Question orale n° 1182 :
DOM : sécurité sociale

12e Législature

Question de : M. Louis-Joseph Manscour
Martinique (1re circonscription) - Socialiste

M. Louis-Joseph Manscour appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité sur la nécessité d'actualiser le mode d'affiliation au régime de protection sociale des non-salariés agricoles à la Martinique et plus généralement dans les DOM. Les dispositifs combinés de l'article L. 762-7 du code rural et du décret n° 85-589 du 3 juin 1985 instaurent un seuil de 2 hectares, pondéré pour les DOM par des coefficients, pour juger de la viabilité d'une exploitation et permettre ainsi l'affiliation de son exploitant à la protection sociale agricole (AVA, AFA, AMEXA). L'inadaptation de ce seuil pondéré dans les DOM a pour conséquence que de nombreux agriculteurs se voient privés de la reconnaissance officielle de leur métier et se trouvent, ainsi, écartés d'une couverture sociale et de toutes aides publiques. Les instances représentatives agricoles (chambre d'agriculture, syndicats et conférence départementale d'orientation agricole) n'ont de cesse de revendiquer, sans succès, auprès des services de l'État, des modifications de ces coefficients et de nouvelles spéculations pour mettre fin aux nombreuses situations difficiles s'apparentant à un vide juridique. Il lui demande donc les dispositions que comptent prendre ses services afin d'adapter, pour les non-salariés agricoles des DOM, le mode d'affiliation au régime agricole et permettre à ces derniers de pouvoir vivre décemment du fruit de leur travail.

