concurrence
Question de :
Mme Françoise Branget
Doubs (1re circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Mme Françoise Branget attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur la situation préoccupante d'entreprises de transport exerçant en concurrence directe avec des régies départementales. Selon l'article 16 du décret n° 85-891 du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains de personnes, les régies de transports ont des budgets qui doivent obligatoirement être en équilibre. Cette contrainte oblige les collectivités départementales à leur attribuer, en cas de déficit, une subvention d'équilibre dont la nature est fondamentalement différente de celle des subventions éventuellement accordées aux autres exploitants de lignes régulières. De ce fait, les régies de transports se trouvent dans des conditions d'exploitation différentes de celles des transporteurs privés alors même qu'elles peuvent se trouver en concurrence avec ceux-ci soit pour l'attribution de marchés privés, soit pour l'attribution de lignes dans le cadre d'appels à la concurrence organisés en vue d'un marché public ou d'une délégation de service public. Cette situation privilégiée des régies de transports pose plusieurs problèmes. Tout d'abord, dans le cas du Doubs et d'autres départements, les procédures d'appel d'offres sont la plupart du temps remportées par la régie départementale du fait de ses tarifs prédateurs. Cette situation laisse peu de places aux autres entreprises privées même si la plupart du temps la régie a recourt à des entreprises sous-traitantes. Mais cette sous-traitance n'est pas automatique et c'est là que réside le problème principal. En effet, du fait de sa taille croissante la régie des transports du Doubs se passe progressivement des entreprises sous-traitantes pour assurer elle-même les tâches. On aboutit à une situation où les entreprises du secteur privé des transports se retrouvent exclues des appels d'offres du fait des tarifs prédateurs de la régie et elles ne peuvent même plus espérer participer aux tâches de transport des personnes dans le cadre de contrats de sous-traitance avec la régie. Or comme le conseil de la concurrence l'a déjà souligné, notamment dans son avis n° 96-A-12 du 17 septembre 1996, le bon fonctionnement de la concurrence suppose qu'aucun opérateur ne bénéficie pour son développement de facilités que les autres ne pourraient obtenir et d'une ampleur telle qu'elles lui permettent de fausser le jeu de la concurrence, sauf à ce qu'elles soient justifiées par des considérations d'intérêt général. Mais dans de nombreux cas, la défense de l'intérêt général qui doit prévaloir dans le service public se fait ici au dépend de la libre concurrence alors même que les besoins de la population pourraient être satisfaits par le secteur privé ! Dans le Doubs, sur l'ensemble des entreprises locales du secteur, seule une peut espérer survivre un an à la concurrence de la régie, les autres sont promises à une disparition à très court terme. Compte tenu de l'urgence de cette situation, elle souhaiterait connaître la position du ministère face à ce néocollectivisme opéré au niveau local et qui étouffe le secteur des transports en concurrence directe avec une régie.
Réponse en séance, et publiée le 19 janvier 2005
SITUATION D'ENTREPRISES DE TRANSPORTS
EN CONCURRENCE AVEC DES RÉGIES DÉPARTEMENTALES DANS LE DOUBS
Mme Françoise Branget. Monsieur le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire, j'attire votre attention sur la situation préoccupante des entreprises de transports exerçant en concurrence directe avec les régies départementales.
Selon l'article 16 du décret n° 85-891 relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains de personnes, les régies de transports, qu'elles soient ou non érigées en établissements publics, ont des budgets qui doivent obligatoirement être en équilibre. Cette contrainte oblige les collectivités départementales à leur attribuer, en cas de déficit, une subvention d'équilibre dont la nature est fondamentalement différente de celle des subventions accordées aux autres exploitants, qui ne bénéficient que de subventions constituant la stricte compensation des charges imposées au service public. Au contraire, le droit à une subvention d'équilibre, apportée sans contrepartie et non affectée, donne aux régies une grande latitude pour fixer leurs prix ou leurs conditions d'intervention sans mettre leur situation financière en péril.
De ce fait, les régies de transports se trouvent dans des conditions d'exploitation différentes de celles des transporteurs privés, alors même qu'elles peuvent se trouver en concurrence soit sur des marchés privés, soit sur des appels d'offres organisés en vue d'un marché public ou d'une délégation de service public.
À cela il faut ajouter, les garanties d'emprunts consenties par les départements dont bénéficient les régies de transports, des charges salariales moins contraignantes ainsi qu'une fiscalité adaptée en termes d'impôt sur les sociétés.
Cette situation privilégiée des régies de transports pose plusieurs problèmes.
Tout d'abord, dans le cas du Doubs et d'autres départements, les procédures d'appel d'offres sont la plupart du temps remportées par la régie du fait de ses tarifs prédateurs. Cette situation laisse peu de place aux autres entreprises privées même si la régie, pour assurer la totalité de ses missions, a recours - pour les moins rentables - à des entreprises sous-traitantes. Mais cette sous-traitance est de moins en moins automatique.
