pisciculture
Question de :
M. André Chassaigne
Puy-de-Dôme (5e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
M. André Chassaigne attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité sur l'extension des cotisations aux producteurs piscicoles non membres du CIPA. Les « petits » pisciculteurs non membres du comité interprofessionnel des produits de l'aquaculture (CIPA) contestent la validité juridique de l'arrêté du 26 octobre 2004, paru au Journal officiel (JO) du 20 novembre 2004 portant extension d'un avenant relatif au montant des cotisations, conclu dans le cadre du CIPA. Cet arrêté renouvelle ceux des 23 novembre 2001, 29 octobre 2002 et 12 août 2003. Le refus de régler les cotisations qui leur sont ainsi réclamées s'appuie sur le non-respect par l'État à la fois de l'article L. 632-3 du code rural et aussi des articles 13-1 b, 15-3 a et 16-4 du règlement communautaire n° 104-2000 du Conseil du 17 décembre 1999, portant notamment organisation commune des marchés des produits de l'aquaculture. En effet, le code rural exige que pour être étendus, et donc justifier des cotisations, les accords doivent instaurer notamment des « contrat type, des conventions de campagne », ce qui n'est manifestement pas le cas. L'arrêté dénoncé par les petits pisciculteurs est également en contradiction avec le règlement communautaire, car celui-ci non plus n'autorise pas les extensions qui concerneraient seulement le paiement ou la fixation d'une cotisation : cette extension n'est possible que lorsqu'elle concerne des règles pour un ou plusieurs produits et associées à des actions bien précises, comme par exemple les campagnes d'information, les règles de production ou de commercialisation... (art. 15, § 3, point a). Ainsi, non seulement l'extension « appliquée » concerne seulement une cotisation, mais de surcroît, il n'y a jamais eu, depuis la création du CIPA, d'« extensions de règles pour un ou plusieurs produits », telles que celles exigées par le règlement communautaire, pouvant justifier le paiement d'une cotisation. Cette cotisation réclamée aux pisciculteurs non membres du CIPA apparaît comme doublement injustifiée au regard de cette réglementation. De plus, l'article 16-4 du règlement communautaire stipule que, pour percevoir une cotisation étendue, l'organisation interprofessionnelle doit être reconnue, ce qui ne semble pas être le cas pour le CIPA, notamment pour les filières esturgeons et poissons marins, au sens de l'article 13-6 du même règlement et de l'article 3 du règlement n° 1813-2001. Par ailleurs, ce même règlement précise que les conditions de reconnaissance de l'organisation interprofessionnelle doivent être liées à une représentativité au moins égale à un tiers dans chacune des « régions », ce qui n'est toujours pas le cas, et sont soumises à des contrôles annuels de l'État, contrôles qui semblent ne pas avoir été effectués. Enfin, le Journal officiel des communautés européennes (JOCE) n'a semble-t-il toujours pas publié de liste des organisations interprofessionnelles reconnues où figure le CIPA. Les syndicats et une association de défense des pisciculteurs contestent depuis 1998 la validité des décisions du CIPA, émanation des pisciculteurs « industriels » aux intérêts souvent très divergents de ceux pratiquant l'élevage artisanal. Ainsi, des actions ont pu être décidées par le CIPA pour le seul profit des élevages industriels, tout en nuisant aux élevages de type artisanal, par la baisse indirecte, artificielle et temporaire des prix que ces mêmes actions ont pu entraîner. Dans ces conditions, comment ces « petits » élevages, déjà plus fragiles financièrement, pourraient-ils alors accepter de supporter le coût d'actions nationales décidées par et pour les entreprises industrielles ? Cette situation ne semble pas acceptable, tant par son iniquité vis-à-vis d'un mode d'élevage qu'il faudrait plutôt encourager qu'en matière de respect des règlements nationaux et internationaux. En conséquence, sur la base des faits et présomptions énoncés, il lui demande dans quelle mesure il compte appliquer une réglementation nationale cohérente et en accord avec les règlements communautaires, notamment au sujet de la filière aquacole. Il lui demande également quelles mesures sont envisagées pour indemniser les piscicultures artisanales, qui subissent depuis cinq ans des prélèvements indus, en application des multiples arrêtés d'extension non conformes au règlement communautaire.
