protection
Question de :
M. Jean Lassalle
Pyrénées-Atlantiques (4e circonscription) - Union pour la Démocratie Française
Depuis sa promulgation en 1992, la directive habitat a donné des pouvoirs exorbitants à la Communauté européenne en matière de gestion de nos territoires. Des sites rassemblant plusieurs centaines de milliers d'hectares ont été constitués voici une quinzaine d'années dans le secret le plus absolu par le Muséum d'histoire naturelle, le mouvement associatif et les DIREN sans la moindre consultation des responsables locaux de ces territoires. Ces derniers furent d'ailleurs à l'époque totalement ignorés. Aujourd'hui, leur classement s'effectue, sans aucune concertation, sur les sites où il n'y a pas d'accords, en marche forcée, par les préfets qui font à juste titre observer que la France a pris beaucoup de retard dans ce domaine-là et que la Communauté européenne sanctionne la France. Comment dans un pays démocratique comme le nôtre et dans un espace aussi sourcilleux sur le plan de la démocratie que l'est la Communauté européenne peut-on procéder à des classements d'office de certains territoires alors que leurs responsables n'en veulent pas ? M. Jean Lassalle demande à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité de bien vouloir lui indiquer ce que signifie au juste le nouveau vocable à la mode d'écoconditionnalité, les raisons pour lesquelles il s'est brusquement abattu sur la PAC comme la misère sur les pauvres et pourquoi l'annonce du contrôle à tout va est-elle à ce point sanctuarisée. Les paysans de France, espèce si largement en voie de disparition, est-elle à ce point devenue dangereuse et suspecte ? Enfin, pourquoi toujours la même réponse invariable de Paris à Pau lorsque ce sujet est abordé : « Soyez tranquilles, il n'y aura pas de contrôles en 2005 ». Cela signifie-t-il qu'il n'y en aura pas davantage dans les années 2006, 2007 et les suivantes ? Il lui demande enfin les raisons d'une si grande discrétion de l'ensemble des autorités françaises, quels que soient les gouvernements, sur tous ces sujets. À titre d'exemple, la directive Habitat a été transcrite clans le droit français par ordonnance imposée au Parlement en l'an 2000, afin d'éviter toute discussion sur le sujet.
Réponse en séance, et publiée le 23 mars 2005
CONSEQUENCES DE LA TRANSPOSITION
DE LA DIRECTIVE HABITAT
M. Jean Lassalle. À vrai dire, il ne s'agit pas d'une question, car je sais qu'elle ne peut avoir de réponse. Élu depuis vingt-neuf ans, je ressens que notre campagne est touchée au fond de l'âme : elle manque de perspectives et a le sentiment, aujourd'hui, de ne plus servir à rien. Après avoir perdu depuis longtemps le contrôle de certaines banlieues, nous sommes aujourd'hui en train de perdre celui d'une part importante de nos campagnes.
En ce qui concerne les directives Habitat et Oiseaux, chacun sait comment elles ont été mises en place : notre pays les a cautionnées et n'a pas osé organiser en 2000 un débat public au Parlement, préférant les transposer par ordonnances.
Actuellement, nous assistons à une véritable dépossession de notre territoire. Or s'il y a une chose que les femmes et les hommes de chez nous savaient pourtant faire, c'était entretenir leur territoire, auquel ils sont très attachés et qui forme ce formidable caléidoscope français que nous envie le monde entier. Aujourd'hui, paysans et forestiers sont dépossédés et déresponsabilisés. Désormais, c'est la Communauté européenne qui classe et se donne les moyens, par le biais des DOCUP, de mettre cela en forme.
Les ministres de tous bords qui se sont succédé depuis quinze ans répètent que ce système - le contrat plutôt que la contrainte - est synonyme de liberté. Mais dans notre département - celui des Basques et des Béarnais - qui est très concerné, toutes les communes ne veulent pas de ces directives. Cela étant, le préfet - que je comprends car il n'a pas le choix - les a classées contre leur gré.
S'agissant du principe d'éco-conditionnalité, on nous avait juré qu'il n'aurait aucune conséquence et qu'il s'agissait simplement de préserver des sites rares et des espèces. Or la réforme de la PAC impose de faire des déclarations sous le sigle de l'éco-conditionnalité. Ce vocable s'est abattu sur nous, comme la misère sur les pauvres ! On ne peut plus parler d'agriculture sans évoquer l'éco-conditionnalité ! Tout est-il devenu si compliqué qu'il faille utiliser des termes aussi complexes ?
Enfin, nos concitoyens ont le sentiment que la réforme de la PAC a été faite dans le seul but de les mettre en observation, à la disposition de contrôleurs multiples et divers venus de partout. Comme si le monde paysan était devenu l'un des plus pollueurs et l'un des plus difficiles à cerner et qu'il fallait le surveiller avec la plus grande attention !
J'ai écrit à M. le Premier ministre pour lui faire part de mon inquiétude, car cette situation, qui ne dit pas son nom, me paraît dangereuse.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire.
