inondations
Question de :
M. Pascal Terrasse
Ardèche (1re circonscription) - Socialiste
M. Pascal Terrasse attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur les cinq crues qu'a connues la vallée du Rhône depuis 1993. L'EPTB du Rhône vient de réaliser une étude globale pour une stratégie de réduction des risques dus aux crues du Rhône. Après quatre années de travail, cette étude propose des mesures concrètes pour lutter plus efficacement contre les risques liés aux crues du Rhône et mieux assurer la sécurité des biens et des personnes. Si certaines de ces propositions sont des mesures simples et peu coûteuses, d'autres en revanche sont susceptibles de faire peser des charges nouvelles et importantes sur le budget des collectivités locales concernées. De plus, le nouveau cahier des charges de la Compagnie nationale du Rhône recentre désormais celle-ci sur ses missions entendues stricto sensu. Sa privatisation prochaine laisse même supposer qu'elle n'ira pas plus loin que ses obligations. Les conséquences sont dramatiques car les collectivités perdent là un partenaire important pour la gestion du fleuve mais surtout l'Etat est dorénavant seul responsable des politiques de prévention des crues. La mise en oeuvre de ces actions se doit d'être immédiate : un report serait interprété comme une négligence, voire une irresponsabilité de la part du seul responsable, à savoir l'Etat. C'est dans ce contexte que l'EPTB du Rhône, composé de l'ensemble des conseils généraux du bassin versant, souhaite s'inscrire, en tant que partenaire incontournable, dans l'appel à projets lancé récemment dans le cadre du plan de préventions des inondations. Cinq axes sont proposés : traiter le bassin versant de manière globale et dans une perspective de développement durable ; favoriser l'émergence d'une véritable conscience des risques encourus par la population ; mettre en place des actions préopérationnelles susceptibles d'être réalisées à court terme ; poursuivre l'étude et la concertation pour certains aménagements proposés dans l'étude globale mais non encore aboutis ; développer l'information et la concertation avec les services de l'Etat, des collectivités, des riverains et des associations pour la mise en oeuvre de la prévention et de la prévision des risques. Il lui demande quelle suite elle donnera à ces propositions concrètes.
Réponse en séance, et publiée le 5 février 2003
PRÉVENTION DES RISQUES LIÉS AUX CRUES DU RHÔNE
M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour exposer sa question, n° 105, relative à la prévention des risques liés aux crues du Rhône.
M. Pascal Terrasse. Madame la ministre de l'écologie et du développement durable, depuis 1993, la vallée du Rhône a connu plus de cinq grandes crues. Comme vous le savez, les répercussions économiques et sociales de ces inondations pèsent lourdement sur le budget des particuliers et des collectivités territoriales. Or l'EPTB du Rhône, l'établissement public territorial de bassin du Rhône, vient de réaliser une étude globale pour une stratégie de réduction des risques liés aux crues du Rhône, à la demande de l'Etat, d'ailleurs.
Après quatre années de travail, cette étude propose des mesures concrètes pour lutter plus efficacement contre les risques liés aux crues du Rhône et mieux assurer la sécurité des personnes et des biens. Si certaines de ces propositions sont des mesures simples et peu coûteuses, d'autres, en revanche, sont susceptibles de faire peser des charges nouvelles et importantes sur le budget des collectivités territoriales concernées. De plus, le nouveau cahier des charges de la Compagnie nationale du Rhône, la CNR, recentre désormais celle-ci sur ses missions étendues stricto sensu. Sa privatisation hypothétique prochaine laisse même supposer qu'elle n'ira pas plus loin que ses obligations.
Les conséquences de cette situation sont dramatiques, car les collectivités perdent là un partenaire important pour la gestion du fleuve. Mais, surtout, l'Etat est dorénavant seul responsable des politiques de prévention des crues pour ce bassin versant. La mise en oeuvre des actions envisagées doit donc être immédiate. Après les crues des années 1990, puis celles de 2001 et de 2002, qui ont douloureusement frappé les populations de la vallée du Rhône, un report serait interprété comme une négligence, voire une irresponsabilité de la part du seul responsable, à savoir l'Etat.
C'est dans ce contexte que l'EPTB du Rhône, qui regroupe l'ensemble des conseils généraux du bassin versant - douze départements - souhaite s'inscrire en tant que partenaire incontournable, dans l'appel à projets que vous avez lancé récemment, madame la ministre, dans le cadre du plan de prévention des inondations.
En effet, les élus souhaitent qu'un plan de gestion des crues soit mis en place dans les meilleurs délais et ils ont clairement manifesté leur volonté d'être associés à votre projet.
Cinq axes sont ainsi proposés : traiter le bassin versant de manière globale et dans une perspective de développement durable ; favoriser l'émergence d'une véritable conscience des risques encourus par la population ; mettre en place des actions préopérationnelles susceptibles d'être réalisées à court terme ; poursuivre l'étude et la concertation pour certains aménagements proposés dans l'étude globale mais non encore aboutis ; développer l'information et la concertation avec les services de l'Etat, les collectivités, les riverains et les associations pour la mise en oeuvre de la prévention et de la prévision des risques.
Madame la ministre, quelle suite entendez-vous donner à ces propositions concrètes des douze départements rhodaniens ? Si aucun programme n'est engagé au cours de l'année 2003, il y a fort à parier que l'ensemble des acteurs rhodaniens considérera que l'Etat et les pouvoirs publics n'assument pas leurs responsabilités.
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Je vous remercie, monsieur Terrasse, pour votre question. La prévention des inondations du Rhône est un dossier qui préoccupe tout particulièrement mon département ministériel depuis les crues d'octobre 1993 et de janvier 1994, qui avaient provoqué des inondations catastrophiques dans la basse vallée du Rhône, et notamment en Camargue.