Réponse en séance, et publiée le 30 mars 2005
COTISATIONS DEMANDEES AUX PISCICULTEURS
NON MEMBRES DU CIPA
M. André Chassaigne. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité, les " petits " pisciculteurs non membres du comité interprofessionnel des produits de l'aquaculture - le CIPA - contestent la validité juridique de l'arrêté du 26 octobre 2004 portant extension d'un avenant relatif au montant des cotisations, conclu dans le cadre du CIPA.
Leur refus de régler les cotisations qui leur sont réclamées à ce titre s'appuie sur le non-respect par l'État à la fois de l'article L. 632-3 du code rural et des articles 13-1b, 15-3a et 16-4 du règlement communautaire n° 104/2000 portant notamment organisation commune des marchés des produits de l'aquaculture.
En effet, le code rural exige que, pour être étendus, et donc justifier des cotisations, les accords doivent notamment instaurer des " contrats types, des conventions de campagne ", ce qui n'est manifestement pas le cas.
L'arrêté dénoncé par les petits pisciculteurs est également en contradiction avec le règlement communautaire qui interdit les extensions limitées au paiement ou à la fixation d'une cotisation : l'extension n'est possible que lorsqu'elle concerne des règles relatives à un ou plusieurs produits et associées à des actions bien précises, comme les campagnes d'information, les règles de production ou de commercialisation.
L'extension " appliquée " concerne seulement une cotisation. De surcroît, il n'y a jamais eu, depuis la création du CIPA, d'" extensions de règles pour un ou plusieurs produits " telles que celles exigées par le règlement communautaire, pouvant justifier le paiement d'une cotisation. Celle qui est réclamée aux pisciculteurs non membres du CIPA apparaît donc comme doublement injustifiée au regard de cette réglementation.
Par ailleurs, l'article 16-4 du règlement communautaire dispose que, pour percevoir une cotisation étendue, l'organisation interprofessionnelle doit être reconnue, ce qui ne semble pas être le cas du CIPA, notamment pour les filières esturgeon et poissons marins.
De surcroît, ce même règlement précise que les conditions de reconnaissance de l'organisation interprofessionnelle doivent être liées à une représentativité au moins égale à un tiers dans chacune des " régions ", ce qui n'est toujours pas le cas, et sont soumises à des contrôles annuels de l'État, lesquels ne semblent pas avoir été effectués.
Enfin, le Journal officiel des Communautés européennes n'a, semble-t-il, toujours pas publié de liste des organisations interprofessionnelles reconnues où figure le CIPA.
Les syndicats et une association de défense des pisciculteurs contestent depuis 1998 la validité des décisions du CIPA. Émanation des pisciculteurs industriels, le comité a des intérêts souvent très divergents de ceux de l'élevage artisanal. Ainsi, des actions engagées par le CIPA pour le seul profit des élevages industriels se sont révélées nuisibles aux élevages de type artisanal par la baisse indirecte, artificielle et temporaire des prix qu'elles ont entraînée.
Dans ces conditions, comment les petits élevages, déjà financièrement plus fragiles, pourraient-ils accepter de supporter le coût d'actions nationales décidées par et pour les entreprises industrielles ?
Cette situation est inacceptable, tant du fait de son iniquité vis-à-vis d'un mode d'élevage qu'il faudrait plutôt encourager, que du non-respect des règlements nationaux et internationaux.
