Question orale n° 107 :
château de Lunéville

12e Législature

Question de : M. Jean-Yves Le Déaut
Meurthe-et-Moselle (6e circonscription) - Socialiste

M. Jean-Yves Le Déaut appelle l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur les conséquences dramatiques de l'incendie du château des Lumières de Lunéville, dit le « Petit Versailles », qui a été la proie des flammes dans la nuit du 2 au 3 janvier 2003. La plus belle partie de l'édifice, en particulier la chapelle, le musée de la faïence, le mess des officiers et une grande partie des collections ont été entièrement détruits. Le conseil général de Meurthe-et-Moselle est le propriétaire des parties détruites pour le tiers des bâtiments et l'Etat pour la partie octroyée à l'armée. La générosité de nos concitoyens a déjà été sollicitée puisqu'une souscription a été lancée par le conseil général. Devant ce désastre culturel national, il souhaiterait connaître quels moyens seront donnés à l'inventaire des collections et à la restauration des pièces de décors qui seront retrouvées, quel montant l'Etat envisage de consacrer à la rénovation des bâtiments sinistrés et quel sera le calendrier des travaux.

Réponse en séance, et publiée le 5 février 2003

RÉHABILITATION DU CHÂTEAU DES LUMIÈRES
DE LUNÉVILLE

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour exposer sa question, n° 107, relative à la réhabilitation du château des Lumières de Lunéville.
M. Jean-Yves Le Déaut. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, dans la soirée du 2 janvier, le château des Lumières de Lunéville, joyau de l'architecture du début du xviiie siècle, a été la proie des flammes. La plus belle partie de l'édifice, qui abritait en particulier la chapelle Boffrand, l'apothicairerie du xviiie, le musée de la Faïence et ses collections irremplaçables - dont la statuette polychrome représentant le nain Bébé, bouffon du roi Stanislas -, des tapisseries, des tentures, des tableaux, des gravures, des pâtes de verre, des oeuvres rares façonnées par Baccarat, des boiseries, des décors en stuc, la bibliothèque militaire comprenant 30 000 documents a été entièrement détruite.
Dès le 3 janvier, vous êtes venu, monsieur le ministre, partager l'émotion des Lunévillois et de tous les Lorrains ; vous avez tenu à les soutenir dans leur désarroi et vous avez déclaré que la reconstruction de ce joyau serait une cause nationale. Je rappelle que le conseil général est propriétaire du tiers des parties détruites ; l'autre partie, qui était occupée par l'armée, étant la propriété de l'Etat.
La générosité de nos concitoyens a déjà été sollicitée puisqu'une souscription a été lancée par le conseil général de Meurthe-et-Moselle, en collaboration avec L'Est républicain, France Bleu Sud-Lorraine, France 3 Lorraine, à laquelle la Fondation du patrimoine s'est associée.
Devant ce désastre culturel national, je souhaiterais savoir quel montant l'Etat envisage de consacrer à la rénovation des bâtiments sinistrés. Pouvez-vous indiquer quelle part sera prise en charge par les assurances et quel montant restera à la charge de l'Etat ? Les parties occupées par l'armée étaient-elles assurées ? Avez-vous pu, un mois après le drame, évaluer succinctement le coût des travaux ? Pouvez-vous assurer, comme vous l'avez dit à Lunéville, que le château sera reconstruit à l'horizon 2005 ? Je souhaiterais également savoir quels moyens le ministère de la culture consacrera à la reconstitution des collections, à leur inventaire et à la restauration des pièces de décor qui seront retrouvées.
Nous pensons qu'il faut rester mobilisés car, si les Lorrains oublient, Paris deviendra amnésique ! Comment l'Etat aidera-t-il concrètement le conseil général de Meurthe-et-Moselle dans son projet de valorisation du château de Lunéville et de reconstruction de l'un des plus beaux sites du patrimoine lorrain ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, je voudrais tout d'abord vous redire la profonde tristesse que m'a inspirée la destruction de ce chef-d'oeuvre architectural lorrain.
Dès le 3 janvier, au lendemain de la catastrophe, je me suis rendu à Lunéville pour marquer à mes compatriotes de Lorraine - car, vous le savez, je suis lorrain - ma tristesse et ma solidarité. Le maire de Lunéville, le président du conseil général, le président de la région, tous les élus de la Lorraine ont été, je crois, sensibles à ma présence, en tout cas aux engagements que j'ai pris à cette occasion au nom de l'Etat.
Vous l'avez rappelé, le château de Lunéville est propriété pour partie du département de la Meurthe-et-Moselle, pour l'autre du ministère de la défense, donc de l'Etat. La plus grande partie des bâtiments détruits, environ 60 %, sont situés dans la zone sous l'emprise du ministère de la défense.
Les travaux de première urgence sont évalués à 2 millions d'euros, qui seront naturellement financés par les deux propriétaires, ainsi qu'ils s'y sont engagés. Pour la partie qui ne serait pas finançable par eux, des crédits du ministère de la culture qui avaient été mis en place dans la perspective de travaux de restauration de ce château seront mobilisés. En effet, nous avions engagé, avec les collectivités locales, une vaste campagne de remise en valeur de ce château. En outre, le préfet m'a indiqué que des crédits FEDER seraient également mobilisables.
