Question orale n° 1012 :
Front national

12e Législature

Question de : M. André Chassaigne
Puy-de-Dôme (5e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains

M. André Chassaigne attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur un fait divers survenu le 9 juin 2004. Ce jour-là, un jeune Thiernois de vingt ans, étudiant en BTS à Vichy, a été victime d'une agression physique devant la gare de Vichy. Ses agresseurs sont connus : des militants du Front national. Leur violence aussi : ce jeune a subi une greffe de cornée en juillet dernier. Il doit prochainement subir une seconde intervention chirurgicale à la paupière. Ce jour-là, accompagné de deux amis, il attendait l'autobus qui devait le ramener à Thiers. Un bus du Front national est alors venu stationner à une cinquantaine de mètres de ces jeunes. Les militants de ce parti accompagnaient leur chef, tête de liste aux régionales du printemps, présent lui aussi sur les lieux de cette agression, lors de la campagne pour les élections européennes. Trois de ces militants du service d'ordre du Front national se sont alors approchés de ce jeune et de ses amis. Leurs invectives racistes ont commencé à pleuvoir. Deux passantes, révoltées par cette agression, se sont interposées. Elles ont aussi été copieusement insultées. Dans un second temps, il a été aspergé, à bout portant, d'un liquide lacrymogène issu d'un pistolet d'alarme. Il a ensuite été frappé à coups de pieds. Cette affaire avait aussi mis à jour le comportement pour le moins troublant des gardiens de la paix de Vichy, présents rapidement sur les lieux de l'agression. À aucun moment, en effet, les militants du Front national n'ont été fouillés. Il aurait pourtant été facile de mettre au jour l'arme utilisée. Les policiers n'ont procédé qu'à un simple contrôle de police administrative. Alors qu'un délit grave venait d'être commis, ils ont même renâclé à recevoir sa plainte. Ce fait divers interpelle sur deux points précis. Sur le comportement des forces de police, tout d'abord. Le rapport de la commission d'enquête parlementaire n° 1622, daté de 1998 et relatif aux agissements du service d'ordre du Front national, le DPS, avait souligné l'indulgence coupable des services de police à l'égard des quelques gardiens de la paix, certes très peu nombreux, mis en cause pour des agissements racistes ou des actes de collusion à l'égard du Front national. Cette indulgence est caractéristique d'une prise de conscience trop faible de ce problème. Concernant cette affaire, plusieurs parlementaires sont intervenus soit pour saisir la commission déontologie de la sécurité publique, soit pour demander la saisine de l'inspection générale de la police nationale, l'IGPN. La même demande a été conduite par le maire de Thiers, à la demande unanime du conseil municipal dont est membre un frère de la victime. Après examen administratif approfondi sur cette affaire, il aimerait savoir quelles conclusions et quelles issues seront données à ces procédures administratives. Le deuxième point concerne les auteurs de l'agression. L'enquête ne semble guère avancer. Les auteurs de l'agression n'ont toujours pas été entendus, et encore moins mis en examen. Six mois après, c'est inacceptable. Les conclusions de la commission d'enquête parlementaire précitée ont bien montré combien les membres du service d'ordre du Front national étaient régulièrement impliqués dans des actes délictueux, voire criminels. Les responsables politiques de l'époque n'avaient pas donné suite à cette commission d'enquête, pariant sur la déliquescence progressive du Front national suite à la scission de ce mouvement en 1998. L'affaire de Vichy, mais aussi le lien mis au jour entre les profanations de cimetières juifs en Alsace et un militant de ce service d'ordre, montrent bien combien il constitue un danger pour l'ordre public. Aussi, il lui demande également s'il compte donner des instructions claires aux services de police leur imposant une plus grande vigilance à l'égard de ces délinquants politiques.

