Question orale n° 1210 :
décentralisation

12e Législature

Question de : M. Bruno Le Roux
Seine-Saint-Denis (1re circonscription) - Socialiste

M. Bruno Le Roux souhaite attirer l'attention du M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la compensation financière des compétences transférées au département de la Seine-Saint-Denis. La Caisse nationale d'allocations familiales a indiqué que le nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion a progressé de 9 % sur l'ensemble du territoire national en 2004, augmentant considérablement les charges des conseils généraux. Même si le Premier ministre s'est engagé à ce que l'Etat rembourse à l'euro près les charges induites par le RMI, il n'en reste pas moins que les départements vivent au crédit de l'Etat dans l'attente, en outre, de nouveaux transferts de compétences et bien entendu de charges. Ainsi, le département de la Seine-Saint-Denis estime non seulement que 48 millions d'euros ne seront pas compensés par l'Etat pour l'année 2005, qu'il lui manquera 8 millions d'euros au titre de l'ADAPA, que le Fonds d'aide aux jeunes et le Fonds social logement seront déficitaires à hauteur de 5 millions d'euros et enfin qu'il faudra trouver 11 millions d'euros pour boucler le Fonds de prise en charge des jeunes mineurs qui arrivent à Roissy. A ces 72 millions d'euros que l'Etat n'a pas prévu de compenser, il convient d'ajouter 35 millions d'euros correspondant aux futurs transferts des personnels des collèges et de l'entretien des routes nationales... Dès lors, soucieux de ne pas voir augmenter les impôts d'un département en lutte face à des difficultés sociales importantes, il lui demande de préciser quels moyens le gouvernement entend mettre en oeuvre pour couvrir financièrement l'ensemble des coûts engendrés par la décentralisation acte II.

