caprins
Question de :
Mme Geneviève Gaillard
Deux-Sèvres (1re circonscription) - Socialiste
Mme Geneviève Perrin-Gaillard interroge M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur la tremblante caprine, et plus particulièrement sur le contenu d'un projet de nouvel arrêté de police sanitaire dans le contexte d'un règlement européen, qui semble aller vers un durcissement concernant les petits ruminants. Cette zoonose connue et cernée depuis 1732, et qui a été récemment diagnostiquée dans plusieurs élevages en Poitou-Charentes, a déclenché la démesure de l'abattage total en vertu du changement de réglementation intervenu en mars dernier. Démesure, car on semble s'acheminer vers une application aveugle et sourde d'un hyperprincipe de précaution. Démesure, car allant bien au-delà des obligations communautaires. Si l'abattage systématique et total des troupeaux était finalement retenu, il consacrerait une orientation à rebours du génotypage permettant un abattage sélectif et non systématique. A ce propos, les conclusions de l'AFSSA ne font finalement qu'appuyer la « nécessité de définir explicitement une stratégie de gestion du risque (...) préalablement à toute évaluation des mesures proposées ». Afin donc de souligner l'incohérence vers laquelle nous pourrions nous diriger, de deux choses l'une : ou le risque, en cas de test positif à l'EST, est considéré comme significatif et alors, en plus de l'abattage total, il nous faut également mettre en oeuvre la mesure complémentaire prévue dans le dispositif communautaire, c'est-à-dire l'interdiction du repeuplement du troupeau abattu ; ou tel n'est pas le cas, et alors l'abattage systématique et total devient une mesure excessive et et injustifiée. Elle lui demande ses intentions dans le contexte des plus flous qui règne actuellement et qui n'est pas des plus propices à l'émergence d'un arrêté éclairé.
Réponse en séance, et publiée le 5 février 2003
RÉGLEMENTATION CONCERNANT LES TROUPEAUX
ATTEINTS DE LA TREMBLANTE CAPRINE
M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard, pour exposer sa question, n° 106, relative à la réglementation concernant les troupeaux atteints de la tremblante caprine.
Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Monsieur le ministre de l'agriculture, ma question concerne la tremblante caprine et a trait plus précisément à la refonte de la réglementation relative à la police sanitaire qui est engagée.
Cette zoonose, la tremblante caprine, connue depuis 1732 dans notre pays, a été récemment diagnostiquée dans quatre élevages différents en Poitou-Charentes. Elle a déclenché l'abattage total en vertu du changement de réglementation intervenu en mars dernier, solution démesurée : on semble s'acheminer vers une application aveugle et sourde d'un hyper principe de précaution, qui est d'abord de nature à générer chez les consommateurs des peurs et des comportements sans aucune maîtrise de leurs conséquences ; par ailleurs, cela va bien au-delà des obligations communautaires, qui n'imposent l'abattage total que dans le cas de la découverte de l'agent de l'ESB, l'encéphalopathie spongiforme bovine, et non de l'EST.
Si l'abattage systématique et total des troupeaux était finalement retenu, il consacrerait une orientation à rebours de l'avancée permise par les évaluations scientifiques, à savoir la possibilité d'un génotypage, qui va dans le sens d'un abattage sélectif et non systématique.
A ce propos, je me suis félicitée que vous ayez commandé un avis à l'AFSSA, mais ses conclusions, si elles ont redonné espoir aux éleveurs, ne me semblent pas de nature à nous rassurer tout à fait, le risque n'étant pas suffisamment caractérisé dans ce rapport. Finalement, en cas de test positif à l'Est, de deux choses, l'une : soit le risque est considéré comme significatif, auquel cas, en plus de l'abattage total, il nous faut également mettre en oeuvre la mesure complémentaire prévue dans le dispositif communautaire, c'est-à-dire l'interdiction du repeuplement dans les mêmes installations ; soit il n'est pas considéré comme significatif et l'abattage systématique est totalement injustifié.
J'aimerais donc savoir, monsieur le ministre, comment vous pouvez nous rassurer sur vos intentions dans le contexte des plus flous qui règne actuellement. Je voudrais savoir aussi quelles garanties supplémentaires les mesures du 15 mars 2002 ont apporté par rapport à celles résultant de la police sanitaire de 1997, car des demi-mesures ou des mesures démesurées seraient scientifiquement aberrantes ? L'impact socio-économique de l'abattage systématique et total pourrait tout simplement être fatal à la filière caprine, qui est le fleuron de l'élevage français, en particulier dans la région Poitou-Charentes.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Madame la députée, je voudrais tout d'abord réaffirmer ici combien le Gouvernement mesure le désarroi des éleveurs caprins, et vous assurer de sa vigilance et de sa détermination dans ce dossier qui affecte très durement votre département.