Ainsi, du fait de sa taille croissante, la régie des transports du Doubs se passe progressivement des entreprises sous-traitantes pour assurer elle-même les tâches.
Il en résulte que les entreprises du secteur privé se retrouvent exclues des appels d'offres du fait des tarifs de la régie et participent de moins en moins au transport de personnes dans le cadre de la sous-traitance. Le risque au final est d'aboutir à l'émergence d'un véritable monopole public dans un secteur pourtant concurrentiel.
Comme l'a déjà souligné le Conseil de la concurrence, notamment dans ses avis 96-A-12 du 17 septembre 1996 et 99-A-ll du 9 juin 1999, le bon fonctionnement de la concurrence suppose qu'aucun opérateur ne bénéficie pour son développement de facilités que les autres ne pourraient obtenir, et d'une ampleur telle, qu'elles lui permettent de fausser le jeu de la concurrence, sauf à ce qu'elles soient justifiées par des considérations d'intérêt général. De tels avantages peuvent faire obstacle au développement d'une compétition par les mérites sur le marché concerné.
Or la défense de l'intérêt général, qui doit prévaloir dans le service public, se fait ici aux dépens de la libre concurrence alors même que les besoins de la population pourraient être satisfaits par le secteur privé.
Dans le cas du Doubs, le nombre des entreprises de transports en cessation d'activité ou en passe de l'être augmente dangereusement. Sur l'ensemble des entreprises locales du secteur, peu d'entre elles peuvent espérer survivre à la concurrence de la régie.
Finalement, le comportement d'une régie publique, c'est-à-dire au service du public et de l'intérêt général, risque d'entraîner la mise au chômage de nombreux salariés des entreprises locales de transports.
Compte tenu de l'urgence de cette situation, je souhaite connaître la position du Gouvernement face à un néo- collectivisme rampant, qui étouffe le secteur des transports en concurrence directe avec les régies.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire.
M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. Madame la députée, je répondrai à la place de M. de Robien qui assiste ce matin à Toulouse à l'inauguration de l'A 380. Votre question porte sur les modalités effectives de mise en concurrence entre les régies départementales et les entreprises privées en matière de transports urbains de personnes.
Au plan national, on recense, en 2003, onze régies départementales de transports publics. Elles assurent entre 6 et 8 % du transport routier de voyageurs et moins de 5 % du transport scolaire. Au cas d'espèce, dans le Doubs, on dénombre 61 exploitants de transports urbains de personnes, dont une régie départementale.
Il faut rappeler que le choix du mode d'exploitation des transports n'est pas imposé par la loi. Il repose sur un choix volontaire de l'autorité organisatrice. Ce libre choix constitue une application, au secteur des transports, du principe général de libre administration des collectivités territoriales et des dispositions de la loi d'orientation des transports intérieurs. Ainsi, un département a-t-il toujours la possibilité de confier à sa régie sous forme d'établissement public industriel et commercial l'exploitation de services réguliers sans mise en concurrence.
En matière de concurrence entre régies et entreprises du secteur privé, le Conseil d'État a posé, en 2000, un certain nombre de conditions transposables ici.
Le prix proposé par l'établissement public doit être déterminé " en prenant en compte l'ensemble des coûts directs ou indirects concourant à la formation du prix de la prestation ".
Par ailleurs, l'établissement public ne doit pas bénéficier pour déterminer le prix " d'un avantage découlant des ressources ou moyens mis à sa disposition ".
Enfin, l'établissement public devra justifier du prix proposé si nécessaire " par des documents comptables ou tout autre moyen d'information approprié ".
Le versement de subventions aux régies ne saurait à lui seul présumer d'un " avantage " économique et concurrentiel, dès lors que les subventions sont destinées à compenser le coût des missions de service public dont les régies - tout comme d'ailleurs les entreprises privées délégataires de service public - peuvent être chargées par les autorités organisatrices.
Ces critères sont susceptibles de poser des difficultés concrètes d'appréciation qui peuvent être portées devant le juge ou, le cas échéant, le Conseil de la concurrence. Soyez cependant assurée qu'en matière de concurrence, l'État veillera particulièrement à faire respecter les principes découlant de l'application des textes, précisés par les jugements et avis du Conseil d'État et du Conseil de la concurrence.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Branget.
Mme Françoise Branget. Merci, monsieur le secrétaire d'État, pour cette réponse. Il n'en reste pas moins qu'en dehors des subventions, les conventions collectives applicables aux entreprises privées et aux régies ne sont pas identiques. Il en est de même pour le régime fiscal puisque l'impôt sur les sociétés ne s'applique pas pour les missions de service public. Il en résulte un désavantage pour les entreprises privées. Sur le plan du principe, est-il logique qu'une entreprise publique contribue à mettre au chômage des salariés d'entreprises privées ?
Auteur : Mme Françoise Branget
Type de question : Question orale
Rubrique : Transports
Ministère interrogé : équipement
Ministère répondant : équipement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 janvier 2005