équilibre financier
Question de :
Mme Jacqueline Fraysse
Hauts-de-Seine (4e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Mme Jacqueline Fraysse appelle l'attention de M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille sur la situation budgétaire pour 2005 et 2006 de la branche maladie de la sécurité sociale au regard de celle des accidents du travail et maladies professionnelles. Actuellement bloquée par le patronat qui refuse de voter une majoration du budget de base de la tarification des accidents du travail aux entreprises, le budget de la branche AT-MP devrait être en déficit pour 2005 et 2006, de manière artificielle. Par ailleurs, ce refus de refinancer la branche accompagné d'une stratégie de non-reconnaissance et de non-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles porte préjudice aux équilibres de la branche maladie de la sécurité sociale. En effet, aujourd'hui encore, chaque maladie reconnue et déclarée contribue à réduire les déséquilibres de la branche maladie et à faire payer équitablement par l'employeur, les atteintes qu'ils occasionnent à la santé de leurs salariés. L'enjeu financier de la démarche est considérable dans la mesure où, par exemple, le seul coût moyen des cancers professionnels non reconnus par l'employeur mais remboursé par la CNAMTS, dépasse de loin le déficit de la branche maladie. Il est de l'ordre de 15 milliards d'euros pour 2005. Elle lui demande donc, dans le cadre de la nouvelle architecture de l'assurance maladie, quelles dispositions il compte prendre auprès du patronat et des instances de la branche AT-MP afin de contribuer au rééquilibrage financier de la branche maladie et de stimuler ainsi efficacement la politique de prévention.
Réponse en séance, et publiée le 23 mars 2005
SITUATION FINANCIERE DE LA BRANCHE ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES
DE LA SECURITE SOCIALE
Mme Jacqueline Fraysse. Ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Les premiers résultats de l'enquête Sumer 2003 réalisée auprès de 50 000 salariés par la DRT et la DARES en collaboration avec plus de 20 % de médecins du travail en exercice ont montré une dégradation de la santé des travailleurs de 1994 à 2003, qui résulte pour beaucoup de l'aggravation de leurs conditions de travail. Selon la DARES elle-même, " l'exposition des salariés à la plupart des risques et pénibilités du travail a eu tendance à s'accroître. Les longues journées de travail sont devenues plus rares et le travail répétitif est moins répandu. Mais les contraintes organisationnelles se sont globalement accrues, les pénibilités physiques également. L'exposition à des agents biologiques est restée stable, mais l'exposition à des produits chimiques a progressé ".
Pourtant, dans le même temps, tout est fait pour déresponsabiliser les entreprises à l'égard de la santé de leurs salariés et des comptes de l'assurance maladie. La déclaration des accidents du travail avec arrêts prescrits et la reconnaissance des maladies professionnelles sont pour ainsi dire laissées à la discrétion des employeurs, qui ne se privent pas de les sous-évaluer pour ne pas avoir à payer.
En effet, par des méthodes de harcèlement hiérarchique des victimes visant à ce que celles-ci ne déclarent pas leurs accidents ou n'utilisent pas les arrêts prescrits par les médecins, par des contestations systématiques du caractère professionnel de l'accident auprès des caisses primaires d'assurance maladie, les employeurs parviennent à échapper à leur contribution au financement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles. En sous-évaluant les accidents du travail, ils évitent le paiement des soins aux salariés, ainsi que la majoration pour le fonds de prévention que toute déclaration induit. En procédant ainsi, ils rejettent sur l'assurance maladie la prise en charge d'éventuelles complications ou conséquences sanitaires pour le salarié.
Les établissements Renault au Mans constituent un véritable cas d'école en ce qui concerne ces tricheries. À l'initiative de la CGT, le CHSCT a recalculé les statistiques publiées par la direction pour 2003. Il est apparu que les taux d'accidents de travail avec arrêts prescrits par les médecins étaient quatre fois supérieurs aux chiffres déclarés pour les salariés, et dix fois supérieurs pour les intérimaires.
De même, et bien qu'en cinq ans seulement le nombre de déclaration de maladies professionnelles ait plus que doublé - 24 208 en 1999, plus de 50 000 en 2003 -, tous les spécialistes s'accordent pour confirmer que ce nombre est largement sous-évalué.
Si l'on s'attache aux seules affections péri-articulaires consécutives à des efforts répétés - 10 117 en 2003 - ou aux cancers reconnus - 1 300 en 2003 -, ces deux pathologies représentant 75 % du total des maladies déclarées, il s'avère que les chiffres officiels sont loin du compte.
En effet, sur les 180 000 personnes opérées annuellement pour des lésions péri-articulaires, les milieux médicaux estiment que plus de 83 % le sont à cause de leur profession. Quant aux cancers reconnus, 1 041 sont déclarés comme étant dus à l'amiante. Si l'on compare ce chiffre à l'évaluation faite par l'INVS comptabilisant annuellement entre 20 000 et 30 000 personnes touchées par l'amiante, nous sommes, là encore, bien loin des réalités sanitaires vécues par les salariés.