Sur le terrain, les abords du château ont été sécurisés, sous la conduite de l'architecte en chef des monuments historiques. Les éléments instables sont en cours de dépose à l'aide de grues et de nacelles. Le confortement des structures et la dépose des décors ont été engagés et se prolongeront jusqu'au mois d'avril. La mise hors d'eau sera terminée fin avril. Vous le savez, nous avons beaucoup craint, au lendemain du sinistre, l'effet de la survenue du gel sur la stabilité de ces bâtiments. Il convenait de sauver ce qui pouvait l'être et de protéger le public qui se promènerait le long des constructions endommagées.
Une fois les structures du château consolidées, des recherches seront engagées pour retrouver les nombreux objets provenant du musée encore enfouis sous les décombres. Je tiens à rappeler que, dans la nuit du sinistre, l'ensemble de la population de Lunéville s'est mobilisée aux côtés des pompiers et des militaires présents pour sauver la plus grande partie des collections abritées par le château de Lunéville. Hélas ! vous le savez, certaines pièces insignes de la collection, notamment la pharmacie du roi Stanislas et la représentation du nain de Stanislas, Bébé, qui était l'un des symboles de la Lorraine, ont été détruites.
Pour la restauration définitive du château, l'ensemble des partenaires se mobiliseront, aussi bien les collectivités locales - le département de Meurthe-et-Moselle, propriétaire du château, et la région Lorraine ont fait connaître leurs engagements - que l'Etat, au titre de la restauration des monuments historiques.
A ce jour, il est trop tôt, monsieur le député, pour que je sois en état de vous fournir une évaluation précise du montant des travaux. Sachez tout de même que les trois collectivités publiques concernées se sont engagées à le prendre en charge, selon une clé de répartition à définir.
Il est bon de rappeler également que toute la partie qui appartient au département de Meurthe-et-Moselle était assurée. Le conseil général fera donc jouer les assurances. Quant à la partie qui appartient au ministère de la défense, je puis vous indiquer que les espaces qui étaient ouverts au public, et qui faisaient partie du musée du château de Lunéville, étaient également assurés. On peut donc espérer que les assurances apporteront un concours très significatif au financement des travaux.
En outre, vous l'avez rappelé, dès le lendemain de la catastrophe, le président du conseil général de Meurthe-et-Moselle et moi-même avons lancé, à Lunéville, un appel à la solidarité nationale sous la forme d'une souscription nationale. Cette souscription a été mise en oeuvre. Elle sera abritée par la Fondation du patrimoine. Le conseil général de Meurthe-et-Moselle et la région Lorraine ont très largement mobilisé les particuliers et les entreprises de la région en mesure de contribuer financièrement à la restauration du château. J'ajoute que j'ai déjà, en tant que ministre de la culture, sollicité un certain nombre de grandes entreprises françaises pour les inviter à contribuer de la même façon à cette restauration.
J'organiserai, au printemps prochain, la saison s'y prêtant un peu plus, au château de Versailles - on a souvent dit que Lunéville était le « petit Versailles » de la Lorraine -, une soirée dite de gala à l'occasion de laquelle j'inviterai les principales entreprises françaises à manifester concrètement leur solidarité à l'égard de la restauration de cet élément si essentiel de notre patrimoine national.
S'agissant des collections, une fois qu'un bilan définitif aura été dressé et que nous connaîtrons l'ampleur du sinistre, l'Etat mobilisera, j'en ai donné l'assurance aux collectivités locales, les collections nationales. Ainsi, à la faveur de dépôts des collections nationales au bénéfice du département de Meurthe-et-Moselle, le château de Lunéville devrait pouvoir reconstituer un ensemble de collections satisfaisant. En tout cas, l'Etat est présent aux côtés du département de Meurthe-et-Moselle et de la région de la Lorraine, pour tenter, et je crois que nous y parviendrons, de rendre au château de Lunéville son lustre.
Nous nous sommes fixés, vous le savez, un objectif, celui d'être en mesure d'ouvrir la chapelle au public en 2005. Cette date marquera en effet, dans l'ensemble de la Lorraine, à l'initiative de la ville de Nancy, un grand cycle de manifestations consacrées au siècle des Lumières.
Telle est, monsieur le député, la réponse que je suis en état de vous fournir aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Monsieur le ministre, je vous remercie pour ce témoignage de solidarité envers la Lorraine. Nous savons que, face à ce désastre culturel national, l'Etat sera aux côtés de la ville de Lunéville et de son maire, Michel Closse, du président du conseil général, Michel Dinet, et du président du conseil régional, Gérard Longuet. Mais il ne faudra pas nous oublier car, malheureusement, avec le temps, le souvenir des catastrophes s'estompe.

Données clés

Auteur : M. Jean-Yves Le Déaut

Type de question : Question orale

Rubrique : Patrimoine culturel

Ministère interrogé : culture et communication

Ministère répondant : culture et communication

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 février 2003

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