Réponse en séance, et publiée le 19 janvier 2005

IMPLICATION DU SERVICE D'ORDRE
DU FRONT NATIONAL LORS D'AGRESSIONS
À CARACTÈRE RACISTE

M. le président. La parole est à M. André Gerin, pour exposer la question, n° 1012, de M. André Chassaigne, relative à l'implication du service d'ordre du Front national lors d'agressions à caractère raciste.
M. André Gerin. Monsieur le président, madame la ministre déléguée à l'intérieur, mes chers collègues, le 9 juin 2004, Maâty Bouanane, un jeune Thiernois de vingt ans, étudiant en BTS à Vichy, a été victime d'une agression physique devant la gare de Vichy. Ses agresseurs sont connus : ils appartiennent au service d'ordre du Front national. Leur violence n'est pas moins connue : en juillet dernier, ce jeune a dû se faire greffer une cornée ; il doit prochainement subir une seconde intervention chirurgicale à la paupière.
Ce jour-là, accompagné de deux amis, il attendait l'autobus qui devait le ramener à Thiers. Le bus électoral du Front national est venu stationner à une cinquantaine de mètres de là : on était en pleine campagne pour les élections européennes et les militants de ce parti accompagnaient leur chef, tête de liste aux dernières régionales. Trois membres du service d'ordre se sont approchés des jeunes. Les invectives racistes ont commencé à pleuvoir. Deux passantes, révoltées par cette agression, se sont interposées et ont été elles aussi copieusement insultées. Dans un second temps, M. Bouanane a été aspergé d'un liquide lacrymogène, projeté par un pistolet d'alarme utilisé à bout portant, puis il a été bourré de coups de pied.
Dans cette affaire, les gardiens de la paix de Vichy, qui se sont rapidement rendus sur les lieux de l'agression, ont eu un comportement pour le moins troublant. À aucun moment, en effet, les militants du Front national n'ont été fouillés. Il aurait pourtant été facile de mettre la main sur l'arme utilisée. Les policiers n'ont procédé qu'à un simple contrôle de police administrative. Alors qu'un délit grave venait d'être commis, ils se sont même montrés réticents à recevoir la plainte de M. Bouanane.
Je sais combien le ministre de l'intérieur est résolu à lutter contre de telles agressions, d'autant plus insupportables que leur connotation raciste est avérée. Il l'a d'ailleurs répété dans un courrier adressé cet été à M. Chassaigne, qui, une première fois, attirait son attention sur cette affaire. Ce fait divers nous pousse cependant à l'interpeller sur deux points précis.
Sans vouloir jeter l'opprobre sur l'ensemble des forces de police républicaine, il faut reconnaître que le comportement des agents impliqués dans cette affaire est troublant. Il convient de rappeler qu'il existe un rapport de la commission d'enquête parlementaire relatif aux agissements du service d'ordre du Front national. Dans l'affaire qui nous occupe, plusieurs parlementaires sont intervenus, soit pour saisir la commission nationale de déontologie de la sécurité, soit pour demander la saisine de l'inspection générale de la police nationale, l'IGPN. La même demande a été formulée par le maire de Thiers et a été soutenue par toutes les sensibilités républicaines du conseil municipal, dont est membre un frère de la victime.
Suite au courrier que M. Chassaigne lui avait adressé, le ministre avait demandé un examen administratif approfondi de cette affaire. Quelles conclusions et quelles issues seront données à ces procédures administratives ?
D'autre part, l'enquête sur les auteurs de l'agression ne semble guère avancer. Ceux-ci n'ont toujours pas été entendus, et encore moins mis en examen. Les conclusions de la commission d'enquête parlementaire précitée ont pourtant bien montré que les membres du service d'ordre du Front national étaient régulièrement impliqués dans des actes délictueux, voire criminels. L'affaire de Vichy, comme le lien qui a été établi entre les profanations de cimetières juifs en Alsace et un militant de ce service d'ordre, montre bien qu'il constitue un danger pour l'ordre public. M. le ministre de l'intérieur compte-t-il donner des instructions claires aux services de police, les appelant à une plus grande vigilance à l'égard de ces militants d'un parti qui développe des thèses xénophobes et antisémites ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intérieur.
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord d'adresser à toutes les personnes présentes dans cet hémicycle et à tous ceux qui leur sont chers mes voeux de bonheur, de santé et de paix pour l'année 2005.
Monsieur le député, vous avez raison, l'agression de M. Maâty Bouanane par un groupe de militants du Front national, qui s'est déroulée à Vichy quelques jours avant les élections européennes, est inqualifiable.
Vous savez que le ministre de l'intérieur, Dominique de Villepin, est déterminé à assurer la sécurité de l'ensemble de nos concitoyens et à lutter contre les violences physiques de toute nature, en particulier celles à caractère raciste.
Vous m'interrogez aujourd'hui à nouveau, monsieur le député, sur le comportement des agents de police qui ont suivi cette affaire.
Comme vous le savez, dès qu'il a été saisi de ces faits, le ministre de l'intérieur a demandé à ses services d'enquêter sur les conditions d'intervention des fonctionnaires de police. Les résultats de l'enquête n'ont mis en évidence aucun manquement aux principes de droit et de déontologie fixés par le code de procédure pénale. Bien au contraire, je peux vous assurer que cette affaire a été traitée avec toute la rigueur nécessaire.
Une enquête policière a été menée, le jour même des faits : les parties intéressées, comme les témoins, ont été entendues par les fonctionnaires de police de Vichy.
Les déclarations de M. Bouanane ont bien été enregistrées par les policiers, avant même qu'il ne soit conduit aux services des urgences pour y être soigné. Elles ont fait l'objet d'une retranscription dans le procès-verbal relatant l'agression.
Un complément de plainte a ultérieurement été demandé par les effectifs de police de Thiers, ville où réside la victime.
J'ajoute que le directeur départemental de la sécurité publique de l'Allier a personnellement suivi le déroulement de l'intervention, comme celui de la procédure.
Par la suite, la procédure judiciaire concernant l'incident au cours duquel M. Bouanane et un militant du Front national ont été blessés a été menée, sous le contrôle permanent et constant du parquet de Cusset. Ce parquet a été tenu régulièrement informé du déroulement des investigations et a été rendu destinataire de tous les procès-verbaux.
Le procureur de la République a ordonné l'ouverture d'une information judiciaire, confiée au juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Cusset et l'enquête est encore en cours aujourd'hui.
Vous constatez donc que, dans cette affaire, les services de police ont agi avec toute la célérité qui s'imposait, en faisant preuve de professionnalisme et d'impartialité.
Ce comportement est totalement conforme aux instructions que le ministre de l'intérieur a données pour que les services de police fassent preuve de la plus extrême vigilance dans la lutte contre les actes racistes et antisémites.
M. le président. La parole est à M. André Gerin.
M. André Gerin. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse très complète. Vous venez de confirmer qu'une procédure est en cours. Je suppose que les membres de ce service d'ordre subiront les conséquences judiciaires de leurs actes et se verront infliger des sanctions exemplaires.

Données clés

Auteur : M. André Chassaigne

Type de question : Question orale

Rubrique : Partis et mouvements politiques

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 janvier 2005

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