La tremblante caprine, qui n'est pas une zoonose, est une maladie réputée contagieuse et, en tant que telle, soumise à des règles de police sanitaire. Dans son avis du 8 novembre 2001, l'AFSSA a préconisé l'élimination totale du cheptel dans les troupeaux caprins atteints de tremblante, en application du principe de précaution. Comme vous l'avez rappelé, mon ante-prédécesseur a mis en place cet abattage total dans un arrêté de mars 2002.
Cependant, des difficultés d'application sont apparues dès juin 2002. C'est pourquoi j'ai proposé, avec l'aval de l'AFSSA, une modification de ce dispositif en accordant aux éleveurs un délai de six mois pour abattre le troupeau d'une exploitation où un cas de tremblante a été confirmé. Ce délai prend en compte les difficultés que peuvent recontrer les exploitants pour reconstituer leur cheptel. Les règles sont fixées par l'arrêté du 29 janvier dernier publié le 31 janvier 2003 au Journal officiel de la République française.
Ces mesures visent à assurer la protection du consommateur dans l'hypothèse, qui n'est pas à exclure, où la tremblante masquerait l'encéphalopathie spongiforme bovine. Il est en effet impossible actuellement sur le plan scientifique de faire une distinction simple et rapide entre l'ESB et la tremblante.
Par ailleurs, étant donné qu'il n'existe pas dans l'espèce caprine de susceptibilité génétique connue vis-à-vis de la tremblante, il n'est pas possible de fonder les mesures d'éradication, comme cela se pratique pour l'espèce ovine, sur une élimination sélective des seuls animaux sensibles à la maladie.
En outre, lorsque le caprin atteint de tremblante a séjourné dans plusieurs exploitations au cours de sa vie, il est prévu de placer ces différentes exploitations sous surveillance renforcée pour confirmer ou infirmer la présence de tremblante.
J'entends naturellement que les recherches concernant la pathogénie de la tremblante dans l'espèce caprine soient intensifiées. Ces travaux ont été confiés à l'INRA et à l'AFSSA afin de rendre opérationnelles des méthodes de diagnostic in vivo de la tremblante dans l'espèce caprine.
Enfin, au plan européen, les mesures de police sanitaire liées à la tremblante caprine ont récemment été harmonisées dans le règlement CE n° 999/2001. Elles sont fondées sur un abattage total immédiat des cheptels caprins touchés par la maladie et seront applicables pour l'ensemble des Etats membres dès le mois d'octobre 2003. Vous constatez donc, madame la députée, que les mesures que j'ai décidées ne sont pas plus rigoureuses que celles que vient d'arrêter l'Union européenne.
S'agissant du volet socio-économique, nous avons suivi ce dossier depuis le début avec la plus grande attention. Des mesures d'indemnisation spécifiques liées à la situation particulière de la filière, compte tenu notamment de la difficulté à reconstituer les cheptels, ont été arrêtées.
M. le président. La parole est Mme Geneviève Perrin-Gaillard.
Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Cela dit, quand on sait que plus de 4 500 chèvres ont été abattues dans la région Poitou-Charentes pour cinq ou six animaux atteints, il y a tout de même de quoi s'interroger.
Vous souhaitez que l'AFSSA poursuive les recherches. Il faut mettre le turbo si je puis dire, parce qu'on ne peut continuer d'accepter que des animaux soient tués ainsi à l'aune d'un principe de précaution qui devient un principe d'hyper-précaution et d'aberration. Je commence à m'élever contre de tels procédés car c'est considérer l'être vivant avec beaucoup de légèreté.
Enfin, les mesures financières proposées aux éleveurs ne sont pas totalement satisfaisantes. Un élevage de chèvres n'a pas du tout le même profil qu'un élevage bovin et il faut beaucoup plus de temps pour retrouver une production convenable. Il faut prendre en compte ces difficultés et faire en sorte que les éleveurs caprins puissent rapidement retrouver un moyen de produire. Sinon, la filière caprine, dans la région Poitou-Charentes et en France disparaîtra définitivement.
Auteur : Mme Geneviève Gaillard
Type de question : Question orale
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche
Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 février 2003