Question orale n° 1133 :
décentralisation

12e Législature

Question de : M. Bernard Derosier
Nord (2e circonscription) - Socialiste

M. Bernard Derosier attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les nouvelles charges transférées aux départements dans le cadre de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Celui-ci constate un décalage important entre les moyens qui vont être transférés par l'État et les besoins réels qui n'ont pas été pris en compte dans cette compensation qui consiste en fait à reporter la solidarité nationale sur les collectivités territoriales. Un exemple dans le département du Nord : la participation de l'État au fonds énergie s'élevait en 2003 à 652 377 euros. Alors que les situations d'exclusion explosaient en 2004 dans le Nord, l'État a diminué sa participation de 60 % au fonds énergie, puisque celle-ci a été ramenée à 259 163 euros ne permettant plus à ce dispositif de répondre aux demandes dès le mois de mai 2004 ! Or, le montant de compensation de l'État pour le fonds énergie sera de 300 000 euros en 2005 ! Les exemples pourraient être reproduits à l'identique avec le fonds de solidarité logement ou le fonds départemental d'aides aux jeunes. Aussi, il attend de la part de l'État une juste part destinée à compenser réellement les transferts opérés et exige le respect du principe de compensation à l'euro près des charges transférées aux collectivités territoriales.

Réponse en séance, et publiée le 23 mars 2005

COMPENSATION FINANCIERE DES CHARGES TRANSFEREES AUX DEPARTEMENTS
PAR LA LOI DU 13 AOÛT 2004

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy, pour exposer la question n° 1133 de M. Bernard Derosier, relative à la compensation financière des charges transférées aux départements par la loi du 13 août 2004.
M. Patrick Roy. Je vous prie d'abord, madame la ministre, d'excuser M. Bernard Derosier, qui vient d'être affecté par un deuil familial et qui a dû se rendre aux funérailles ce matin.
La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a transféré, au 1er janvier 2005, de nouvelles charges aux départements : il s'agit entre autres du fonds de solidarité logement élargi aux aides des impayés d'eau, d'énergie et de téléphone, et du fonds départemental d'aide aux jeunes. Ces dispositifs étaient, avant le 1er janvier 2005, cofinancés par l'État et le département.
J'emploie les termes " nouvelles charges " à dessein car je constate, dans un département que je connais bien, le Nord, que la compensation des transferts de compétences " à l'euro près " n'est pas la réalité. Les dés ont été pipés dès le départ car cette compensation s'effectue sur des bases iniques qui consistent à reporter la solidarité nationale sur les collectivités territoriales.
M. Éric Raoult. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
M. Patrick Roy. En effet, L'État a beau jeu d'annoncer une compensation intégrale alors qu'il s'est désengagé depuis deux ans, de manière significative, dans le financement de ces différents dispositifs !
M. Éric Raoult. Et qu'en était-il avant ?
Mme Sylvia Bassot. Que s'est-il passé avec l'APA ?
M. Patrick Roy. Pour ne pas en rester qu'au vocabulaire, permettez-moi de prendre l'exemple concret du département du Nord.
La participation de l'État au fonds solidarité énergie s'élevait, en 2003, à 652 000 euros. Alors que les situations d'exclusion explosaient, en 2004, dans le Nord, l'État a diminué sa participation de 60 % au fonds énergie, ne permettant plus à ce dispositif de répondre aux demandes dès le mois de mai 2004 !
Même illustration avec le fonds de solidarité logement du Nord, qui a vu la participation de l'État diminuer de 24,5 % en 2004.
Les besoins en 2005 pour le FSL du Nord ont été estimés à 14,1 millions d'euros. Or la compensation financière de l'État devrait s'élever, en 2005, à 3,746 millions d'euros, laissant à la charge du département une dépense de plus de 10 millions d'euros, soit plus de 70 % du budget prévisionnel du FSL ! De qui se moque-t-on ?
Je pourrais multiplier les exemples, notamment avec le fonds départemental d'aides aux jeunes qui a vu la participation de l'État diminuer de 73 % par rapport à 2003 : 1,113 million d'euros en 2002, 750 000 euros en 2003 et 200 000 euros en 2004.
Le représentant de l'État a fait connaître au président du conseil général du Nord le montant du transfert global - FSL élargi, FDAJ, CLIC et déchets ménagers : 5,8 millions d'euros. Ce chiffre illustre de manière significative le cynisme de l'État.
Cette situation, qui engendre une profonde déstabilisation des acteurs sociaux confrontés à la montée de l'exclusion et de la précarité, est intolérable.
Aussi, madame la ministre, j'attends de la part de l'État une " juste part ", destinée à compenser réellement les transferts opérés, à l'euro près, et à permettre aux collectivités territoriales de répondre aux attentes et aux besoins de nos concitoyens en difficulté.
