exclusion. Mme Versini (« Qui est-ce ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) a présenté, au printemps, un programme de renforcement de la lutte contre l'exclusion conçu autour de trois objectifs : l'amélioration de l'accès au droit et à la citoyenneté, de l'accès au logement, de l'accès aux soins.
Un chiffre illustre la volonté du Gouvernement : les crédits consacrés aux situations d'urgence ont progressé de 210 millions d'euros entre 2002 et 2003. Voilà la réalité !
M. Bernard Roman. C'est faux !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ajoute que nous avons payé toutes les dettes de l'Etat vis-à-vis des associations, dettes dont certaines étaient bien antérieures à deux ou trois ans.
M. Bernard Roman. Nous reposerons la question la semaine prochaine !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cela étant, la lutte contre l'exclusion ne peut être uniquement défensive. Il faut aussi agir en amont. Il faut également faire confiance aux capacités des individus à se réinsérer.
L'ASS, madame la députée, n'est pas supprimée. Nous avons simplement voulu limiter son versement dans le temps.
M. Maxime Gremetz. Et la réduire !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Sa réforme vise à mettre en oeuvre, pour les gens réellement en difficulté, non pas uniquement le versement d'une allocation,...
M. Maxime Gremetz. Le RMA, oui !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... mais un véritable programme de réinsertion autour du revenu minimum d'activité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La vérité, c'est qu'en 2001, quatre millions de personnes dans notre pays vivaient en dessous du seuil de pauvreté. La gauche n'a décidément pas le monopole du combat contre la misère et contre l'exclusion. C'est un combat collectif et moral, qui est fondé sur deux valeurs : la fraternité sociale, mais aussi la responsabilité individuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Auteur : Mme Janine Jambu
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique sociale
Ministère interrogé : affaires sociales, travail et solidarité
Ministère répondant : affaires sociales, travail et solidarité
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 16 octobre 2003