Question orale n° 1101 :
textile et habillement

12e Législature

Question de : M. François Vannson
Vosges (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. François Vannson souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale sur l'avenir des salariés de l'entreprise Les Fils de Victor Perrin. Le 20 janvier 2005, le tribunal de commerce d'Épinal a prononcé la liquidation judiciaire de l'entreprise. 143 salariés répartis sur deux sites de production - Thiéfosse et Uxegney - vont être licenciés dans les jours qui viennent. Les difficultés de l'industrie textile dans les Vosges ne sont pas nouvelles. Se pose dès lors le problème du reclassement et de l'employabilité de ces salariés. Il devient en effet préoccupant que le secteur d'activité du textile dans les Vosges n'offre plus d'opportunité d'emploi. De plus, depuis trente ans, le secteur du textile et de l'habillement était protégé par les conséquences bénéfiques de l'accord multi-fibre (AMF). Or le démantèlement de l'AMF et l'accession de la Chine à l'OMC (Organisation mondiale du commerce) vont profondément modifier la concurrence dans ce secteur d'activité. De plus, depuis l'abandon du plan Borotra, rien n'a été fait pour sauver l'industrie textile. On peut comprendre aisément les difficultés pour les employés de ce secteur d'activité dans les Vosges à retrouver un emploi. C'est l'existence même de l'industrie textile - dont les Vosges ont été un fleuron - qui est menacée. Aussi il souhaiterait savoir ce que le Gouvernement entend prendre comme mesures pour aider les bassins d'emploi à vocation industrielle et marqués par le déclin du textile à se reconvertir. Il lui demande de lui préciser quels dispositifs il envisage de mettre en oeuvre pour aider les salariés licenciés à retrouver le chemin de l'emploi.