Réponse en séance, et publiée le 4 mai 2005

FINANCEMENT DES COMPETENCES TRANSFEREES
AU DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour exposer sa question, n° 1210, relative au financement des compétences transférées au département de la Seine-Saint-Denis.
M. Bruno Le Roux. Monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, je souhaite, par cette question, vous faire part de mon inquiétude s'agissant de la compensation financière des compétences transférées au département de la Seine-Saint-Denis.
Quelques exemples. La Caisse nationale d'allocations familiales a indiqué que le nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion a progressé de 9 % sur l'ensemble du territoire national en 2004, augmentant en cela considérablement les charges des conseils généraux. En Seine-Saint-Denis, la progression a été de 12 % . Fin 2003, au moment où se sont opérés les calculs pour les transferts, on comptait 41 000 allocataires du RMI. Ceux-ci étaient 46 000 en 2004, et on en est déjà à 48 000 pour 2005. Ces chiffres témoignent de l'échec de la politique de l'emploi conduite dans notre pays. Pourtant, la Seine-Saint-Denis mène une politique très volontariste en la matière puisqu'elle consacre 17 % du montant total des allocations du RMI pour financer des actions d'insertion. Mais cela ne parvient pas à stopper l'évolution que je viens de décrire.
Même si le Premier ministre s'est engagé à faire en sorte que l'État rembourse " à l'euro près " les charges induites par le RMI, il n'en reste pas moins que les départements sont aujourd'hui dans l'attente de nouveaux transferts de compétences et donc de charges.
Ainsi, la Seine-Saint-Denis estime que pour 2005, non seulement les 48 millions d'euros ne sont pas compensés pour l'instant, au titre du seul RMI, mais qu'il lui manquera, de plus, 8 millions d'euros au titre de l'APA. De même, le fonds d'aide aux jeunes et le fonds social logement seront déficitaires à hauteur de 5 millions d'euros. Enfin, il conviendrait de trouver - et cette compétence doit être, selon moi, totalement assumer par l'État - 11 millions d'euros pour boucler le fonds de prise en charge des jeunes mineurs arrivant à Roissy. Il ne serait pas juste en effet de faire reposer cette prise en charge sur le seul département de Seine-Saint-Denis.
À ces 72 millions d'euros, que l'État n'a pas prévu de compenser pour l'instant, des évaluations font état d'environ 35 millions d'euros correspondant aux futurs transferts des personnels des collèges et à l'entretien des routes nationales, sans savoir exactement d'ailleurs comment s'effectuera ce dernier transfert.
Soucieux de ne pas voir augmenter les charges d'un département en butte à des difficultés sociales importantes, je vous demande de préciser quels moyens le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour couvrir financièrement l'ensemble des coûts engendrés par les transferts qu'il opère, et par l'évolution du nombre d'allocataires de RMI depuis 2003 qui relève très clairement des conséquences de la politique de l'emploi qu'il mène.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, puisque vous m'interrogez sur le financement de l'acte II de la décentralisation et son adaptation pour ce qui concerne votre département, je vais à nouveau vous rappeler la méthode loyale et transparente que le Gouvernement a mise en oeuvre. Elle repose sur quelques idées simples sur lesquelles j'ai eu l'occasion de présenter les engagements du Gouvernement.
Il y a tout d'abord une garantie constitutionnelle avec le nouvel article 72-2 de la Constitution, qui prévoit que les compétences transférées doivent faire l'objet d'une compensation financière pleinement adaptée.
Il y a ensuite la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités locales qui définit un seuil d'autonomie financière, et c'est là une avancée considérable.
Enfin, le gouvernement auquel j'appartiens veille scrupuleusement à ce que les transferts de compétences soient financés à " l'euro près ", selon une formule que vous avez eu vous-même l'amabilité de rappeler, ce qui prouve qu'elle commence à faire son chemin.
Pour tous ces domaines, nous avons veillé à donner des moyens à un juge de paix, je veux parler de la commission consultative d'évaluation des charges. C'est une émanation du comité des finances locales qui aura pour objectif de permettre aux élus de suivre de près le chiffrage des compensations dues aux collectivités.
Je regrette à cet égard qu'un certain nombre d'exécutifs régionaux soient aujourd'hui dans une logique d'opposition aussi frontale alors même que nous avons très largement ouvert les voies du dialogue et de la concertation.
J'en viens aux différents points que vous évoquez pour la Seine-Saint-Denis.
S'agissant du RMI et comme s'y est engagé le Premier ministre, l'écart entre la TIPP reçue par le département et la dépense des comptes de gestion en 2004 sera compensé. Il n'y a pas lieu de faire un procès d'intention au Gouvernement sur ce sujet : nous tiendrons cet engagement. Et je crois être plutôt bien placé pour vous le dire au regard des responsabilités que j'exerce. Les services de la comptabilité publique et ceux du conseil général travaillent d'ailleurs actuellement au chiffrage final. Mes services ne m'ont signalé aucune difficulté à cet égard. Si tel n'est pas votre sentiment, faites-le moi savoir.
Pour ce qui est de l'APA, faut-il rouvrir ce dossier si douloureux pour le parti auquel vous appartenez, monsieur Le Roux ? Dois-je rappeler que le dispositif n'était pas financé et que nous avons été obligés de prendre un certain nombre de mesures pour compenser ce qui ne l'était pas ? L'instauration de la journée de solidarité contribuera pour partie au financement de l'APA. Du reste, des personnalités aussi éminentes que Laurent Fabius et Marilyse Lebranchu et des membres de la majorité avaient signé un appel tendant à prévoir qu'une journée de solidarité soit consacrée au financement de la dépendance. Nous les avons entendus.
Au titre des fonds sociaux concernés par les transferts de compétences - le fonds d'aide aux jeunes et le fonds social logement -, le département a reçu 4,3 millions d'euros selon une méthode de calcul on ne peut plus transparente puisque fondée sur la moyenne des dépenses de l'État pour les trois dernières années. Nous avons appliqué, là encore, la méthode sur laquelle nous nous étions engagés.
S'agissant des transferts d'agents TOS ou des DDE, vos chiffrages m'étonnent puisque ces transferts n'ont pas encore été réalisés. Dès lors comment ouvrir une polémique, en la matière ? Ce discours est pourtant repris par les présidents de région, et je le regrette, car c'est de la désinformation. Les choses se mettent en place progressivement mais ne concernent pas, en tout état de cause, l'année 2005 puisque, pour l'heure, c'est l'État qui continue de payer.
Enfin, puisque vous évoquez le fonds de prise en charge des jeunes mineurs qui arrivent à Roissy, je relève que l'aide sociale à l'enfance est, non pas une compétence transférée, mais une compétence propre du département - c'est un produit de l'excellente loi Defferre. Même s'il n'y a donc pas de droit à compensation, l'État participe à l'accueil des enfants mineurs étrangers en Seine-Saint- Denis en finançant à hauteur de 1,5 million d'euros le Lieu d'accueil et d'orientation - LAO - de Taverny. Cette structure gérée par la Croix-Rouge accueille pour l'essentiel des mineurs en provenance de Seine-Saint-Denis.
Tous ces exemples le montrent, le Gouvernement fait son devoir et compense loyalement, comme il s'y était engagé, les transferts de compétences. Il importe donc de considérer les choses de façon objective. Certes, il peut y avoir, ici ou là, des loupées que j'aurai à coeur de compenser le cas échéant. Mais nous travaillons en toute transparence et avec le souhait que les engagements soient tenus et que ce grand principe de décentralisation auquel vous êtes attaché, monsieur le député, se traduise dans les faits même si je regrette que la formation politique à laquelle vous appartenez soit aussi critique à l'égard d'un projet si ambitieux et qui devrait, normalement, traverser les clivages politiques.
M. Thierry Mariani. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.
M. Bruno Le Roux. Monsieur le ministre, je m'étais efforcé d'être le plus " soft " possible dans ma question et, ainsi, de ne pas employer les mots tels que désinformation ou polémique. J'avais même été jusqu'à reprendre la formule du Gouvernement, et qui appelle d'ailleurs toujours un peu d'ironie, de compensation " à l'euro près ". Mais quand arrête-t-on les calculs ? Doit-on en rester aux chiffres datant de plusieurs mois, voire de plusieurs années ? Je le rappelle, la politique menée par votre gouvernement frappe précisément très durement les collectivités locales au niveau des services d'action sociale, et les départements qui sont en charge de l'action sociale. Alors que ces dépenses sociales explosent, la compensation à " l'euro près " se fait à partir de calculs arrêtés deux ans auparavant. Vous ne tenez pas compte de l'évolution des charges. Le travail de régularisation sur 2004 est en cours d'exécution, mais nous sommes toujours confrontés à des difficultés pour l'évolution des dépenses en 2005.
Monsieur le ministre, quand on parle de décentralisation, il faut respecter les élus locaux. Il faut faire en sorte qu'ils ne soient pas pris pour les dindons de la décentralisation. Ils ne doivent pas être ceux qui auront la charge de compenser les insuffisances de la politique de votre gouvernement. On voit bien que la compensation " à l'euro près " ne s'applique jamais et que ce gouvernement vit aujourd'hui au crédit des collectivités locales. C'est cela qui fonde l'avis de mon parti politique sur la décentralisation que vous avez mise en place.

Données clés

Auteur : M. Bruno Le Roux

Type de question : Question orale

Rubrique : État

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 mai 2005

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