Or le coût de cette prise en charge par la branche maladie va bien au-delà des 330 millions d'euros de reversement compensatoire annuel effectué par la branche AT-MP. En prenant simplement le cas des cancers d'origine professionnelle, que le milieu médical évalue aujourd'hui à 30 000 par an, et compte tenu du coût moyen de traitement d'un cancer, soit 500 000 euros, on peut évaluer le manque à gagner pour l'assurance maladie à au moins 15 milliards d'euros. Le Gouvernement a justifié la réforme de l'assurance maladie pour beaucoup moins que ça !
Mais cette évaluation est encore en deçà du coût social réel consécutif aux conditions de travail des salariés. Il faudrait en effet y ajouter le coût des maladies non encore reconnues comme d'origine professionnelle, des maladies cardiovasculaires et des asthmes professionnels. Surtout, il faudrait tenir compte du coût du stress au travail et des conséquences qu'il induit en termes de santé mentale en raison de l'intensification des charges de travail et des méthodes de gestion par harcèlement moral.
Dans le cadre de la nouvelle architecture de l'assurance maladie, j'aimerais savoir quelles dispositions M. le ministre compte prendre auprès du patronat et des instances de la branche accidents du travail et maladies professionnelles afin de contribuer au rééquilibrage financier de la branche maladie et de stimuler ainsi efficacement la politique de prévention de la santé au travail, qui évolue actuellement dans le mauvais sens.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Madame la députée, le déficit de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, tel que prévu par la dernière commission des comptes de la sécurité sociale, devrait en effet être de l'ordre de 700 millions d'euros.
Ce déficit est en partie lié à la montée en charge des dispositifs liés à l'amiante, qu'il s'agisse du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ou du fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.
L'article 54 de la loi portant réforme de l'assurance maladie du 13 août 2004 invite les organisations professionnelles d'employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au plan national à soumettre au Gouvernement et au Parlement dans un délai d'un an, c'est-à-dire avant le 9 août 2005, des propositions de réforme de la gouvernance de la branche accidents du travail et maladies professionnelles ainsi que, le cas échéant, d'évolution des conditions de prévention, de réparation et de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Le Gouvernement fait confiance aux partenaires sociaux pour proposer des solutions qui permettront d'améliorer le fonctionnement de la branche tout en lui permettant de retrouver son équilibre financier.
Dans ce cadre, une mission d'appui des partenaires sociaux sera mise en place par l'État comme le prévoyait le plan " santé au travail " présenté par le ministre délégué aux relations du travail le 17 février dernier. Cette mission pourra notamment évaluer l'impact des scénarios d'une réforme de la tarification.
Une meilleure reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles fait également partie des objectifs recherchés par le Gouvernement. Il ne fait aucun doute que de grands progrès ont déjà été accomplis dans cette voie, en raison notamment de l'amélioration des tableaux de maladies professionnelles et de l'accroissement du nombre des victimes de l'amiante indemnisées.
Le chiffre faramineux que vous avancez quant au coût des cancers professionnels non reconnus comme maladies professionnelles ne repose sur aucune analyse sérieuse.
La loi du 13 août 2004 prévoit en revanche qu'une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes remet tous les trois ans, au Parlement et au Gouvernement, un rapport évaluant le coût réel pour la branche maladie de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Le président de cette commission vient d'être désigné ; celle-ci devrait se réunir prochainement et remettre son rapport avant le 1er juillet de cette année. C'est au vu de ses travaux que le transfert de 330 millions d'euros actuellement prévu au profit de la branche maladie sera revu. Cette commission pourra également remettre toute proposition qu'elle jugera utile en vue d'améliorer les procédures de reconnaissance de ces risques, les outils statistiques ou comptables, les études épidémiologiques ou la législation applicable. Je ne doute pas, madame la députée, qu'elle y pourvoira.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Je me félicite qu'une commission travaille sur la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, ce qui constitue une forme de reconnaissance de ce phénomène. J'espère que cette commission permettra de rétablir un équilibre aujourd'hui profondément altéré.
En revanche, la suppression de 60 postes de médecins du travail en 2005, pour 73 en 2004, prévue par le plan " santé au travail ", est surprenante et ne me semble pas aller dans le sens de la volonté affirmée par le Gouvernement de renforcer la prévention des maladies et des accidents professionnels.
Auteur : Mme Jacqueline Fraysse
Type de question : Question orale
Rubrique : Assurance maladie maternité : généralités
Ministère interrogé : solidarités, santé et famille
Ministère répondant : solidarités, santé et famille
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 mars 2005