Réponse en séance, et publiée le 6 avril 2005

COUVERTURE SOCIALE DES EXPLOITANTS AGRICOLES DES DEPARTEMENTS D'OUTRE-MER

M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour, pour exposer sa question, n° 1182, relative à la couverture sociale des exploitants agricoles des départements d'outre-mer.
M. Louis-Joseph Manscour. Je souhaite, monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, attirer votre attention sur la nécessité d'actualiser le mode d'affiliation au régime de protection sociale des non-salariés agricoles en vigueur en Martinique et dans l'ensemble des départements d'outre-mer.
En effet les dispositions législatives et réglementaires applicables aux DOM en la matière s'avèrent inadaptées, et privent nombre d'exploitants agricoles domiens de la reconnaissance d'un véritable statut, les excluant ainsi d'une couverture sociale et de toute aide publique.
Ainsi un agriculteur martiniquais doit, pour bénéficier du régime de protection sociale agricole, exploiter, au titre de son activité principale, plus d'1,3 hectare de cultures vivrières, ou encore élever plus de dix têtes de bovins ou 66 têtes de porcs. Ces critères de production minimale sont inadaptés. Je pense notamment aux nombreux producteurs de canne à sucre ou de racines, ignames et dachines, dont les exploitations n'excèdent pas 1,3 hectare, et qui sont de ce fait exclus de la protection sociale agricole.
De plus, ces critères d'éligibilité au régime de protection sociale agricole créent un vide juridique car ils excluent plusieurs productions végétales et animales telles que les cultures florales sous serre, les ovins ou les caprins. Ainsi un éleveur caprin disposant de 70 têtes de bétail n'a pas pu s'affilier à l'assurance maladie des exploitants agricoles.
Monsieur le secrétaire d'État, les agriculteurs domiens n'ont pas démérité ; ils travaillent durement, mais nombreux sont ceux qui, eu égard au prix élevé du foncier et de l'exiguïté de notre territoire, ne peuvent bénéficier de la protection sociale agricole. Toutes les instances représentatives - chambre d'agriculture, syndicats, conférence départementale d'orientation agricole - n'ont eu de cesse de réclamer des services de l'État des réajustements de ces coefficients et l'intégration de nouvelles productions pour sortir de ces situations aberrantes.
Est-il besoin de rappeler ici que l'agriculture martiniquaise, qui occupe plus de 13 % de la population active, est soumise à des aléas climatiques importants : cyclones, sécheresses et inondations ? Vous comprendrez que, dans ces conditions, la question de la protection sociale des non-salariés agricoles est primordiale. D'elle dépend le poids de la ruralité dans le développement économique de la Martinique.
Monsieur le secrétaire d'État, le précédent ministre de l'agriculture, en réponse à mon interpellation lors de la discussion budgétaire de novembre dernier, préconisait, entre autres remèdes à la crise de l'agriculture martiniquaise, de développer les filières d'élevage et de favoriser la reconversion des agriculteurs victimes de crises sectorielles vers d'autres productions. Il me semble que, dans cette optique, le critère d'affiliation au régime de protection sociale agricole retenu par la législation actuelle devrait être mieux adapté à la réalité locale, sociale et économique des départements d'outre-mer. Espérons que votre projet de loi d'orientation agricole viendra corriger ces dispositions dommageables pour l'agriculture domienne.
En attendant, monsieur le secrétaire d'État, je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous indiquer quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour remédier à cet inconvénient.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie.
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur le député, vous avez appelé l'attention de Dominique Bussereau sur la nécessité d'actualiser le mode d'affiliation au régime de protection sociale des non-salariés agricoles en vigueur en Martinique et, plus généralement, dans l'ensemble des départements d'outre-mer.
Je tiens tout d'abord à vous préciser que dans les départements d'outre-mer, ce sont des règles spécifiques, différentes de celles mises en oeuvre en métropole, qui régissent l'assujettissement au régime des non salariés agricoles. Ainsi, pour être assujetti à ce régime, l'exploitant doit mettre en valeur une exploitation d'au moins deux hectares dits " pondérés ". Les coefficients de pondération appliqués dans chacun des départements, variables selon les productions, ont été définis par quatre arrêtés en date du 3 juin 1985. Ce seuil de deux hectares pondérés a été fixé pour tenir compte de la viabilité des exploitations agricoles.
Or, selon vous, ce seuil ne serait pas adapté à la situation prévalant localement, ce qui aurait pour conséquence de priver de nombreux agriculteurs d'une reconnaissance officielle, à travers une couverture sociale, et, par conséquent, de l'accès aux aides publiques. Vous demandez dans quelle mesure une modification des coefficients, voire l'introduction de nouvelles spéculations, permettrait de remédier à cette situation.
En premier lieu, je veux rappeler que des mesures favorables existent au bénéfice des exploitants qui mettent en valeur une exploitation d'au moins deux hectares pondérés, mais inférieure à quarante hectares pondérés : ils sont en effet assujettis au régime agricole, mais exonérés des cotisations sociales de maladie, de prestations familiales et de vieillesse.
En outre, les personnes qui ne répondent pas aux conditions du seuil précité de deux hectares pondérés et qui ne bénéficient pas, par ailleurs, d'un régime de protection sociale au titre d'une autre activité professionnelle, bénéficient, comme cela est le cas en métropole, de la couverture maladie universelle.
Un aménagement des coefficients, ou l'introduction de nouvelles spéculations, en prenant notamment en considération l'ancienneté des arrêtés qui les fixent, suppose une expertise approfondie, visant à mesurer précisément leur incidence sur les finances publiques, que ce soit au niveau du régime de protection sociale agricole ou à celui des aides publiques. Il importe également de vérifier l'impact d'éventuelles évolutions sur les exploitations actuellement reconnues.
C'est pourquoi le ministre de l'agriculture a demandé à ses services de procéder à un tel examen, sur la base de rapports qui seront préparés par les directions de l'agriculture et de la forêt des départements d'outre-mer. Vous voyez que le ministère est ouvert à ce type d'examen.
En tout état de cause, le critère primordial qui doit présider à la fixation d'un seuil pour l'accès à la profession d'agriculteur, et de ce fait au régime social correspondant et aux aides publiques associées, restera la viabilité réelle de l'exploitation.

Données clés

Auteur : M. Louis-Joseph Manscour

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche

Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 avril 2005

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