La Poste
Question de :
M. Christian Paul
Nièvre (3e circonscription) - Socialiste
M. Christian Paul attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat sur la restructuration de La Poste et ses conséquences en Bourgogne. Au plan national La Poste entreprend la fermeture de plusieurs milliers de ses bureaux. Cette décision a-t-elle réellement l'aval de l'État qui devrait au contraire dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire contribuer au maillage républicain des services publics dans l'espace rural ? Le Gouvernement peut-il encourager ces restructurations sans qu'ait lieu dans chaque département français un débat et une négociation sur l'avenir des services publics ? L'autonomie des entreprises publiques signifie-t-elle désormais que leur stratégie échappe totalement à l'État, signe supplémentaire de l'impuissance du Gouvernement ? Dans la Nièvre et en Bourgogne, refusant l'immobilisme les élus ont proposé à l'État l'élaboration de contrats territoriaux de services publics au sein desquels les implantations des services de La Poste pourraient conserver toute leur place. Pourtant, à ce jour, la proposition de fermeture de plusieurs dizaines de bureaux de poste laisse peu de place au dialogue et à l'innovation. Il attire son attention sur les conséquences de cette politique du fait accompli qui s'applique également aux réorganisations brutales de la présence de l'équipement, du Trésor public, de la SNCF et d'EDF.
Réponse en séance, et publiée le 2 février 2005
RESTRUCTURATION DE LA POSTE EN BOURGOGNE
M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour exposer sa question, n° 1034.M. Christian Paul. Au plan national, La Poste se désengage massivement des territoires ruraux et entreprend la fermeture de plusieurs milliers de ses bureaux. Ces orientations ont d'ailleurs été débattues et contestées lors de l'examen du projet de loi sur la régulation postale, sans que le Gouvernement fournisse de garanties crédibles.
Au-delà de ce débat, je souhaiterais savoir si cette décision de désengagement a réellement l'aval de l'État qui devrait, au contraire, dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire, contribuer au maillage républicain des services publics dans l'espace rural. Le Gouvernement peut-il encourager ces restructurations sans qu'aient lieu, dans chaque département français, un débat et une négociation avec les collectivités locales sur l'avenir des services publics ? Elles ont le droit, elles aussi, de dire leur mot !
L'autonomie des entreprises publiques signifie-t-elle désormais que leur stratégie échappe totalement à l'État, signe supplémentaire de l'impuissance du Gouvernement ?
Dans la Nièvre et en Bourgogne, refusant l'immobilisme, les élus ont proposé à l'État l'élaboration de contrats territoriaux de services publics au sein desquels les implantations des services de La Poste pourraient conserver toute leur place. Pourtant, à ce jour, la proposition de fermeture de plusieurs dizaines de bureaux de poste laisse peu de place au dialogue et à l'innovation.
Cette politique du fait accompli s'applique également aux réorganisations brutales des services de l'équipement, du Trésor public, de la SNCF, d'EDF, et la liste pourrait être longue.
Dans la Nièvre, comme en Creuse, depuis quelques semaines, de nombreux maires et élus ruraux se demandent si la démission n'est pas la seule manière qui leur reste d'être entendus du Gouvernement. C'est leur voix que je porte ce matin à l'Assemblée nationale.
M. Pierre Forgues. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au commerce extérieur.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le député, je répondrai à la place de Patrick Devedjian ou de Renaud Dutreil à cette question qui concerne La Poste et l'aménagement du territoire, donc la politique que nous voulons mener dans ce domaine par le biais du ministère de l'industrie.
Dans le cadre de la loi du 2 juillet 1990, La Poste doit accorder une attention toute particulière à sa présence territoriale afin d'assurer un service public de qualité accessible à tous. Le contrat de plan pour la période 2003-2007 indique que le réseau des points de contact de La Poste évolue en étroite concertation avec les collectivités territoriales et participe à l'évolution des territoires. Le réseau des bureaux de poste devra répondre aux obligations d'accessibilité du service universel et augmenter son attractivité en s'adaptant à l'évolution des besoins des habitants.
Le projet de loi de régulation des activités postales, en cours de discussion, prévoit la mise en oeuvre de règles adaptées aux caractéristiques des zones concernées pour assurer la couverture du territoire en services postaux de proximité. Une disposition adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale, le 20 janvier dernier, définit notamment le critère d'accessibilité des services postaux de proximité. Ainsi, 90 % de la population d'un département devra se trouver à moins de 5 km d'un point de présence de La Poste.
Par ailleurs, La Poste, ainsi que son président vient de le réaffirmer solennellement devant les présidents des commissions départementales de présence postale territoriale - CDPPT - réunis le 16 novembre 2004 à l'occasion du congrès des maires, s'est engagée à maintenir ses 17 000 points de contact en s'adaptant à l'évolution des modes de vie et de consommation de tous ses clients, quelle que soit leur localisation, zones rurales, zones urbaines ou zones sensibles, et en corrigeant les inégalités en matière d'accès de chacun à l'ensemble de ses missions et services.
À cet effet, l'organisation interne de La Poste est modifiée et une véritable direction du réseau est créée, chargée de développer toutes les formes de services de proximité aux particuliers et aux collectivités locales. Elle cherchera, dans le respect des contraintes économiques, à renforcer la présence du réseau postal partout où se trouvent ses clients, afin de parvenir à la mise en place d'un véritable réseau de proximité, autour de " bureaux centres " qui dirigeront les autres point de contact de leur zone géographique.
C'est ainsi que la stratégie de l'entreprise, s'agissant de sa présence en région, consiste à choisir la formule pratique la mieux adaptée à chaque situation pour que le déploiement d'un réseau très vaste reste soutenable pour elle. La panoplie des points de contact est aujourd'hui diversifiée, avec le développement non seulement des agences postales communales mais aussi, désormais, des " points poste ".
