politique de l'emploi
Question de :
M. Victorin Lurel
Guadeloupe (4e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 5 novembre 2003
CHÔMAGE
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour le groupe socialiste.
M. Victorin Lurel. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Malgré vos incantations et vos psalmodies, le chômage augmente partout, encore et toujours. Ici, dans l'hexagone, les plans sociaux se sont multipliés sans frein et sans cran d'arrêt mettant sur le pavé des milliers de salariés. En septembre, les nouveaux inscrits à l'ANPE ont augmenté de 7,9 %, ce qui porte le taux de chômage à 9,7 %.
Avec l'actuel sentier de croissance qui est en grande partie le fruit de votre politique, la barre des 10 % risque d'être allégrement atteinte en fin d'année. La rupture avec la période antérieure, au cours de laquelle deux millions d'emplois ont été créés, est nette. Elle prouve, s'il en était besoin, le caractère injuste et erroné de votre politique, laquelle table sur d'hypothétiques retombées de la timide reprise américaine.
Ailleurs, dans l'outre-mer français, qui avait pourtant connu grâce à la loi d'orientation du gouvernement précédent, une croissance de l'emploi de plus de 10 % en deux ans, le chômage repart depuis peu.
La France a mal à cette politique dure, et moi qui vous parle, j'ai eu à connaître la lèpre du chômage et à sentir peser sur moi le regard accusateur et culpabilisant des autres. S'il faut ajouter aujourd'hui la stigmatisation gouvernementale, vous accablez celles et ceux qui sont déjà frappés par le sort. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes transformé en évangéliste du marché (« N'importe quoi ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et vous avez supprimé tout caractère volontariste et interventionniste à votre politique de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Votre politique économique, dont la matrice fondamentale est l'ultra-libéralisme reagano-tatchérien (Interruptions sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), est conduite avec dogmatisme, sous un langage compassionnel. Elle fait du salarié une simple variable d'ajustement, spécule sur la transition démographique de 2005-2006 et sur une improbable reprise nationale. Le travailleur est, avec vous, partout dans les fers !
Monsieur le Premier ministre, vous êtes personnellement responsable du chemin choisi (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) et, en conséquence, de cette calamité. Puisque vous vous piquez de gérer en « bon père de famille », rendez alors, ici, des comptes à la représentation nationale et dites-nous quand vous entendez inverser la courbe du chômage, comme avait su le faire votre prédécesseur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Monsieur Degauchy, nous ne sommes pas au spectacle !
La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, vous arrive-t-il de regarder au-delà de nos frontières ? Si vous le faisiez, vous constateriez que l'ensemble des pays développés connaissent la même situation économique, et que cette situation est d'ailleurs en train de se retourner. Vous éviteriez alors de parler de « timide reprise américaine » quand celle-ci atteint 7,2 %.
Vous arrive-t-il, monsieur le député, de faire votre autocritique ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Si c'était le cas, vous avoueriez que depuis 2001, le chômage augmente de manière régulière, et ce malgré les mesures extraordinairement coûteuses que vous et vos amis avez prises et qui étaient censées éviter une telle évolution. Je pense à la réduction du temps de travail et à l'augmentation des emplois précaires dans le secteur public. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Et d'ailleurs, on peut se demander quelle politique alternative vous proposez. Continuer à diminuer la durée du travail pour lutter contre le chômage ? Continuer à créer des emplois précaires dans le secteur public ?
La vérité, monsieur le député, c'est que depuis des années, en matière d'emploi, les performancesde notre pays sont moins bonnes que celles de la plupart des pays européens. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste.)Il y a à cela des raisons structurelles : l'absence de fluidité de notre marché du travail,...
M. Philippe Martin (Gers). C'est de la langue de bois !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... le manque de formation aux besoins de l'économie moderne, les pesanteurs du secteur public et leurs incidences sur le secteur marchand. Et la politique que le Gouvernement conduit est justement destinée à lutter contre ces pesanteurs structurelles.
Nous avons baissé les charges dans des proportions jamais atteintes dans l'histoire récente de notre pays.
M. Alain Néri. Et quel est le résultat ? L'augmentation du chômage !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous avons, comme vient de le dire le Premier ministre, augmenté le SMIC comme cela n'avait pas été fait depuis vingt ans. (Exclamationssur les bancs du groupe socialiste.) La moitié des personnes payées au SMIC verront leur salaire progresser, sur trois ans, de 11,5 % hors inflation, et de 6 %...
M. Bernard Roman. Mais c'est faux !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Comment pouvez-vous dire que c'est faux alors que c'est la réalité ? (Applaudissementssur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pour autant, mesdames et messieurs les députés, nous n'avons pas oublié la nécessité d'un traitement social du chômage. Mais nous l'avons réorienté vers le secteur marchand. C'est ce qu'illustrent les contrats-jeunes - le cent millième contrat a été signé la semaine dernière (Exclamationssur les bancs du groupe socialiste) - , la mise en place du CIVIS, ou encore le revenu minimum d'activité, dont l'Assemblée nationale va débattre la semaine prochaine.
L'objectif de la majorité, ce n'est pas de réduire artificiellement le chômage. C'est de lutter contre les problèmes structurels du marché de l'emploi dans notre pays. Et je peux vous dire qu'après trois ans d'augmentation continue du chômage - 2001, 2002, 2003 - , toutes les prévisions nous montrent que l'année 2004 sera pour la France celle du retour à une création d'emplois(Exclamationssur les bancs du groupe socialiste) qui ira même au-delà des besoins de son marché. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Auteur : M. Victorin Lurel
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Emploi
Ministère interrogé : affaires sociales, travail et solidarité
Ministère répondant : affaires sociales, travail et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 novembre 2003