Réponse en séance, et publiée le 2 mars 2005

AVENIR DES SALARIES DE LA SOCIETE TEXTILE VICTOR-PERRIN A ÉPINAL

M. le président. La parole est à M. François Vannson, pour exposer sa question, n° 1101.
M. François Vannson. J'associe à cette question mon collègue Michel Heinrich, député-maire d'Épinal, car la société Les fils de Victor Perrin est répartie sur deux sites de production, Uxegney et Thiéfosse, qui sont respectivement dans la circonscription de M. Heinrich et dans la mienne.
Je souhaite appeler l'attention sur l'avenir des salariés de cette entreprise. En effet, le 20 janvier 2005, le tribunal de commerce d'Épinal a prononcé la liquidation judiciaire de la société textile Victor-Perrin, entreprise emblématique du tissage et filage vosgien. Or ce jugement a pour conséquence le licenciement de 143 personnes.
Les difficultés de l'industrie textile lorraine et plus particulièrement vosgienne ne sont pas nouvelles. Ce secteur emploie difficilement 7 000 personnes aujourd'hui contre près de 21 000 en 1999. Rendez-vous compte : deux tiers des emplois ont disparu en à peine cinq ans. À l'échelle nationale, c'est un emploi sur deux qui a été détruit en l'espace de quinze ans.
Voilà des années qu'on nous dit qu'il faut innover, miser sur les nouveaux produits et investir dans la recherche pour être compétitifs et sauvegarder nos emplois. Or on assiste aujourd'hui à la disparition inexorable des rares entreprises qui ont réussi à tenir bon jusqu'alors. La fin des quotas imposés par l'accord sur les textiles et les vêtements, qui offrait un semblant de protection face aux exportations massives des pays en développement, est programmée pour la fin de l'année.
Cela aura pour conséquence d'ouvrir totalement le marché européen, qui est déjà le plus libre de la planète, aux exportations chinoises et asiatiques. J'ajoute que la surévaluation de l'euro, associée à la sous-évaluation de la monnaie chinoise et du dollar, constitue une menace supplémentaire pour les employés de ce secteur d'activité.
Je sais que le Gouvernement est conscient de ces problèmes et je ne cherche à accabler personne, mais depuis de nombreuses années nous entendons le même discours sur l'innovation. Or, si celle-ci est vitale pour l'industrie, elle n'est certainement pas suffisante.
Pourtant, comme en ont témoigné les industriels du secteur que j'ai rencontrés le 12 février dernier, ce sont paradoxalement les produits à faible valeur ajoutée qui leur permettent de maintenir leur volume, au détriment des produits à forte valeur ajoutée dont les commandes s'effondrent en France pour affluer en Chine.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre afin d'enrayer le déclin de l'emploi dans l'industrie textile ? Par ailleurs, quels dispositifs seront mis en oeuvre pour aider les salariés licenciés à retrouver le chemin de l'emploi ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion.
Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Monsieur le député, vous appelez l'attention du Gouvernement sur le problème du reclassement et de l'employabilité de 143 salariés de l'entreprise Victor-Perrin, spécialisée dans le tissage de coton écru dans les Vosges. Plus largement, vous nous interrogez sur les mesures prévues par le Gouvernement pour reconvertir les bassins d'emploi marqués par le déclin du textile, notamment ceux des Vosges.
L'entreprise Victor-Perrin, en effet, a été mise en liquidation judiciaire le 20 janvier 2005 par le tribunal de commerce d'Épinal. S'agissant d'une entreprise défaillante, je peux vous garantir que l'État prendra intégralement en charge les mesures d'accompagnement social qui seront prévues dans le plan de sauvegarde de l'emploi. Les services suivent ce dossier avec une attention toute particulière. Est ainsi prévue la mise en place de conventions du Fonds national pour l'emploi en matière de préretraite, d'allocation temporaire dégressive et de création de cellules de reclassement.
Vous faites également part du risque d'aggravation de la situation du secteur du textile après la fin de l'accord multifibre intervenu le 1er janvier 2005. Je tiens à vous indiquer que l'État, les collectivités locales et les partenaires sociaux ont, ces dernières années, pris des mesures afin de favoriser la reconversion des bassins d'emploi plus particulièrement concernés par les mutations des industries du textile.
Au niveau national, dans une circulaire datée du 17 décembre 2002 et toujours en vigueur, l'État sensibilise ses services à la situation du secteur du textile en France et leur fixe des marges de manoeuvre pour accompagner socialement la crise du textile. Par ailleurs, un accord professionnel relatif à la formation et à l'emploi dans le textile et l'habillement, signé le 7 avril 2003, a reçu un abondement financier des fonds structurels européens et de l'État ; cet accord enregistre de premiers résultats intéressants, notamment quant à l'amélioration de l'employabilité des salariés du secteur textile.
Au niveau local, l'État a contribué à la réalisation et au financement de divers plans d'action : le plan régional textile-habillement dans le Nord-Pas-de-Calais, le plan Rhône-Alpes textile et le programme d'appui économique en faveur des Vosges.
À l'initiative et sous l'impulsion de Christian Poncelet, président du conseil général des Vosges, ce dernier programme a été arrêté lors du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 26 mai 2003. Il a trois objectifs : consolider et valoriser le pôle d'excellence vosgien dans les domaines des fibres, filière textile et bois ; assurer une diversification de l'économie vosgienne par le biais d'un soutien aux autres secteurs d'activité les plus porteurs ; enfin, développer plusieurs mesures significatives concourant plus globalement à l'attractivité économique de ses territoires les plus fragiles.
Enfin, au niveau européen, car les difficultés rencontrées par ce secteur touchent tous les pays de l'Union européenne du fait de la concurrence des pays à bas coûts salariaux, la Commission européenne a défini le 25 novembre 2004 une stratégie pour aider l'industrie du textile-habillement à surmonter les changements résultant de la disparition des quotas. Cette stratégie prévoit notamment le renforcement du partenariat entre l'Union européenne et les pays du bassin méditerranéen dans le domaine du textile ainsi que la mise en place d'outils pour lutter contre les pratiques déloyales de certains pays asiatiques. Mon collègue François Loos a récemment saisi la Commission européenne pour que cette stratégie soit rapidement mise en oeuvre. D'ores et déjà, à la demande de la France notamment, la Commission effectue une surveillance spécifique des importations de textile qui, depuis le 1er janvier, doivent être obligatoirement déclarées à l'administration. Si la tendance se confirme d'un accroissement significatif des importations, la France examinera l'opportunité d'utiliser la clause de sauvegarde.
L'ensemble de ces mesures démontrent l'attention toute particulière que portent les services de l'État aux secteurs de l'industrie du textile et de l'habillement. Les ministères concernés mènent actuellement une réflexion sur l'amélioration possible de certains de ces dispositifs.
M. le président. La parole est à M. François Vannson.
M. François Vannson. Je vous remercie, madame la ministre, pour cette réponse. J'ai bien noté la volonté de l'État de tout mettre en oeuvre pour trouver une réponse sociale à la situation de ces 143 salariés qui se trouvent aujourd'hui privés d'emploi. Nos bassins d'emploi ayant été très largement éprouvés ces dernières années, reconvertir des salariés du textile devient de plus en plus difficile.
Je voudrais surtout attirer l'attention sur un point : bien qu'un dispositif défensif ait été mis en place, l'industrie textile disparaît inexorablement, du fait d'une concurrence que l'on peut considérer comme déloyale. Et je suis intimement convaincu que ce qui est vrai aujourd'hui pour le textile risque de l'être demain pour les équipementiers automobiles ou pour d'autres secteurs d'activité, voire pour certains services déjà délocalisés dans ces pays émergents.
Notre pays doit impérativement faire preuve de volonté pour rétablir des règles du jeu cohérentes et équitables. Nous avons besoin d'une volonté nationale, mais, pour faire face à la désindustrialisation de l'Europe, nous devons surtout convaincre nos partenaires européens. Pour ma part, je crains fortement que ce processus ne s'amplifie.

Données clés

Auteur : M. François Vannson

Type de question : Question orale

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : emploi

Ministère répondant : emploi

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er mars 2005

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