Sur la base des faits et présomptions énoncés, comptez-vous, monsieur le ministre, appliquer une réglementation nationale cohérente et en accord avec les règlements communautaires, notamment au sujet de la filière aquacole ? Quelles mesures envisagez-vous pour indemniser les piscicultures artisanales qui subissent depuis cinq ans des prélèvements indus, en application des multiples arrêtés d'extension non conformes au règlement communautaire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Vous avez raison, monsieur le député, de vous interroger sur le rôle et l'efficacité des interprofessions, en l'occurrence celle de la pisciculture, le comité interprofessionnel des produits de l'aquaculture, le CIPA.
Votre question, qui relaie les protestations de certains pisciculteurs qui refusent de payer leur contribution, montre qu'il reste du travail à accomplir pour que l'action des interprofessions soit mieux comprise et plus visible.
Le CIPA, en application de l'article L.632-3 du code rural, mène depuis sa création des actions pour renforcer l'aquaculture et lui permettre de mieux résister - c'est en tout cas ce que je souhaite - aux difficultés de ce secteur.
Cette interprofession, comme toutes les interprofessions, fonctionne avec les cotisations de ses adhérents et des aides publiques associées aux programmes qu'elle mène. La connaissance de l'offre, de la demande et des mécanismes du marché, la qualité des produits de la filière, à laquelle les consommateurs sont très attachés, la promotion des produits piscicoles sur les marchés intérieurs et extérieurs, la réalisation de programmes de recherche appliquée, l'harmonisation des pratiques font partie des actions de sa compétence. L'existence d'une interprofession piscicole me paraît ainsi indispensable pour assurer pleinement l'organisation économique de la filière et représenter celle-ci sur le plan national et sur le plan communautaire. Néanmoins - et je comprends bien votre question, monsieur Chassaigne -, son action doit être bénéfique à tous ses adhérents, qui doivent pouvoir s'y exprimer.
À ce propos, je note que le CIPA, pour prendre en compte la spécificité des petites structures professionnelles que vous avez citées, a mis en place une commission de travail concernant la pisciculture de proximité dès 2001 afin d'analyser les besoins de ces entreprises et de mettre en place les moyens nécessaires pour y répondre. Ces exploitations sont par ailleurs exonérées de la cotisation volontaire étendue lorsqu'elles produisent moins de trois tonnes de poissons. De plus, le CIPA a décidé, au début de cette année, d'intégrer au sein de son conseil d'administration un représentant de chaque syndicat régional adhérent au collège des producteurs par le biais de la fédération française des aquaculteurs.
Les autorités françaises ont notifié à la Commission européenne l'interprofession piscicole, y compris les filières esturgeon et poissons marins.
Pour ce qui concerne le problème, toujours compliqué, de la cotisation obligatoire, celle-ci a été étendue à l'ensemble des entreprises des secteurs piscicoles conformément au règlement communautaire 104/2000 relatif à l'organisation commune des marchés applicable aux produits de l'aquaculture. Elle fait l'objet actuellement d'un recours contentieux et je ne manquerai pas de tirer les conséquences du jugement.
En attendant, je vous remercie, monsieur Chassaigne, d'avoir attiré mon attention sur les problèmes des petits pisciculteurs. Je suis prêt à en parler avec vous afin de voir si nous pouvons, en plus des éléments de réponse que je viens de vous donner, prendre des mesures spécifiques permettant de répondre à vos interrogations.
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour la précision de votre réponse.
J'insiste cependant sur la situation dramatique de certaines piscicultures. Le recours dont vous avez parlé a été enregistré le 8 janvier 2003. Un argumentaire a été déposé le 2 juin 2004. Depuis, c'est l'attente. Or les procédures judiciaires se multiplient à l'encontre des pisciculteurs qui, se croyant protégés par le droit communautaire, refusent de payer leurs cotisations.
Ainsi, la pisciculture de Plouvorne, en Bretagne, condamnée par une ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Morlaix à payer 118 773 euros à titre de provision, est amenée à fermer.
De très nombreuses piscicultures, petites ou plus importantes, se trouvent dans des situations catastrophiques.
Auteur : M. André Chassaigne
Type de question : Question orale
Rubrique : Aquaculture et pêche professionnelle
Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche
Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 mars 2005