M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. Monsieur le député, je ne partage pas votre pessimisme systématique, et nous avons eu l'occasion d'en débattre lors de l'examen du projet de loi sur le développement des territoires ruraux. Je crois au contraire que le monde rural a d'importants atouts et qu'il est nécessaire à l'équilibre de notre territoire. Il est aussi une chance pour notre pays. Nous en connaissons les inquiétudes, qui peuvent être ponctuelles, concerner telle ou telle catégorie du monde rural, mais nous devons nous mobiliser pour en faire valoir les atouts.
Au cours de mes nombreux déplacements dans les départements ruraux, j'ai trouvé, depuis dix mois, une formidable énergie. Ces territoires ruraux sont portés par les hommes qui y vivent et, pour ma part, j'éprouve un sentiment d'optimisme en les voyant se battre sur le terrain.
Vous avez raison, monsieur Lassalle, ce n'est pas toujours facile et, parfois, certaines décisions nous inquiètent. Mais, à côté de nous, des hommes se battent, créent, entreprennent, préparent l'avenir, et le rôle d'un homme politique est de les épauler et de leur transmettre un message plus dynamisant.
En ce qui concerne la directive Habitat, si les États membres ont l'obligation de désigner des sites en quantité suffisante, ils disposent, en revanche, d'une grande latitude pour arrêter les mesures de gestion et de conservation.
En tant qu'élu local, je partage votre mécontentement, dû au fait que les premières désignations de sites ont été faites sans information des élus, tant sur les raisons que sur les finalités de ces désignations. Cette absence d'information lors de la mise en oeuvre de la directive a légitimement inquiété de très nombreux élus et représentants d'activités économiques sur l'ensemble du territoire national.
Souhaitant rompre avec ces mauvaises méthodes, le Gouvernement a révisé profondément la procédure de désignation des sites et un soin tout particulier a été porté à l'information des élus et, notamment, des maires. Ces derniers sont, depuis 2002, systématiquement consultés avant toute décision de désignation.
La désignation n'est cependant pas l'étape la plus importante. Le moment essentiel où doit s'exercer pleinement la démocratie au niveau local est la définition des modes de gestion des sites ainsi désignés.
Loin de faire le choix d'édicter un droit spécifique aux sites Natura 2000, le Gouvernement a opté pour une démarche tendant à donner aux responsables locaux, au premier rang desquels les élus, une très large latitude dans la définition des principes et des moyens de gestion des différents sites.
Ainsi chacun des sites Natura 2000 est-il doté d'un " comité de pilotage ". Jusqu'à présent placé sous l'autorité du préfet, celui-ci sera prochainement, grâce à la loi sur le développement des territoires ruraux, présidé par un élu local.
Véritable lieu de concertation local, ce comité de pilotage a pour charge de rédiger un "document d'objectif précisant les accords entre les différentes parties en présence et les dispositions de gestion contractuelles à mettre en oeuvre pour assurer une bonne gestion du site".
La conditionnalité des aides directes, liée au volet environnement, ne vient pas ajouter de nouvelles mesures ; elle s'applique aux directives déjà en vigueur - habitat, oiseaux, nitrates, boues - dont les dispositions sont déjà connues des agriculteurs.
Le principe de conditionnalité constitue un volet important de la réforme de la PAC. Nous avons obtenu le maintien des aides directes à 8 milliards d'euros chaque année jusqu'en 2013, soit 20 % du budget agricole communautaire. En contrepartie, les soutiens obtenus par l'agriculture supposent le respect de règles liées à l'environnement, à la santé animale et végétale, au bien-être des animaux.
Vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le député, que l'ensemble des mesures de la conditionnalité a été présenté, en toute transparence, à chaque agriculteur par le biais de deux livrets. Que n'a-t-on d'ailleurs pas entendu sur ces livrets ! Jugés trop détaillés, trop volumineux, ils ont suscité de nombreuses inquiétudes.
Le Gouvernement a entendu les craintes des agriculteurs concernant la mise en oeuvre de la conditionnalité des aides. Pour 2005, M. Dominique Bussereau a décidé que les " anomalies mineures " ne feront l'objet d'aucune pénalisation financière. Il y a substitué un mécanisme d'alerte. En 2006, il procédera, en partenariat avec les organisations professionnelles et en accord avec la Commission européenne, à une évaluation du dispositif pour adapter, le cas échéant, certaines des modalités de mise en oeuvre de la conditionnalité au vu des enseignements de l'année 2005.
Les agriculteurs ont besoin de se familiariser avec l'ensemble de ces règles. 2 005 sera donc une année test, non une année blanche.
M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.
M. Jean Lassalle. Je remercie M. le ministre de sa réponse. Malgré toute l'estime et toute l'affection que je lui porte, je ne partage aucune de ses conclusions, mais il ne peut pas en être autrement.
Je ne dramatise pas la situation. Je suis un représentant du peuple français qui expose une réalité qui l'inquiète au plus haut point.
Quant à l'avenir des paysans, il suffit de regarder les courbes démographiques et le nombre d'installations qui se profilent d'ici à dix ans pour avoir une idée de la santé réelle de nos campagnes.
Nous avons beaucoup de chemin à faire ensemble, monsieur le ministre. Je savais que vous ne pouviez pas me faire d'autre réponse que celle que vous m'avez faite. De mon côté, je ne pouvais pas dire autre chose que ce que j'ai dit.
Auteur : M. Jean Lassalle
Type de question : Question orale
Rubrique : Environnement
Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche
Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 mars 2005