J'attends de l'État autre chose que du vocabulaire ronflant. J'attends de l'État - je vous retourne le compliment - madame la ministre, autre chose que de la propagande.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intérieur.
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le député, je vous demande d'adresser à M. Derosier nos condoléances pour le deuil familial qui le frappe.
Au mois d'octobre dernier, mon prédécesseur, M. Copé ici présent, que M. Derosier interrogeait déjà sur le financement des transferts de compétences, lui avait longuement répondu. Mais puisque les éléments, pourtant fort précis, qu'il avait alors fournis ne semblent pas avoir apaisé ses craintes, je vais à mon tour vous apporter une réponse, comme je viens de le faire à votre collègue Éric Raoult.
J'insiste particulièrement sur les garanties constitutionnelles sans précédent qui accompagnent, au profit des collectivités territoriales, les transferts de compétences.
C'est au terme d'échanges nourris et constructifs entre le Gouvernement et la représentation nationale que les modalités de la compensation financière ont été inscrites dans la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales. Le Gouvernement a accepté plusieurs amendements tendant précisément à rassurer les élus quant au caractère loyal de la compensation des charges résultant de ces transferts.
La compensation financière des charges résultant des transferts de compétences inscrits dans la loi répond à cet égard à plusieurs principes visant à assurer la neutralité desdits transferts tant sur le budget de l'État que sur celui des collectivités territoriales bénéficiaires : la compensation financière sera ainsi intégrale, concomitante, contrôlée et conforme à l'objectif d'autonomie financière inscrit dans la Constitution. Toutes les dépenses, directes et indirectes, liées à l'exercice des compétences transférées seront ainsi prises en compte dans le calcul de la compensation selon des règles que j'ai déjà rappelées.
Je tiens toutefois à souligner, car c'est un point qui " accroche ", que le choix d'utiliser une moyenne triennale pour la compensation des charges de fonctionnement a été introduit par un amendement parlementaire, précisément par crainte d'un prétendu " désengagement de l'État " qui aurait rendu défavorable une compensation sur la base du dernier exercice précédant le transfert.
Or, dans les cas que vous mentionnez, c'est notamment l'application de cette règle qui suscite des difficultés, d'une part parce que certaines politiques transférées avaient connu des montées en puissance rapides, d'autre part parce que la nécessité d'utiliser d'importants reports de trésorerie avait pu conduire l'État, dans certains cas, à ajuster ses propres abondements budgétaires. Je puis vous dire, monsieur le député, pour ce qui est de votre département, que le préfet a d'ores et déjà attiré mon attention sur ces questions s'agissant, entre autres, du fonds de solidarité logement et des centres locaux d'information et de coordination.
Comme vous le savez, le droit à compensation qui a été inscrit dans la loi de finances pour 2005 n'est pas définitif. Il devait être inscrit à titre provisionnel afin de fournir aux collectivités des ressources nouvelles, concomitamment aux charges nouvelles qu'elles ont désormais à assumer. Le Nord sera ainsi attributaire de quelque 5,8 millions d'euros de taxe spéciale sur les conventions d'assurance. Une fois le montant du droit à compensation définitivement arrêté, il sera procédé aux régularisations nécessaires.
La commission consultative sur l'évaluation des charges, que le Gouvernement a tenu à mettre en place dans des délais très brefs, est chargée de s'assurer de la justesse de la compensation, tant dans ses méthodes d'évaluation que dans son montant, le tout se faisant " à l'euro l'euro ".
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement. Très bien ! Tout est dit !
M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.
M. Patrick Roy. Votre venez, madame la ministre, de tenir le discours ronflant habituel du Gouvernement, lequel est en complet décalage par rapport à la réalité vécue.
Nous avons parlé du plan Borloo, mais lorsque les présidents d'association découvrent aujourd'hui ce qu'est réellement l'aide du Gouvernement, ils voient bien le décalage : les contrats aidés sont, en fait, moins aidés. Telle est la réalité financière ! Au-delà du " droit à compensation " et des " garanties sans précédent ", les chiffres parlent et nous voyons bien que les montants sont très insuffisants. Nous aurons sans doute l'occasion de faire des comparaisons et vous verrez que les charges transférées aux collectivités locales ne sont pas compensées en totalité, loin de là.

Données clés

Auteur : M. Bernard Derosier

Type de question : Question orale

Rubrique : État

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 mars 2005

partager