urbanisme
Question de :
Mme Claude Greff
Indre-et-Loire (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Mme Claude Greff appelle l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire sur les difficultés financières des communes en milieu rural. L'arrivée de nouveaux habitants créée un accroissement des charges communales car leur accueil nécessite des travaux de voirie et d'assainissement importants. Accoutumés à des services qu'offrent les grandes villes, les habitants sollicitent les municipalités qui ne peuvent investir en conséquence. Le plus souvent, les ressources communales ne permettent pas de répondre à ces demandes. Elle lui demande de bien vouloir préciser les mesures qu'il entend prendre afin de mieux accompagner les communes rurales dans leur développement, et ainsi faciliter l'aménagement des territoires ruraux.
Réponse en séance, et publiée le 5 février 2003
FINANCEMENT DES EXTENSIONS DE RÉSEAUX
DANS LES ZONES RURALES
M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour exposer sa question, n° 117, relative au financement des extensions de réseaux dans les zones rurales.
Mme Claude Greff. Monsieur le secrétaire d'Etat aux personnes âgées, ma question concerne également le département de l'Indre-et-Loire dont je suis avec M. Descamps l'un des élus.
Les élus locaux de ma circonscription me sollicitent fréquemment au sujet des difficultés financières que rencontrent les petites et moyennes communes en milieu rural.
Depuis une vingtaine d'années, la population de Tours et de son agglomération quitte le milieu urbain non seulement pour bénéficier d'espace, de tranquillité, bref d'une meilleure qualité de vie, mais également pour avoir la possibilité d'accéder à la propriété. Dans les années 80, ce sont les communes péri-urbaines qui ont connu une forte croissance démographique. Aujourd'hui, les migrations se reportent sur les zones rurales, jusque-là délaissées, qui connaissent désormais une vraie croissance de leur population.
La commune de La Croix-en-Touraine, dans le canton de Bléré, est à ce titre exemplaire. Sa population est passée de 1 323 habitants en 1990 à 2 030 habitants en 2001, soit 11,35 % d'augmentation. A cette croissance des communes vient s'ajouter un excédent naturel lié à une nouvelle vitalité démographique.
Si la rurbanisation permet d'estomper le déséquilibre démographique entre les villes et les campagnes, elle ne va pas sans poser de problèmes aux communes accueillant ces nouveaux habitants. Ce dynamisme démographique est bien entendu toujours accueilli avec grand plaisir par les élus mais il a cependant un incidence lourde en termes budgétaires pour les communes concernées. Accoutumés aux services qu'offrent les grandes villes, comme des équipements sportifs diversifiés, des lieux de culture, un accueil péri-scolaire, des cantines aux normes, les nouveaux habitants ne comprennent pas toujours pourquoi les communes rurales ne peuvent pas leur apporter les mêmes services et investir en conséquence. Or il est déjà difficile pour les élus des petites et moyennes communes rurales de satisfaire les attentes en équipements fondamentaux comme l'école, la voirie, l'éclairage public, les réseaux d'assainissement et d'eau potable. Par conséquent, réaliser un complexe sportif, une bibliothèque ou une salle de spectacle est souvent synonyme d'un fort endettement. Comment réaliser un tel équipement, qui a un coût rarement inférieur à 500 000 euros et qui dépasse de loin les capacités d'investissement de nombreuses petites communes ? Certes, l'arrivée des nouveaux habitants augmente sensiblement les recettes fiscales mais cela n'accroît pas pour autant la capacité d'investissement.
Désireuses de maintenir une véritable solidarité des territoires, les instances départementales et régionales apportent bien sûr leur soutien. Toutefois, ce concours reste souvent restreint du fait du plafond autorisé pour le cofinancement des opérations. Ainsi, pour ce qui est de la DGE, les critères d'éligibilité rendent difficile l'obtention de fonds. Et même si la création du pays et de l'intercommunalité a constitué une avancée importante dans ce domaine, les problèmes subsistent.
La solidarité entre nos territoires doit être assurée. Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais connaître les perspectives de votre action en matière d'aménagement du territoire et plus particulièrement les mesures que vous comptez prendre en faveur des communes aujourd'hui concernées par la rurbanisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Madame la députée, l'évolution que vous avez décrite de votre belle région, notamment le dynamisme de la commune de La Croix-en-Touraine, qui a presque doublé sa population, ce qui est à l'honneur des élus locaux, reflète assez bien la réalité de l'évolution du monde rural au cours des dernières années.
Si l'on essaie de tirer les principaux enseignements du dernier recensement général de la population, on s'aperçoit que l'espace rural français rassemble la même population qu'au recensement de 1962, c'est-à-dire plus de treize millions d'habitants. Cela est encourageant : depuis une dizaine d'années, le monde rural connaît des évolutions nouvelles, en particulier en matière de soldes migratoires d'un nombre important de communes rurales, qui sont positives.
M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !
M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. L'analyse plus fine des résultats du recensement montre, et cela se retrouve dans votre propos, que les secteurs ruraux les plus dynamiques correspondent aux territoires proches des villes elles-mêmes dynamiques. En d'autres termes, il est vain d'opposer la ville et la campagne. Ceci se traduit par une symbiose des comportements et des attentes de nos concitoyens.
