entreprises en difficulté
Question de :
M. François Asensi
Seine-Saint-Denis (11e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Question posée en séance, et publiée le 13 novembre 2003
LICENCIEMENTS
M. le président. La parole est à M. François Asensi.
M. François Asensi. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Depuis juin 2002, près de 180 000 emplois ont été supprimés en France. Chaque jour, la liste des licenciements s'allonge, et votre gouvernement, monsieur le ministre, s'avère incapable de freiner cette catastrophe sociale.
L'affaire Michelin a révélé au grand public que, désormais, des entreprises pouvaient licencier même en étant prospères. Exiger aujourd'hui un rendement des actions de 10 à 15 %, alors que l'économie ne progresse que de 1%, c'est une entreprise de déstabilisation du travail dirigée contre emploi.
Les salariés de LU à Calais et Ris-Orangis ont récemment demandé aux juges de Boulogne-sur-Mer l'annulation du plan social car, derrière le prétexte du licenciement économique, s'affiche avec cynisme la nature boursière de ces licenciements. La véritable casse du travail cachée derrière ce plan social vise à favoriser les actionnaires au détriment des salariés. Le prétexte avancé ne respecte pas la définition de la Cour de cassation, qui ne reconnaît la réorganisation pour motif économique que si, et seulement si, elle vise à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, ce qui suppose une réelle menace.
Alors que vous prétendez vouloir réhabiliter le travail, vous laissez faire ces pratiques favorisant les rentiers qui s'enrichissent en dormant...
M. Lucien Degauchy. Changez de disque !
M. François Assensi. ... et vous refusez de vous opposer aux licenciements de masse.
D'où la question que vous posent les députés communistes : qui fait la loi dans une démocratie, le marché boursier ou les citoyens et leurs représentants ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Au nom de la défense et de la revalorisation du travail vis-à-vis du capital, je vous demande si vous êtes prêt à engager le ministère public à faire appel auprès des tribunaux de tous ces licenciements boursiers ou si, comme dans l'affaire LU, vous inviterez le procureur à ne pas assister aux audiences. Dans ce dernier cas, vous serez, de facto, l'instrument politique complice de l'affaiblissement de notre pays, au nom d'un libéralisme destructeur qui écrase le travail et plonge les salariés dans la précarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Asensi, l'ouverture des marchés et la globalisation des échanges offrent à nos entreprises des potentialités considérables. La croissance économique est d'abord le fruit de l'ouverture de nos économies.
M. Jacques Desallangre. Non, du travail !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le repli ou la fermeture des différents marchés conduit mécaniquement à la récession, donc au chômage. La tentation des lignes Maginot en matière économique reste malheureusement forte...
M. Jacques Desallangre. Oh !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et l'argument des licenciements boursiers est trop facilement invoqué par ceux qui veulent empêcher nos entreprises de rester compétitives. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La contrepartie de cette adaptation permanente de l'économie, c'est qu'il faut faire face à des restructurations industrielles. Il s'agit alors pour l'Etat d'assumer toutes ses responsabilités et de faire respecter la loi. C'est ce que nous faisons, monsieur le député, comme nous l'avons montré notamment à l'occasion de l'affaire Metaleurop.
Il s'agit ensuite d'accompagner les salariés frappés par les licenciements en faisant en sorte qu'ils aient un véritable droit individuel à la reconversion. Il convient également de soutenir les bassins d'emploi touchés. Nous nous y employons avec les contrats de site.
Enfin, et c'est le plus important, il faut développer à moyen terme la formation professionnelle des salariés. Vous serez, dans quelques jours, appelés à vous prononcer sur la création d'un nouveau droit à la formation professionnelle tout au long de la vie.
Nous avons demandé aux partenaires sociaux de nous faire des propositions sur une gestion sociale plus humaine et plus dynamique des restructurations. Au premier semestre de 2004, le Parlement sera saisi d'un texte à ce sujet.
Puis-je vous faire remarquer, messieurs de l'opposition, que si vous aviez commencé par demander aux partenaires sociaux de vous donner leur avis sur cette question...
M. Jacques Desallangre. Ils l'ont donné !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... au lieu de voter la loi de modernisation sociale dans les conditions où vous l'avez fait (Protestations sur les bancs du goupe socialiste), nous aurions aujourd'hui un texte moderne et un texte juste sur lequel nous pourrions nous appuyer ? (Applaudissements sur les bancs du goupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Bernard Roman. Mensonge !
Auteur : M. François Asensi
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : affaires sociales, travail et solidarité
Ministère répondant : affaires sociales, travail et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 novembre 2003