Ces inondations ont contribué à accélérer l'approbation du programme décennal de prévention des risques naturels préparé par Michel Barnier et approuvé par le Gouvernement en janvier 1994, programme qui a guidé l'action gouvernementale depuis lors.
Le budget de l'Etat a ainsi été largement sollicité pour contribuer au financement de la réparation des dommages, à la mise en place de mesures de prévention engagées sous la responsabilité des collectivités territoriales riveraines, ainsi qu'à l'élaboration d'une étude globale pour définir une stratégie de réduction des risques causés par les crues du Rhône.
L'EPTB du Rhône, que vous présidez, a bien voulu prendre la maîtrise d'ouvrage de cette étude à la suite de la proposition qui avait été faite par M. le président du comité de bassin, sur la suggestion de M. Michel Barnier, ministre de l'environnement à l'époque.
En effet, l'élaboration d'une stratégie globale ne pouvait se faire qu'en partenariat avec les collectivités territoriales concernées et l'ensemble des acteurs de ce dossier.
La conduite de cette étude a toutefois nécessité beaucoup plus de temps que ne l'escomptait Michel Barnier puisque les propositions de stratégie élaborées par Territoire Rhône n'ont été remises que tout récemment à M. le préfet coordonnateur du bassin Rhône-Méditerranée-Corse et sont actuellement examinées par les services.
Elles n'ont ainsi pas pu être prises en compte lors de la concertation menée par le précédent gouvernement pour la mise à jour du cahier des charges de la concession de la Compagnie nationale du Rhône. Je reconnais, comme vous, le caractère regrettable de ce contretemps.
Cependant, contrairement à ce que vous craignez, la mise à jour du projet de cahier des charges a prévu un élargissement des obligations de la compagnie au-delà de ce qui était prévu à l'origine, notamment en matière de contribution à un important programme de remise à l'état naturel du Rhône, élaboré en concertation avec les collectivités riverains, l'agence de l'eau et l'Etat.
J'ai bien noté votre souhait que l'institution que vous présidez constitue un partenaire important - incontournable, avez-vous dit et je partage votre avis - dans la politique à mener en matière de prévention des risques liés aux inondations du Rhône, aux côtés des collectivités territoriales concernées et de l'Etat.
C'est bien dans cet esprit de partenariat que j'entends développer la politique de prévention des risques liés aux inondations au cours de ces prochaines années, en donnant à l'ensemble des acteurs concernés les outils et la méthode pour participer, selon leurs responsabilités respectives, à cette action commune.
J'ai ainsi lancé un appel à projet tendant à soutenir, en particulier financièrement, les initiatives des collectivités locales et de leurs groupements, notamment les établissements publics territoriaux de bassin, dont vous êtes un ardent supporter. Les projets du bassin du Rhône seront attentivement examinés.
J'entends, dans ce cadre comme d'une manière générale, faire en sorte que l'Etat assume les responsabilités qui sont les siennes en matière d'information préventive, d'élaboration des plans de prévention des risques, de prévision des inondations et de développement des mesures de solidarité financière pour le financement des travaux de prévention à la charge des collectivités territoriales et des particuliers.
Je note avec intérêt que les principes que vous avez exposés rejoignent tout à fait ceux que j'ai retenus dans le plan de prévention des inondations et dans le texte sur les risques naturels, dont l'examen va commencer au Sénat cet après-midi. Nous avons la volonté commune de réaliser ces travaux, dans la concertation et en impliquant les populations. Pour ma part, je suis sûre que la participation de votre institution sera à la hauteur de l'ambition que vous avez affichée. Cela nous permettra d'engager collectivement ces très importants programmes.
M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
M. Pascal Terrasse. Merci, madame la ministre, pour ces éléments de réponse. Je crois en effet que nous partageons la volonté, non d'éviter que ces crues se reproduisent - ce serait difficile -,...
Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Elles se reproduiront, malheureusement !
M. Pascal Terrasse. ... mais de prendre, très en amont, toutes les dispositions permettant de prévenir au maximum les risques qui y sont liés.
J'insisterai cependant sur le fait que, depuis de nombreuses années, on a fait patienter un certain nombre d'élus locaux et d'associations de riverains. Certes, les études ont leurs contraintes et leur durée peut être longue. Elles peuvent même prendre un caractère permanent, dans certaines régions - je pense notamment au Rhin et à la Loire avec l'EPALA, l'Etablissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents. Mais l'EPTB du Rhône vient de terminer la sienne et il faut en tenir compte. L'Etat ne pourra pas seul résoudre les problèmes. Cela ne marchera pas. Les collectivités locales doivent impérativement être associées à cette démarche.
Or certains semblent souhaiter recentrer ces actions vers les seuls services de l'Etat : attention ! Les élus sont très attentifs. Ils sont prêts aujourd'hui à faire un effort, alors même que ce n'est pas de leur compétence, notamment sur un domaine concédé propriété de l'Etat. Si toutefois l'Etat ne s'engageait pas dans le plan que vous avez proposé autour du bassin versant du Rhône, les conséquences en seraient dramatiques, car personne ne prendrait la suite. L'Etat doit agir avec les collectivités.
J'insiste donc particulièrement sur ce point, madame la ministre. Soyez vigilante : la différence peut parfois être grande, en effet, entre ce qui peut être dit et la réalité du terrain. Je ne voudrais pas avoir à revenir dans quelques semaines pour appeler à nouveau votre attention sur cette question parce que les choses n'avancent pas.
Auteur : M. Pascal Terrasse
Type de question : Question orale
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : écologie
Ministère répondant : écologie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 février 2003