Vous avez parfaitement raison de le souligner, les urbains qui quittent les villes pour aller vivre dans des territoires ruraux ne cherchent, certes, une meilleure qualité de vie et éventuellement la possibilité d'accéder plus facilement à la propriété mais aussi des services équivalents à ceux qu'offrent les grandes villes. Il faut tenir compte de cette nouvelle exigence dans notre politique d'aménagement du territoire pour accompagner cette évolution et encourager cette nouvelle forme d'occupation de l'espace rural.
La France a en Europe cet avantage déterminant, et cela rejoint d'ailleurs la question précédente, d'avoir un espace rural vivant. L'enjeu pour l'aménagement du territoire tel que le conçoivent le Gouvernement et le ministre Jean-Paul Delevoye que je représente ce matin est de tout faire pour préserver l'attractivité globale de ce territoire rural.
Le comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire du 13 décembre dernier, qui s'inscrit dans cette perspective, a donné, notamment, la priorité à l'aménagement numérique du territoire. Nous considérons en effet que les nouvelles technologies peuvent être une clé déterminante pour permettre aux citoyens vivant dans des régions rurales de bénéficier de la même qualité de service que les habitants des villes.
M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !
M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. En termes d'accessibilité aux services publics, les nouvelles technologies et la politique dite des maisons de service public peuvent vraiment apporter, je crois, un plus considérable et compenser largement les inégalités territoriales.
Deuxième priorité, il faut des services adaptés aux besoins des acteurs et des populations du monde rural tels que vous les avez décrits.
Troisième priorité à laquelle attache une importance particulière mon collègue ministre de l'agriculture et du développement rural, Hervé Gaymard, la pluri-activité du monde rural doit être sauvegardée et le patrimoine naturel et bâti doit être mis en valeur.
En ce qui concerne les structures institutionnelles, un amendement déposé par Patrick Ollier dans le texte portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction, devrait permettre de simplifier la procédure des pays. Le lien entre le pays et le schéma de cohérence territoriale a été également renforcé, ce qui témoigne de l'intérêt du Parlement pour les pays.
Le projet de territoire initié par un pays regroupant villes et campagne se doit d'être mis en oeuvre par des intercommunalités. Si l'on veut offrir la même qualité de service public partout, il faut développer cette dimension essentielle. L'intercommunalité peut faire avancer des projets que des communes prises isolément ne pourraient pas mener à bien. C'est évident. Vous avez donné des exemples de salles des fêtes, de projets culturels. Lier intercommunalité et projets de territoires me paraît primordial.
Enfin, comme vous le savez, le Gouvernement veut dynamiser la politique en faveur du monde rural : les axes de cette nouvelle politique ont d'ores et déjà été présentés par Hervé Gaymard dans une communication au conseil des ministres du 20 novembre dernier et un projet de loi sera présenté au Parlement dès cette année. Il devra prendre en compte la profonde hétérogénéité des espaces ruraux due non seulement à leur plus ou moins grand éloignement des centres urbains mais aussi à la très grande diversité de leurs activités productives.
Il faut réussir à faire cohabiter durablement des activités productives, agricoles et industrielles, tout en veillant, dans un souci d'équité et de cohésion sociale, à garantir au sein des espaces de faible densité un niveau satisfaisant de services de proximité, en encourageant la polyvalence et en s'appuyant, je le répète, sur les technologies de l'information et de la communication. Tout cela fait partie de la réforme de l'Etat telle que je la conçois.
Bien entendu, se pose le problème que vous avez soulevé des ressources des communes pour accueillir ces nouvelles populations. Cet aspect sera pris en compte dans la réforme de la Constitution sur la décentralisation. L'autonomie financière des collectivités locales et donc la révision de l'assiette des dotations, notamment d'équipement, devra faire l'objet d'une réflexion, à laquelle seront associés le ministre délégué aux libertés locales et le ministre des finances.
Le devoir de péréquation des politiques publiques devra être affirmé : l'Etat doit rester le garant de l'égalité d'accès aux services publics. Le Premier ministre a souhaité à plusieurs reprises qu'il soit donné à cette notion très nouvelle en droit public français un contenu, d'où l'idée de péréquation à l'échelle départementale, pour compenser les inégalités entre communes, à l'échelle régionale, pour accompagner le développement des territoires et, bien entendu, à l'échelle de l'Etat. C'est une des priorités du Gouvernement pour l'année 2003.
M. le président. La parole est à Mme Claude Greff.
Mme Claude Greff. Je salue l'intérêt du Gouvernement pour les communes rurales. J'attire néanmoins son attention sur les difficultés de celles-ci à percevoir ce qui leur est dû et surtout à gérer toutes les strates que sont l'intercommunalité, le pays, la région. Pour mener à bien leurs projets, elles demandent une très grande simplification des procédures. Je saurais gré au Gouvernement d'être très attentif.
Auteur : Mme Claude Greff
Type de question : Question orale
Rubrique : Communes
Ministère interrogé : fonction publique, réforme de l'Etat et aménagement du territoire
Ministère répondant : fonction publique, réforme de l'Etat et aménagement du territoire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 février 2003