Les agences postales communales, déjà largement adoptées par les communes puisqu'il en existe aujourd'hui près de 1 500, constituent une formule adaptée pour assurer le maintien du service public dans les petites communes qui le souhaitent.
Quant aux points poste , près de 500 actuellement, ils sont installés chez les commerçants. Ils permettent, grâce à des horaires d'ouverture étendus, le maintien d'un service de proximité adapté aux besoins des utilisateurs, tout en renforçant un commerce rural pluriactif. Sur le plan pratique, une convention type précise la nature des prestations courrier et les services financiers rendus dans ce cadre, ainsi que les responsabilités engagées et la rémunération des commerçants concernés.
Les commissions départementales de présence postale territoriale, où siège un représentant de l'État chargé notamment de veiller au bon déroulement des processus d'information et de concertation, constituent le lieu adapté au dialogue avec les élus locaux. Le président de La Poste a présenté, à l'occasion du congrès des maires, une nouvelle charte du dialogue territorial, qui prévoit de renforcer le dialogue local et rappelle les principes qui s'imposeront aux directeurs territoriaux pour plus d'anticipation, de transparence et de recherche de synergies locales.
De plus, une réflexion est conduite sur la mise en place d'un fonds postal national de péréquation territoriale, dont le principe a été inscrit dans le projet de loi de régulation des activités postales par le Sénat et confirmé par l'Assemblée nationale. Un groupe de travail, présidé par le sénateur Hérisson, s'est constitué en liaison avec la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques. Il vient de formuler ses premières propositions sur les modalités pratiques de fonctionnement de ce fonds.
Concernant plus particulièrement la Nièvre, le projet d'évaluation du réseau de La Poste dans ce département a été présenté au préfet, aux parlementaires et aux représentants des élus ainsi qu'aux membres de la CDPPT, lors de réunions de cette instance, qui se sont déroulées le 13 septembre et le 15 décembre 2004.
M. Christian Paul. C'est l'une des raisons de ma question !
M. le ministre délégué au commerce extérieur. Une charte du dialogue territorial a été signée par le directeur de La Poste et remise au président du conseil général, à l'issue de son intervention en commission permanente du conseil général, le 24 janvier 2005. Vingt-cinq rattachements à un bureau centre et une création de point Poste ont été effectués en 2004, treize transformations de bureaux sont, pour l'instant, envisagées et annoncées pour 2005.
En Côte d'Or, quinze bureaux de poste ont été rattachés à des bureaux centres ou transformés en points poste, après concertation avec les élus et réunion de la CDPPT le 14 décembre dernier.
En Saône-et-Loire, dix-huit transformations ont eu lieu, soit en points poste, soit en bureaux de poste rattachés à un bureau centre, également après concertation avec les élus. La dernière réunion de la CDPPT a eu lieu le 26 janvier 2005.
Enfin, dans l'Yonne, treize bureaux ont été transformés en bureaux de poste rattachés à un bureau centre ou en point poste pour l'un d'entre eux. Ces transformations ont eu lieu après concertation avec les élus et la CDPPT s'est réunie deux fois en 2004. Une charte postale du dialogue territorial devrait être signée fin février 2005 avec le conseil général, l'Association des maires, l'Association des maires ruraux et le président de la CDPPT, pour définir l'organisation de la concertation dans le département.
La Poste entend bien demeurer le premier service public de proximité, à l'écoute des besoins de sa clientèle et des évolutions des territoires.
M. le président. La parole est à M. Christian Paul.
M. Christian Paul. Quand on parle de maintien ou d'adaptation des points de contact postaux, il s'agit en fait de renvoyer de plus en plus le financement de la présence postale aux collectivités dans les zones rurales. Dès lors que l'on ferme un bureau de poste pour recréer une autre forme de présence postale, en particulier une agence communale, ce sont les contribuables de la commune qui prennent en charge en grande partie le maintien de la présence postale. Quand vous parlez d'adaptation, il s'agit en réalité d'une adaptation fiscale et budgétaire de la présence postale.
Certes, un fonds postal de péréquation nationale a été créé la semaine dernière, comme nous le demandions. Mais pour l'heure, c'est une coquille vide, car à aucun moment, dans la discussion, le Gouvernement ne s'est engagé fermement sur son financement par l'État.
Par ailleurs, s'agissant des points poste, qui constituent l'une des modalités de transformation proposées par La Poste aujourd'hui, c'est-à-dire l'implantation du service postal dans des commerces privés, en quoi garantissent-ils la pérennité de la présence postale ? Si le commerce ferme, s'il change de propriétaire ou de gérant, quelle garantie auront les communes rurales d'un éventuel retour du service public postal ?
Enfin - et j'en termine, monsieur le président, mais cette question intéresse quelques milliers de communes françaises - les règles de proximité votées par la majorité sont frappées d'emblée de non-effectivité. Les dérogations prévues dans le cadre de la loi de régulation postale font que ces règles n'auront aucun impact pratique sur le terrain. Et ce sont bien 10 % de la population qui subiront le désengagement de La Poste.
Jusqu'à présent, monsieur le ministre, le Premier ministre, M. Dutreil, et vous-même ce matin encore, avez fait la sourde oreille aux propositions des collectivités locales - et notamment du département de la Nièvre - qui tendent à mettre en place des contrats territoriaux de service public, avec une approche globale, afin d'opérer, d'un service public à l'autre, d'une entreprise à l'autre, des mutualisations intelligentes de la présence des services publics.
Auteur : M. Christian Paul
Type de question : Question orale
Rubrique : Postes
Ministère interrogé : réforme de l'Etat
Ministère répondant : industrie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er février 2005